Tout l'art de la communication littéraire est contenu dans l'aveu (qu'il soit sincère ou pas, maquillé ou pas, celui d'un homme vil ou pas : il doit avoir un accent de vérité, nous libérer de l'empire du générique, nous désengager, compromettre). L'aveu, qui est le symptôme du partage. L'aveu, sans lequel le mystère littéraire ne saurait s'épanouir pleinement. Or Roland Barthes ne nous montre pas la photographie du jardin d'hiver ; or le lieu de sa villégiature et réduit à une lettre capitale et à un point ; or sa marche est écrasée par le poids d'une pratique ancestrale.
Nous lisons maintenant un monde lu. Nous lisons une écriture pédagogique. Elle statue, elle radote, elle met en spectacle l'acte de la scription, elle l'affiche avec une volonté insupportable de recouvrement physico-critique.
(...)
L'écriture, traversée par un manque (banal) que son producteur ne sublime pas, endosse de façon disproportionnée les "problèmes personnels d'aliénation amoureuse". Il n'est dès lors pas étonnant que tard dans sa vie, Roland Barthes se soit interrogé sur le statut de l'écrivain - sur son propre statut. De fait, en amont, nous sommes incapables de répondre à cette question "Qui est-il ?"
Nous restons à la surface de l'être, sans doute requis par son pressentiment (son désir de transcender une posture), mais déçus de ne pouvoir louer un au-delà formel et existentiel. Nous ne pouvons qu'enregistrer l'infinitésimal progrès de la personnalité extérieure enfermée à ciel ouvert.
texte court mais très dense; démythification acide (non caustique) des motivations d'écritures d'un Roland Barthes "soucieux de construire sa propre figuration"; analyses très pertinentes et questionneuses de la place de "l'écrivain" dans le système de "la littérature" ainsi qu'un style très vif malgré quelques passages hermétiques de Martin Melkonian, dont je découvre l'écriture avec grand intérêt; évocation en comparaison des motivations à l'écriture de Proust qui lui semblent plus incarnées, de l'intérieur de celles de Barthes... Livre très troublant car on est tenté de croire ou de voir selon notre porosité aux arguments de l'auteur, que la plus importante de ses motivations à oeuvrer était un manque aride à une individuation sourçante, extraordinairement dénié par le biais d'une oeuvre monstrueuse faisant écran à une douleur intraduisible, surtout romanesquement, ainsi qu'à sa solitude d'homme trop fixé à son histoire d'orphelin et de surcroît chéri, investi du rôle "d'homme" de la famille, par sa mère...
Nous aimerions en savoir plus sur cette marche amoureuse. Mais impossible. Le lecteur idéal découvre une impasse à chacune de ses échappées : "la nature a-sociale du plaisir". Certes, nous acquiesçons à ce qui le pâme. Il n'en demeure pas moins que la "visite" nous est interdite
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Martin Melkonian. Arménienne.