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4,2

sur 330 notes
Me voilà dans une impasse.

J'ai ouvert du côté sauvage de Tiffany McDaniel avec des attentes, que j'ai dû abandonner en cours de lecture, tant ce roman a balayé l'ensemble de mes certitudes. À vrai dire, j'ai même hésité à poursuivre ma lecture lorsque j'ai découvert le quotidien de Arc et de Daffy, deux jumelles nées au sein d'une famille de drogués ; mais mon coeur a frémi, mon estomac s'est retourné à mesure que ces deux filles innocentes s'engagent malgré elles dans la voie tracée par leurs parents toxicomanes.

Le récit décrit la cruauté d'un monde où la femme n'est qu'une proie, un objet dont les hommes se servent à leur guise. Je n'ai pas les mots pour décrire le dégoût que j'ai ressenti lorsque la plume de Tiffany McDaniel dévoile le côté sauvage de chaque homme, la violence qui se tapît derrière les uniformes et les insignes.

Face à cela, la drogue devient le pansement avec lequel les femmes couvrent leurs plaies.

« La seringue m'aime » écrira à plusieurs reprises l'autrice.

L'imagination permet également à ces femmes de s'extraire pendant quelques instants de la rue, de mettre à distance les hommes qui les humilient, qui les frappent et les violent.

Je me suis laissée portée par l'histoire, par les cris de révolte des victimes qui rappellent leur humanité, alors même que la société les déshumanise et les range parmi les décombres et les effets collatéraux du dénuement et de la dépendance.

Toutefois, je reste sceptique quant aux choix narratifs de l'autrice. En effet, l'intrigue me paraît un petit peu trop alambiquée, en particulier le retournement de situation final qui est tiré par les cheveux. Pour cette raison, Betty restera mon roman préféré de cette autrice.

En revanche, du côté sauvage a le mérite d'afficher pleinement l'engagement de Tiffany McDaniel envers les femmes : la radicalité de sa position, la diatribe qu'elle fomente à propos des hommes l'expose davantage à la critique que n'importe quel autre roman qui traiterait du même sujet. Je ne peux donc qu'admirer le courage de cette jeune femme qui porte tout haut les revendications des femmes, dont les droits fondamentaux sont continuellement menacés.

Qu'en pensez-vous ? Connaissez-vous cette autrice ?

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Avant de vous lancer dans ce roman, prenez un échantillon de vous-mêmes, de votre souffle et votre coeur, réservez-le précieusement. Car au sortir de cette lecture, il ne vous restera rien, rien qu'un vide abasourdi qu'il vous faudra tenter de combler avec vos bribes mises de côté.

Mais "Du côté sauvage" ne fait pas que voler votre souffle. A sa manière, il remplit, il hante, on en ressort rassasié de savoir qu'une telle littérature existe, capable de sublimer l'indicible et le noir le plus profond. En cela Tiffany McDaniel excelle. Son lyrisme est époustouflant, façonné dans les clair-obscurs, dans la boue et les étoiles ; il vous emporte de la première à la dernière ligne, éblouissant malgré la nuit sans fin qu'il raconte.
La construction narrative est étourdissante, vertigineuse comme un puits sans fond, dans les ténèbres duquel on s'enfonce, irrémédiablement attirés. Trop tard pour remonter à la surface. Mais la chute en vaut la peine.
Il m'a été impossible de le lâcher, impossible de lâcher Arc et Daffy ; j'avais cette impression, étrange et tenace, que si je m'arrêtais de lire, j'abandonnais les jumelles à leur cruel sort, les laissais seules face à l'insupportable fatalité qu'elles accusent.

J'ai donc continué.
J'ai lu, et j'ai pleuré, et j'ai tempêté.
Chapitre après chapitre, l'intrigue, qui flirte avec le thriller, s'assombrit. Se délite et se condense. Chaque rayon de soleil - car il y en a, il y a le violon, il y a les dessins, il y a le chaton - est menacé par l'orage, les sourires finissent par gronder et éclater. C'est dur. Très dur. Mais c'est très beau, et c'est dur que ce soit beau, car finalement, ce sont ici des mots nourris de la crasse du monde, de la monstruosité des hommes qui forment cette beauté.

