Vers des jours meilleurs

Il fallut deux ans aux jeunes femmes, deux années passées à faire pression sur leurs supérieurs avec l’aide de leurs soutiens, pour se voir accorder le droit de voler sur des chasseurs. Trois ans encore, et elles purent se rendre en Europe à leur bord. Ces pionnières qui, pour la plupart, étaient issues de familles fortunées ou de l’aristocratie, s’étaient connues à l’école, avant de fréquenter, en leur qualité de débutantes, les mêmes cercles de la haute société, mais aussi Stag Lane, Heston et Brooklands, trois des plus célèbres clubs d’aviation londoniens. Ces huit-là formaient donc un groupe extrêmement uni, fermé, dont les façons volontiers autoritaires intimidaient les jeunes femmes qui se joignaient à elles, venues d’Amérique, de Pologne, du Chili, d’Argentine et d’Australie. Les chroniqueurs mondains du Daily Sketch ou du Picture Post adoraient ces huit jeunes snobs, mais il n’y avait rien de superficiel dans le courage et la détermination dont elles faisaient preuve, car, en plus de leur tempérament d’acier, toutes avaient le patriotisme chevillé au corps.

Elle se rappelait l'hiver 1939, quand on s'imaginait encore que les discours sur la guerre n'étaient que des paroles en l'air, que seuls une poignée d'oiseaux de mauvais augure passablement dérangés croyaient dur comme fer à l'imminence de bombardements. Peut-être même, affirmaient-ils, Hitler envahirait le pays. Cette période d'insouciance semblait remonter à une éternité... Aujourd'hui, l'Angleterre était presque à genoux. La Luftwaffe la pilonnait sans relâche, et chaque jour était une lutte, on se battait pour nourrir sa famille, pour l'habiller, pour lui permettre de conserver un toit au-dessus de sa tête. Et pour que le feu continuât de brûler dans le fourneau.

Son regard, en revanche, témoignait à lui seul de ce qu’elle avait vécu, et de l’épreuve qu’elle était en train de traverser, car elle le jugea terne et sans vie au milieu de son petit visage blême et amaigri.

Quiconque se tient au sommet d’une montagne et s’apprête à la descendre tout schuss éprouve un moment d’indécision, l’effroi le gagne et l’adrénaline coule à flots. Mais ne laissez pas la peur vous affaiblir. Au contraire. Si vous savez la prendre, elle vous sera bientôt une précieuse alliée.

Elle refusait de contempler son reflet dans un miroir. Elle ne souhaitait pas davantage découvrir le visage de son médecin ni tout ce qui se trouvait par-delà le rideau derrière lequel elle se dissimulait. Elle voulait sa mère, et personne d’autre. Elle ne rêvait plus que d’entendre sa voix, de se blottir entre ses bras – puis de s’y rendormir pour n’avoir pas à affronter la cruelle réalité de sa situation.

Je sais pertinemment que leur exubérance ne leur sert qu’à dissimuler les tensions auxquelles ils sont soumis, et l’effroi sous-jacent que nous avons tous éprouvé un jour ou l’autre. Même les plus courageux et les meilleurs d’entre eux ont peur, et pourtant, la tête sur le billot, ils refuseraient de l’admettre.

Les femmes mariées savaient se tenir, jamais il ne leur serait venu à l’idée de se conduire de cette façon.

Peggy, qui comprenait combien l’évolution des mœurs pouvait choquer parfois sa vieille pensionnaire, renonça à tenter de lui faire considérer la situation d’un autre œil.

Ayant décidé qu’elle avait plus besoin d’un bain chaud que d’un verre de gin, elle se rendit aux lavabos, où elle se déshabilla avant de s’installer, avec un soupir extatique, dans les quelques centimètres d’eau réglementaires – les restrictions ne souffraient aucune exception.

Loin de tenir leur engagement pour de l’héroïsme, elles estimaient surtout qu’elles avaient eu une chance folle, qui leur permettait à présent d’assouvir leur passion – et tant pis si, dans leurs rangs, le nombre de décès augmentait chaque mois.

Cette robe attirait nettement moins les regards que celle de Dorothy Furey, l’Américaine, mais elle faisait l’affaire et Kitty se sentait délicieusement femme chaque fois qu’elle l’arborait.