Un énième livre sur la seconde guerre mondiale et sur le destin tragique et exemplaire de ces Juifs qui n'avaient d'autres choix de se battre pour survivre.
Bien sûr, je connaissais l'histoire de Simone Jacob, devenue Veil pour avoir lu nombre de ses témoignages. Mais, je méconnaissais totalement l'histoire de sa grande soeur Denise (née Jacob et devenue Vernay), beaucoup plus discrète dans la vie, mais non moins exemplaire dans ce qu'elle a vécu au cours des années noires de la guerre, de la résistance et de la déportation (à Ravensbrück puis Mauthausen).
Un destin hors normes pour celle qui, entrée en résistance, se fera appeler
Miarka. Destin mis en lumière avec maestria par
Antoine de Meaux (écrivain, poète, réalisateur de documentaires), ami de longue date de l'intéressée (décédée en mars 2013).
Ce livre a cela d'intéressant qu'il met en exergue la façon dont
Miarka a vécu sa déportation à Ravensbrück, non pas en tant que "juive", mais bien en tant que résistante française. Posture pour laquelle elle se dit prête à témoigner car dit-elle elle a pu constater ce qui constitue "l'âme de la résistance". Pour elle, le camp a été le révélateur d'une vérité française :"J'ai trouvé des caractères communs à toutes les Françaises, alors que j'imaginais que ce n'était que des mots, auparavant." Etre Français, ce serait donc, selon elle, d'abord une vocation, une façon d'être et de combattre pour une certaine idée de l'homme. "Je suis encore plus solidaire qu'avant de tout le genre humain et de tous les opprimés".
Quand elle rentre en France, elle a vingt-et-un an. Si elle fait le choix de la vie, elle aura quand même bien du mal à trouver sa voie, ou du moins une voie dans laquelle donner un sens à son existence.
Déjà, avant même la Libération, elle et ses amies se demandaient comment elles allaient pouvoir vivre, après : "Serons-nous sensibles à chaque geste, à chaque événement, ou bien complètement insensibles et indifférentes ? "Nous rentrions en plus ou moins bonne santé, mais comment pourrions-nous accepter de vivre après avoir vu ce que nous avions vu ? le problème principal est celui, peut-être, de la réconciliation avec le genre humain. Doit-on accepter de vivre ? Comment vivons-nous encore ? Et ces gens qui apprennent brutalement ce qui s'est passé, sans pouvoir l'imaginer, sans pouvoir y croire, comment peuvent-ils, chacun, continuer à vivre comme avant, à vivre tout court, nous encore plus que les autres ? Peut-être est-ce cela qui nous décale. Peut-être aussi une échelle de valeurs complètement modifiée".
On suivra donc
Miarka/Denise dans ses difficiles cheminements et reconstruction par le récit qui est fait de son vécu, mais aussi par le partage sensible de certains de ses poèmes, photos de familles et lettres de et à ses soeurs Simone et Milou.
Et puis, après avoir fondé une famille,
Miarka trouvera un sens à sa vie et oeuvrant au travail de mémoire. C'est après avoir visionné le film
le chagrin et la pitié de
Marcel Ophuls (sorti en 1968) qu'elle prend conscience de la nécessité de témoigner et d'informer les Français de ce que fut la réalité de la résistance, de la déportation. Elle dira en effet : "J'ai honte en voyant ce film, [...] honte de tous les silences qu'il comporte, pour tous les gens qui me savaient juive, résistante, qui n'ont jamais rien dit, qui étaient prêts à me cacher, qui m'ont cachée, qui m'ont laissée me servir de leur étal de journaux comme boite aux lettres, qui fermaient les yeux au restaurant quand j'y avais des rendez-vous quelquefois imprudents par leur régularité, pour ces professeurs qui ont caché mes parents, et mes frère et soeurs courant ainsi, et ne l'ignorant pas, les risques d'une arrestation familiale semblable à la nôtre."
Elle représentera donc l'ADIR (L'Association nationale des anciennes déportées et internées de la Résistance) dans les jurys du Prix de la Résistance, afin de sensibiliser les jeunes générations aux risques inhérents au racisme, à la xénophobie, et au nazisme. En 1996, la Fondation pour la mémoire de la déportation lancera l'idée de l'élaboration d'un CD-rom intitulé "Mémoire de la déportation" destiné à regrouper toutes les connaissances et témoignages existants sur cette thématique (déportation des Juifs, déportation des résistants)
Denise Vernay s'en verra confier la supervision. Un outil innovant qui verra le jour en 1998, devenu vite obsolète, mais qui a eu le mérite de conserver, avant qu'elles ne se perdent, les voix de celles et ceux qui sont partis trop tôt.
A noter en fin d'ouvrage, une bibliographie intéressante pour qui s'intéresse au sujet.