Le propos est dense et indispensable. En se basant sur un "true crime" survenu en 2014 dans l'Ohio, l'autrice tire des fils qui se répondent, aborde des sujets âpres et plus que douloureux (attention, beaucoup de trigger warnings), formant la toile d'un roman foncièrement féministe, évidemment révoltant, dissimulant à peine les messages revendicateurs. Un cri puissant pour ne pas oublier les enfances saccagées, les féminicides, les disparues.

Ai-je dit qu'après ce roman, il ne nous restait rien ?
Ce n'est pas vrai, finalement. Il me reste tant de souvenirs dont je ne peux et ne veux me défaire, car "Du côté sauvage" est de ces romans simplement inoubliables.
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Il m'a fallut 10 jours pour lire ce livre. Moi qui, habituellement, ne traîne jamais un livre plus de 4 ou 5 jours, il m'aura fallut le double de temps pour terminer ce chef d'oeuvre. Parce que je devais ces jours à Arc et Daffy. Parce que je ne pouvais pas survoler des passages, parce que je les ai laissé m'imprégner.
@authortiffanymcdaniel a un don. Un pouvoir. Celui de manier les mots, d'écrire des histoires si intenses, si vraies, que pendant ces quelques jours j'étais là bas, avec Arc, Daffy, Violet et les autres.
Ces livres ne peuvent pas se lire "une page par ci, une par là". Il faut de longs moments, pour pouvoir plonger dans le récit comme on plonge dans la rivière, et se laisser happer.
Il y a des passages très difficile à lire, à la limite de l'ecoeurement. Une vie de misère, de drogue, de rien. Et pourtant il y a tant d'amour dans ce livre. Entre les Soeurs, entre les amies, avec leur grand-mère et même, avec leur mère.
Je sors complètement bouleversée, la fin du livre m'a détruit encore un peu plus. C'est une histoire que je ne pourrais jamais oublier. J'avais aimé "l'été où tout à fondu", j'ai plus qu'adoré "Betty", je ne trouve pas de superlatif assez fort pour dire ce que j'ai pensé "du côté sauvage".
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L'histoire se passe dans la petite ville de Chillicothe, Ohio. Arc et Daffy sont jumelles, et grandissent dans une famille dysfonctionnelle. Leur père est mort d'une overdose, leur mère et leur tante sont droguées et ne s'occupent quasiment pas d'elle. Heureusement pendant leurs premières années leur grand-mère veille sur elles et leur apprend que la vie est comme une couverture au crochet, avec son "beau côté" et son "côté sauvage", l'envers où dépassent les fils, où se trouvent tous les dangers auxquels sont confrontées les femmes.
Fortes de ces enseignements et fusionnelles comme peuvent l'être des petites filles qui n'ont que leur amour mutuel pour tenir, Arc et Daffy traversent l'enfance en affrontant les pires épreuves.
En parallèle la rivière, personnage à part entière du roman, relâche régulièrement le cadavre martyrisé d'une jeune femme. La police s'intéressant peu à leur sort, Arc et Daffy, en grandissant, s'interrogent sur les coupables potentiels. Ils sont en effet plusieurs, car le roman ne fait pas la part belle aux personnages masculins, souvent présentés comme des prédateurs violents et misogynes.
Ce roman témoigne de la violence : violence sociale d'abord, car rien n'est fait pour venir en aide aux deux jeunes héroïnes livrées à elles-mêmes, ni pour tenter d'extirper les toxicos de leur quotidien marqué par la drogue et la prostitution. L'autrice montre bien la difficulté de se libérer de la fatalité de la dépendance et de la pauvreté. Violences faites aux femmes également, qu'elles soient physiques ou verbales. Mais le roman rend aussi un bel hommage à l'amitié et à la sororité ; l'entraide entre les soeurs et les amies donne lieu à des scènes bouleversantes.
Et même s'il peut sembler impossible de se sortir de ce quotidien mortifère, Arc et Daffy, portées par leur amour mutuel et leur pulsion de vie incroyable, ont des rêves, des rêves de petites filles qui leur apportent soutien et espoir. Elles ont aussi en tête les enseignements de leur grand-mère, personnage lumineux qui m'a rappelé Landon, l'inoubliable papa de Betty.
D'autres personnages, les jeunes femmes qui deviendront les amies des jumelles, sont très attachants : toutes ces femmes sont sous l'emprise de la drogue et se raccrochent elles aussi à leurs rêves.
On est totalement emporté et bouleversé par la lecture de ce roman magnifique, inspiré d'un fait divers : six jeunes femmes ont été tuées dans la ville de Chillicothe. Tiffany McDaniel leur rend un superbe hommage en les immortalisant en héroïnes de papier.
Le roman est d'une terrible noirceur, mais l'écriture poétique de l'autrice, d'une beauté à couper le souffle, transcende le réel. On passe sans arrêt des ténèbres à la lumière. Les émotions ressenties lors de cette lecture m'ont fait beaucoup penser au roman A Suspicious River, de Laura Kasischke, dont les terribles histoires sont servies par une écriture poétique extraordinaire.
Un tour de force ! Il faut souligner également le talent du traducteur François Happe, jumeau français de Tiffany McDaniel.


