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Critique de Bookycooky


Elle est avocate.
Elle a des antécédents avec le féminicide, sa mère a été tué par son père.
Et elle rencontre un type très séduisant de sa profession, qui étudie Wittgenstein et qui fait du yoga, pourtant va finir par la frapper, dans les toilettes d'une fête d'avocats…..Une gifle, qui d'une certaine façon, va la reconnecter à sa mère assassinée , “« Nous sommes faites du même bois » avait été l'enseignement de cette claque….. Il ne faut pas toucher à une personne qui porte en elle un cadavre. “. Voilà comment on la retrouve dans l'Acre, l'Etat qui présente actuellement le plus fort taux de féminicides au Brésil, où elle se rend pour suivre le procès des assassins d'une jeune indigène…..

Le coeur du récit vous l'avez déjà compris est le Féminicide, malheureusement un des fléaux majeurs des pays d'Amérique Latine, une femme ayant été tuée toutes les six heures au Brésil en 2022, alors qu'en Italie la même année une femme fut tuée tous les trois jours , bien que les données sur la situation en Europe soient guère plus rassurantes, car en hausse. L'écrivaine argentine Selva Almada y consacra aussi un excellent livre, « Les jeunes mortes », basé sur des faits réels, dont elle recueillit directement les témoignages, sillonnant son pays, « le pays des animaux en chaleur ». le problème ajouté en Amérique latine étant que les coupables de ces assassinats sont rarement punis, surtout si les victimes sont des femmes indigènes situées au plus bas dans le système de caste brésilienne , comme ici les assassins de la jeune indigène qui s'en sortent facilement bien qu'ils aient avoué au départ leurs crimes atroces. Et souvent ces assassinats sont commis d'une façon sauvage , sous l'influence de l'alcool, la drogue ou tout simplement de l'attitude macho qui règne dans ces contrées , pour qui la femme est en première place un objet sexuel dont le principal but est d'assouvir le désir mal, une attitude majoritaire aussi en Italie, quelque soit le milieu. Les hommes y procèdent par étapes, et les procédures diffèrent peu. Là encore on fait face à l'illogique , vu que ces assassins sont rarement considérés comme criminels par un public friand de ce genre d'événements atroces qui sortent de tout entendement humain, et cela me fait tristement penser à un livre récemment lu « Triste tigre » de Neige Sinno. Comment ce genre de monstres peuvent exister et remporter l'empathie d'un large public ? Que faire pour éradiquer ce Mal gratuit ?….. Autant de questions que se posent ici aussi Melo à travers son avocate. Ici un mal contrebalancé par la forêt amazonienne et ses secrets, un rayon de lumière dans un récit noir.

J'aime le style de Patricia Mélo dont je viens de lire le troisième livre. Un fond étouffant doté d'une forme très aérée , imprégnée de réalisme magique avec un zeste d'humour qui donne une lecture très plaisante malgré la noirceur de la réalité dont il est question. Beaucoup d'écrivains sud-américains contemporains ont une prose simple, épurée qui à mon avis est très adéquate à leurs sensibilités et leurs contextes, Selva Almada l'argentine , Pilar Quintana la colombienne, Eugenia Almeida l'argentine, Pablo Casacuberta l'uruguayen…. en sont des exemples et sont d'excellents écrivains . Chaque littérature selon son pays a son propre caractère , qui peut avoir des exceptions, mais dans l'ensemble a une âme intrinsèque , et Melo ne déroge pas à la règle, ce qui n'est que mon avis bien sûr, me basant sur un très grand nombre de livres lus de ces contrées.

Celles qu'on tue est une oeuvre littéraire et sociale qui souligne l'ampleur de ce fléau nommé Féminicide précisément au Brésil , mais qui n'est pas moins présent dans le monde, en hausse en Europe , et loin des yeux au Moyen et Proche Orient. C'est aussi la critique acerbe d'un pays où la justice ne fonctionne que pour les blancs et les riches, et l'éducation sociale est au plus bas niveau. Pourtant il existe au Brésil une loi celle de Maria da Penha promulguée en 2006 contre les violences domestiques et familiales , considérée comme l'une des meilleurs au monde, mais elle reste impuissante, et n'est utile qu'à la femme blanche de la ville. Publié en 2019 , le livre fait aussi référence à la politique génocidaire de Bolsonaro au pouvoir qui a causé de grands dégâts écologiques et humains en Amazonie, ajoutés à ceux déjà causés.

Melo est une des meilleures voix contemporaines de l'Amérique du Sud, une excellente écrivaine. Ne manquez pas cellesquontue.com 😈!

« L'avantage de travailler avec la réalité criminelle est que l'immersion dans les malheurs d'autrui fait que l'on s'auto-évalue tout le temps. »
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