Citations sur Les souffleurs de verre (39)
Entre temps, la Déclaration des droits de l'homme avait rendu tous les citoyens égaux, mais elle n'en avait pas fait des frères. (p. 196)
Première partie - La Reyne d'Hongrie
Les lois, usages et privilèges des verriers étaient plus rigidement observés que les droits féodaux de l'aristocratie; ils étaient également plus justes et plus raisonnables. Les verriers constituaient indéniablement une communauté fermée, où chaque homme, chaque femme et chaque enfant connaissait sa place, depuis le directeur lui-même, qui travaillait près de ses hommes, partageant leurs besognes, portait les mêmes vêtements, mais que tous considéraient comme le seigneur et maître, jusqu'à l'enfant de six ou sept ans qui faisait les commissions des uns et des autres, formant équipe avec ses aînés, et saisissait toutes les occasions de s'approcher du four de la verrerie. (p. 28)
Comme beaucoup de gens brusquement frappés d'un deuil, j'éprouvai une amère satisfaction à l'annonce de la guerre. Je ne serais pas la seule à souffrir. Des milliers de gens seraient dans l'affliction. " Que les hommes se battent et s' entre-tuent, me disais-je. Plus vite nous serons envahis et décimés, plus vite nous oublierons nos chagrins personnels. (p. 244)
Un an plus tôt, ma petite soeur, frivole bien qu'intellectuelle, avait été comme moi une jeune mariée ne pensant qu'à son trousseau et au rôle qu'elle jouerait dans la société bourgeoise. A présent c'était une révolutionnaire plus acharnée encore que Pierre, qui voulait quitter son mari parce qu'elle désapprouvait sa profession [Fermier général ] et qui souhaitait la mort d'un prêtre qu'elle n'avait jamais rencontré. (p. 176)
Nos parents prenaient les choses plus philosophiquement que nous. Un maître verrier devait s'habituer aux changements. Jadis, , ils avaient toujours été des errants, allant d'une forêt à l'autre, ne s'y installant que pour quelques années. (p. 68)
Néanmoins , la vie était dure pour eux, car ils devaient payer la capitation et la gabelle; mais ce qui grevait le plus le budget de nos ouvriers et de leurs familles, c'était le prix du pain, qui était monté, au cours des derniers mois, jusqu'à onze sous pour une miche de quatre livres; le pain était leur principale nourriture-ils ne pouvaient s'offrir de la viande-, et un homme gagnant en moyenne une livre ou vingt sous par jour, avec une famille à nourrir, dépensait la moitié de son salaire uniquement à acheter du pain.
Je me rendais compte à présent de tout ce que ma mère avait fait en faveur des femmes et des enfants du pays, et quelle besogne déchirante ce pouvait être que d'essayer de barrer la route à la famine, tout en s'efforçant de réduire au minimum les frais de fabrication. (p. 118)
Première partie - La Reyne d'Hongrie
Non, Robert ne comprenait pas. Beau, gai, jovial, parfaitement sûr de lui, il n'avait pas encore saisi le fait que sa jeune soeur, avec son éducation très incomplète et sa robe de petite provinciale, appartenait à un monde qu'il avait depuis longtemps laissé derrière lui, un monde qui, en dépit de son retard apparent et de sa rustique simplicité, avait plus de profondeur que le sien. (p. 99)
Deuxième partie- La Grande peur
[mon frère aîné] Ses déboires, ses procès n'avaient eu aucune influence sur lui; ils avaient accentué encore, si cela était possible, son caractère d'aventurier; Robert était un homme qui spéculait non seulement avec son argent et avec celui des autres, mais aussi avec les faiblesses humaines. (p. 155)
Ce fut en février 1791 que Michel échangea ses assignats; il acheta un château et des terres ayant appartenu à un évêque, et situés entre Mondoubleau et Vendôme, qui lui coûtèrent treize mille livres- et tout cela à cause de sa haine pour l'Eglise. (...)
Je ne prétends pas expliquer ce qui se passait en son esprit, mais je sais que, petit à petit, au fur et à mesure qu'il devenait "un acquéreur de biens nationaux", le goût du pouvoir se développait en lui. (p. 223)
(...) mais, pour un verrier, c'est rompre avec la tradition que de se marier en dehors de sa communauté. (...)
Le monde des verriers était un monde à part; il ne se reconnaissait pas de maître. Il avait ses règlements et ses coutumes, et un langage particulier, transmis non point seulement de père en fils, mais de patron à apprenti, et qui date Dieu sait depuis combien de siècles, depuis que les verriers s'étaient installés en Normandie, en Lorraine, sur la Loire, mais toujours, bien sûr, à proximité des forêts, car le bois était l'aliment des verreries, son principal vital. (p. 28)