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Sur les « granny squares » que crochète Mamie Milkweed, il y a un côté beau, régulier et chatoyant, et un côté sauvage avec des fils qui pendouillent, un peu en désordre. Et, quand le côté sauvage devient insupportable, il faut rentrer les fils avec une aiguille pour transformer le côté sauvage et côté beau.
Une leçon que s'efforceront d'appliquer Arc et Daffy, ses petites filles, chaque fois que leur vie sera trop dure, trop violente ou trop insoutenable. Et pour ces deux gamines à la chevelure flamboyante et aux billes de sorcières, ce n'est rien de dire que leur vie coule du côté sauvage. Une vie où les pères meurent sans tenir leur promesse, où les mères ne sont plus que l'ombre d'elles mêmes, ou les araignées dévorent les petites filles, où les trèfles ne portent pas chance et où les seules couronnes qu'elles portent sont vénéneuses ou mortifères, où certains hommes collectionnent des larmes et d'autres congèlent des serpents, où la rivière charrie de la boue et des cadavres de femmes.
Alors dans cette noirceur, dans cette désespérance, ces deux enfants inséparables, s'efforceront de mettre de la poésie et de l'imaginaire pour retrouver le côté beau.
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Ce roman est absolument déchirant. Certains me l'ont demandé, bien plus dur que Betty, car ici nulle clarté. C'est crade, c'est glauque, c'est violent et certaines scènes sont même difficilement soutenables. Elle est terrible la vie de ces gamines, mais on s'attache à elles, et on souffre avec elles.  Tiffany Mac Daniel s'est inspirée d'un fait divers réel puisque qu'à Chilicotte, il y'a une dizaine d'années, six femmes furent tuees et leurs crimes jamais élucidés. Elle a écrit pour leur rendre la part d'humanité que les terribles conditions de leur décès les ont dépouillées. Et nous dire que ces femmes étaient des filles, des soeurs, des amies et des mères, dans une chaîne de sororité qui nous lient à elles. Constat terrible d'une société hyper machiste, où les femmes sont broyées, où les plus fragiles sont délaissés, où le déterminisme social ne laisse place à aucun espoir.
C'est un roman dur, et terriblement noir, mais pourtant il est beau. Tragiquement beau et presque envoutant, tant la plume de l'auteur, chargée de poésie et d'inventivité dépose une aura lumineuse sur ces terribles destinées. On le lit le coeur serré, et pourtant on est ébloui par la force de ces gamines. Elles resteront longtemps dans ma mémoire, pas loin de Betty, j'en suis sûre, au bord de cette rivière, personnage à part entière, aussi apaisante qu'effrayante, source de renouveau et de menace à la fois.
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Pour moi, une parution de Tiffany McDaniel est désormais un rendez-vous à ne pas manquer. Une fois encore, son récit est fort, percutant, singulier. du côté sauvage est le genre de livre que vous n'oubliez pas et ce, même longtemps après l'avoir lu.

Ce roman est en quelque sorte un hommage aux six disparues de Chillicothe, Ohio. C'est en tout cas une poésie noire à destination de toutes les « laissées-pour-compte », ces femmes qui ne sont plus qu'une ombre aux yeux de tous, celles dont on ne se souvient pas du nom, celles dont on ne se soucie guère, les laissant dériver à la merci des hommes-araignées qui les encerclent, les emprisonnent et les malmènent à l'aide de leurs huit pattes noires comme la mort.

Ces hommes, Arc, la narratrice, les connaît depuis son enfance – tout comme Daffy sa soeur jumelle -, lorsqu'ils laissaient leurs traces sur les corps de leur mère et de leur tante. Désormais, elle les côtoie de bien trop près elle aussi, tout comme l'enfer qui coule dans leurs veines à toutes. Un avenir tout tracé, dirait-on.

Pour survivre à la noirceur de leurs jours et de leurs nuits, Arc, Daffy et leurs amies se créent un monde où les cailloux sont des pierres précieuses, où la carcasse d'une voiture se révèle être une machine à remonter le temps, où les fumées s'échappant de la papeterie sont issues du galop de chevaux hennissant de toute leur puissance ; un univers dans lequel elles sont les reines de Chillicothe et portent des couronnes qui leur font oublier, pour un temps, leur quotidien.

Mais lorsqu'un premier corps est repêché dans la rivière, puis un deuxième, puis un troisième, et un quatrième, la réalité se rappelle à elles. Ces morts sont systématiquement des femmes, des amies, parfois des mères, et pourtant elles tombent dans l'oubli aussi rapidement qu'une pierre coulant au fond de l'eau.

De temps à autre surgit l'espoir de fuir cette vie qu'elles savent foireuse mais est-il si facile d'abandonner ce qui vous berce d'illusions et qui vous tiraille les chairs lorsque vous vous en éloignez ne serait-ce qu'un peu ?

Ce livre est un cri sourd qui ne cesse de bourdonner à vos oreilles pour que vous ne vous désintéressiez pas, vous aussi, de ces âmes en perdition qui ne l'ont pas toujours été. C'est un récit dont l'incroyable narration est truffée d'imaginaire et de poésie. Il est empli du clair de la lune et de la profondeur des ténèbres.
Il aurait pu être légèrement plus court, de mon propre avis, (il contient plus de 700 pages) mais jamais il ne laisse indifférent.

Tout comme son précédent roman, L'été où tout a fondu, je vous le conseille pour sa singularité, son ardeur, sa profondeur et l'impact qu'il laisse derrière lui.
Il me reste encore Betty à découvrir, et je m'en délecte d'avance.

Lien : https://ducalmelucette.wordp..
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C'était une grande joie pour moi de retrouver la plume de Tiffany McDaniel que j'adore particulièrement car elle a cette capacité à être très belle et poétique dans un récit noir et violent!

Ici, pas manqué, elle nous transmet l'histoire de Arc et Daffy, jumelles, qui grandissent dans la ville de Chillicothe dans l'Ohio, entre la drogue et la prostitution dans lesquels baignent leur mère et leur tante.

Elles vont plonger à leur tour dans cet engrenage infernal. Mais dans la noirceur et la détresse de la rue, elles vont aussi trouver un réconfort dans la sororité. Seulement, les ténèbres vont les rattraper quand Arc découvre petit à petit les corps de ses amies dans la rivière…

L'autrice peint de manière remarquable les portraits de toutes ces filles de la rue, leurs personnalités et leur dualité entre addiction et sevrage, leurs rêves et leurs tourmentes. On s'attache à ce petit groupe de femmes, on aimerait les aider et notre impuissance face à ces lignes en devient presque douloureux. Chacune d'elles a une force remarquable et leur unité en tant que groupe est belle à découvrir !

Gros coup de coeur pour le magnifique personnage d'Arc, narratrice de l'histoire. Elle nous transporte dans son univers poétique qui contraste avec la noirceur et la dureté de la réalité.

De la même manière que ses deux premiers romans, l'autrice ne nous épargne pas et vient heurter nos sentiments de manière forte et incisive en nous confrontant à la violence et la douleur des vies que traversent ses protagonistes. le mal ici est personnifié, il accompagne les jumelles depuis leur « tendre » enfance et ne les quitte jamais. C'est l'araignée. Jetez rapidement un coup d'oeil aux 700 pages de ce livre, suivez les 🕷 qui errent aux coins des pages et voyez comme le mal est présent partout pour Arc et Daffy..! (Encore plus horripilant pour les arachnophobes)

Enfin, à travers ce roman, Tiffany McDaniel rend hommages aux 6 disparues de Chillicothe. 6 disparitions et/ou meurtres inexpliqués survenus dans la ville entre 2014 et 2015. Ces 6 femmes, derrière la drogue et la prostitution, restent en marge de la société et relativement seule. Ce true crime bien que non résolu est presque oublié, à l'instar de ces femmes. L'autrice les met alors en lumière en leur redonnant une voix, des rêves et une vie.

Un roman qui m'a un peu moins émue que les précédents, certainement de par le sujet qui m'angoisse et me met plutôt mal à l'aise mais il n'en reste pas moins une très belle lecture, encore une belle découverte, une plume toujours aussi forte et ici, un bel hommage aux disparues de Chillicothe ! 🫶
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Cette nuit, je tourne la dernière page de ce troisième roman de Tiffany McDaniel le coeur en miettes, 700 pages impossibles à lâcher, à oublier, nous emmenant du beau coté et du côté sauvage, celui des femmes, des rêves brisés, de la mort et de la vie.
 
Il est si bon de retrouver la plume envoûtante de l'autrice, qui arrive à faire cohabiter la plus extrême noirceur, glaçante et implacable, avec un tel flamboiement et une poésie de chaque instant. 
Inspiré de faire réels, ce livre est un hommage immense à la féminité, aux victimes, pour ne pas oublier. Mais quand vous aurez rencontré Arc et Daffy jamais vous ne les effacerez de votre mémoire. 

C'est dans la petite vie de Chillicothe, Ohio, qu'elles vivent, Art et Daffy; elles ont sept ans, soeurs jumelles à la chevelure flamboyante et billes de sorcière, un oeil vert, un oeil bleu, chacune étant la moitié de l'autre, inséparables.
Arc aime creuser la terre et se plonger dans les livres, Daffy adore l'eau et écrire de la poésie. 
C'est mamie Milkweed et sa sagesse qui veillent sur leurs rêves et leur inventivité et non la mère et la tante, paumées quelles sont par la drogue, femmes aux rêves minables et à l'esprit étriqué, offrant leur corps pour payer leur dope, aux hommes méprisables et violents qui prennent tout ce qu'ils désirent.
Arc et Daffy n'arrivent à s'évader que dans l'imaginaire, dans les dessins et les rituels que leur enseigne leur grand-mère lorsque le monde s'assombrit autour d'elles...

Cependant, rien n'est éternel, le temps qui aura vu les soeurs grandir aura également vu la rivière faire de même, se remplissant des larmes de la désillusion, de la souffrance et de la mort, son eau continuant de diluer l'héroïne dans les petites cuillères, et transportant le corps des victimes.
Les jumelles et leurs amies sont devenues les reines de la ville, reines déchues de ce pays de mirages et de fumée. Car la pente ici y est glissante et semble toujours descendre malgré les efforts pour tenter d'en réchapper, entraînant avec elle les promesses non tenues, les espoirs avortés... 

La dépendance est une voleuse, tout comme les hommes qui ont un loup à la place du coeur et consument tout ce qu'ils touchent, tous, vous les détesterez.

Particulièrement l'araignée, qui porte sur lui l'odeur de l'enfer et tisse sa toile de peur pour y emprisonner ses victimes, ou bien le démon tatoueur, l'homme au gant rouge, le violoniste et tous les autres "Johns". 

Merci Tiffany pour cette ode à la sororité, aux femmes, portée par cette écriture métaphorique et poétiques, infiniment vivante et déchirante. J'en sors retourné par ces vies que j'ai côtoyées au plus près de leur intimité toutes au long de ces pages, que j'ai vu souffrir et espérer, combattre et renoncer, inventer et survivre.
Coup de coeur évidemment, même si dans les cinquante dernières pages il aura été retourné plus d'une fois !
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Arc nous raconte son histoire : elle et Daffy sont jumelles. Nées du mauvais côté, leur destin est déjà écrit. Leurs parents sont tous les deux toxicomanes. Leur grand-mère, un peu sorcière, un peu magicienne, essaie de les faire sortir de cette vie de misère et de souffrance, mais rien à faire, la noirceur les rattrape toujours. Nous allons les voir grandir, évoluer, avec des périodes d'espoir, d'avenir possible. Elles rencontreront des monstres, mais aussi d'autres femmes, créant leur petite bande «  les reines de Chillicothe ». Leur lieu de ressource : la rivière. Chacune a son histoire, ce moment où tout a basculé pour faire de la drogue leur unique raison de survivre. Survivre grâce à l'héroïne.

Une à une, ces femmes au destin brisé par la drogue vont disparaître, certaines retrouvées mortes dans la rivière. Mais tout le monde s'en fout, personne ne fait de recherches, d'enquête. Elles n'étaient que des junkies, des prostituées.

Tant de thèmes difficiles soulevés sans ménagement, tant de choses à dire sur ce roman. Je pense qu'il mérite une seconde lecture. La fin m'a tellement surprise, que je pense que j'ai besoin de relire certains passages sous un autre angle.

Tiffany McDaniel base son roman sur une réalité : les meurtres et disparition de plusieurs jeunes femmes dans l'Ohia entre 2014 et 2015.

Immense coup de coeur pour ce sublime roman. Encore une fois, Tiffany McDaniel fait d'une histoire sombre, tragique, un moment poétique et magique. Que de noirceurs dans ces pages, que de drames, de destins tragiques, de vies brisées, de monstres à chaque coin...certains passages sont si durs que j'ai dû faire des pauses à plusieurs reprises. Et pourtant, que de poésie, de magie dans les descriptions de lieux sauvages, de nature, dans les liens tissés par ces femmes, leurs espoirs, leurs buts. Que d'amour et de sororité.

Tiffany McDaniel ne cesse de me surprendre et de m'émerveiller dans ces écrits. Tout comme Betty, Arc et Daffy resteront dans ma mémoire un long moment.
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Je l'avoue, je n'ai pas lu « Betty », le roman de Tiffany McDaniel, que bien des personnes m'avaient conseillé. Un roman tellement vanté par la critique et porté aux nues par beaucoup de lecteurs et lectrices. Ce n'est pas une raison, mais je ne suis pas le seul à avoir passé à côté de ce magnifique roman. McDaniel a écrit sa première version à 18 ans en 2003 et c'est seulement en 2017 qu'une grande maison d'édition américaine a édité le récit. Et depuis, « Betty » s'est mérité de nombreux prix dont le Prix des libraires du Québec en 2021.

Non, je ne l'ai pas lu, mais dès cet été, je me promets ce plaisir de lecture! Car, après avoir lu « du côté sauvage », son plus récent livre, je suis devenu inconditionnel de cette jeune auteure américaine. Quel talent ! Quelle écriture !

Chillicothe, petite ville de l'Ohio, où toute l'activité tourne autour de la papeterie … et de la rivière qui y coule. Arc et Daffy, deux jumelles à la flamboyante chevelure rousse vivent dans des conditions pitoyables entre une mère et une tante, toxicomanes et prostituées. Ce n'est pas l'amour qui les nourrit. La mère leur dit : « Chacune de vous n'est que la moitié de la même pomme pourrie. » Toutes les deux ont des yeux vairons : une a l'oeil bleu à gauche, l'autre l'a à droite. Même chose pour l'oeil vert ! Cela donne des scènes attendrissantes quand on leur demande de fermer un oeil et qu'elles deviennent juste une personne … aux yeux bleus ou aux yeux verts.

Avant, elles étaient élevées chez leur grand-mère, Mamie Milkweed, qui peuplait leur imaginaire de petite fille. Malgré l'environnement glauque, la grand-mère réussissait à leur faire miroiter des mondes fantastiques où tout était presque possible. Adepte du crochet, elle leur apprenait que sur ses oeuvres, il y avait un côté doux et joli et que de l'autre, il y avait un côté rugueux et laid que l'on pouvait améliorer en rentrant sous les laines qui dépassaient. En bref, la vie, on pouvait l'améliorer.

Les parents ont décidé de reprendre les filles, car ils pensaient devenir « clean »! Et ç'a été le début de l'enfer. le père mort, la tante s'installe à la maison, le seul moyen pour la mère de se procurer sa drogue, c'est la prostitution. Dans sa chambre, tout à côté de la chambre des filles. Très rapidement, un des clients abuse des petites. Commence alors leur propre enfer qu'elles essaient d'adoucir en utilisant leur imagination : des gâteaux d'anniversaire dessinés sur le plancher, des recherches archéologiques directement sorties de leur imagination, des cadeaux qui n'existent pas, etc. Toute leur enfance est marquée par des adultes qui n'en sont pas; leur mère qui vit pratiquement tout le temps dans sa chambre et leur tante, vissée à son fauteuil à regarder des émissions de tourisme.

Pas surprenant que leur seule issue sera la prostitution où elles retrouveront des femmes comme elles, sans avenir, droguées, victimes de violence et d'intimidation, mais enveloppées dans une sororité bienveillante, apaisante. Et des rêves qui partent souvent dans les brumes de leur addiction. Thursday, Indigo, Violet, Sage Nell, des portraits de femmes durs, sans compromis, mais teintés d'une douceur intérieure belle et émouvante.

Et un jour, une d'elles sera retrouvée morte dans la rivière.

« Cause de la mort : appartenance au sexe féminin »
Extrait du rapport du médecin légiste
Page 175

Puis, une autre ! Ces femmes sont mortes, victimes de la violence et elles partent dans l'indifférence la plus totale. Qui se soucie de ces femmes ? Surement pas les hommes qui les fréquentent. Ni la police !

Ces hommes qui n'ont pas de noms, qu'elles appellent des « johns », mais dont certains sont encore plus violents que les autres. Il y en a un, l'araignée, policier violent, abuseur, sans aucune empathie ni morale. Quand il apparait, une image d'araignée s'installe à travers les mots pour nous rappeler qu'il est omniprésent, tissant sa toile autour de ces filles sans défense. Avertissement aux arachnophobes!

« du côté sauvage » est un roman très noir. Ces femmes plongent sous nos yeux dans les ténèbres les plus profondes dans l'espoir illusoire d'y trouver un peu de lumière. Est-ce que les profondeurs de la rivière sont les seules issues possibles pour elles ?

Personne n'enquête ! Pourquoi faire? Ce ne sont que des femmes, des prostituées, des junkies ! Non, « du côté sauvage » n'est pas un roman policier, mais un roman noir où la réflexion prend souvent place dans notre esprit. Avec ses pages difficiles de violence à supporter, on ne peut pas fermer les yeux et dire que ça n'existe pas. Car ces femmes nous lancent un message en criant leur désespoir sans issue.

Ce serait facile de se dire que c'est de la fiction, ce n'est qu'un roman !! Mais en fouillant un peu, on découvre qu'en 2014-2015, il y a eu à Chillicothe en Ohio, six meurtres de prostituées; des faits qui ont inspiré cette histoire à Tiffany McDaniel.

Il n'y a pas grand-chose de gai dans ce roman, n'attendez pas de « belle fin joyeuse pleine d'espoir» !! Tiffany McDaniel nous dépeint une société qui perdure où certaines femmes sont encore considérées comme des sous-humains. Une chance qu'un personnage comme la mamie vient mettre juste un peu de lumière dans ce côté sauvage. Arc et Daffy sont deux personnages extraordinaires, inoubliables. Deux enfants et deux femmes qui nous habitent pendant très longtemps. On ne peut rester insensible à leur vie de misère qui leur colle à la peau.

Un dernier mot important ! Tiffany McDaniel décrit toute la noirceur du monde mais son écriture est lumineuse, poétique, tellement belle, à l'opposé de son sujet ! Son regard acéré sur la société, la violence et le côté sombre de l'humain sont décrites avec talent, avec une plume qui donne un certain esthétisme à la langue. McDaniel n'est pas qu'une bonne « story teller », elle est une excellente écrivaine.

Âmes sensibles, ne vous abstenez pas de lire ce magnifique roman, vous passeriez à côté d'un récit prenant, d'une profondeur et d'un réalisme parfois insoutenable. Certains pourraient dire que « du côté sauvage » est un roman de femmes … Au contraire ! Ce roman dresse le portrait d'une certaine société très contemporaine et dans la vague de féminicide qui dure depuis la pandémie au Québec, tout moment de réflexion n'est pas de trop.

« du côté sauvage » est un roman où les femmes sont victimes, mais où les hommes sont prédateurs. Un peu comme ça arrive trop souvent dans la réalité !

Et là, je me fais plaisir en terminant ma chronique par l'incipit du roman :
« Notre première faute fut de croire que nous ne mourrions jamais. La seconde fut de croire que nous étions vivantes. »


Bonne lecture !


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