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Élodie Dupau (Traducteur)
EAN : 9782283036785
304 pages
Buchet-Chastel (24/08/2023)
4/5   121 notes
Résumé :
Brésil, État de l’Acre. Une jeune avocate originaire de São Paulo se rend dans cette région partiellement couverte par la forêt amazonienne pour suivre le procès des assassins d’une jeune indigène.
Sur place, elle découvre la beauté hypnotique et mystérieuse de la jungle, mais aussi sa part sombre, les injustices et les tragédies vécues au quotidien par les populations locales.
S’initiant aux rituels ancestraux des peuples indigènes d’Amazonie et nota... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (43) Voir plus Ajouter une critique
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Elle est avocate.
Elle a des antécédents avec le féminicide, sa mère a été tué par son père.
Et elle rencontre un type très séduisant de sa profession, qui étudie Wittgenstein et qui fait du yoga, pourtant va finir par la frapper, dans les toilettes d'une fête d'avocats…..Une gifle, qui d'une certaine façon, va la reconnecter à sa mère assassinée , “« Nous sommes faites du même bois » avait été l'enseignement de cette claque….. Il ne faut pas toucher à une personne qui porte en elle un cadavre. “. Voilà comment on la retrouve dans l'Acre, l'Etat qui présente actuellement le plus fort taux de féminicides au Brésil, où elle se rend pour suivre le procès des assassins d'une jeune indigène…..

Le coeur du récit vous l'avez déjà compris est le Féminicide, malheureusement un des fléaux majeurs des pays d'Amérique Latine, une femme ayant été tuée toutes les six heures au Brésil en 2022, alors qu'en Italie la même année une femme fut tuée tous les trois jours , bien que les données sur la situation en Europe soient guère plus rassurantes, car en hausse. L'écrivaine argentine Selva Almada y consacra aussi un excellent livre, « Les jeunes mortes », basé sur des faits réels, dont elle recueillit directement les témoignages, sillonnant son pays, « le pays des animaux en chaleur ». le problème ajouté en Amérique latine étant que les coupables de ces assassinats sont rarement punis, surtout si les victimes sont des femmes indigènes situées au plus bas dans le système de caste brésilienne , comme ici les assassins de la jeune indigène qui s'en sortent facilement bien qu'ils aient avoué au départ leurs crimes atroces. Et souvent ces assassinats sont commis d'une façon sauvage , sous l'influence de l'alcool, la drogue ou tout simplement de l'attitude macho qui règne dans ces contrées , pour qui la femme est en première place un objet sexuel dont le principal but est d'assouvir le désir mal, une attitude majoritaire aussi en Italie, quelque soit le milieu. Les hommes y procèdent par étapes, et les procédures diffèrent peu. Là encore on fait face à l'illogique , vu que ces assassins sont rarement considérés comme criminels par un public friand de ce genre d'événements atroces qui sortent de tout entendement humain, et cela me fait tristement penser à un livre récemment lu « Triste tigre » de Neige Sinno. Comment ce genre de monstres peuvent exister et remporter l'empathie d'un large public ? Que faire pour éradiquer ce Mal gratuit ?….. Autant de questions que se posent ici aussi Melo à travers son avocate. Ici un mal contrebalancé par la forêt amazonienne et ses secrets, un rayon de lumière dans un récit noir.

J'aime le style de Patricia Mélo dont je viens de lire le troisième livre. Un fond étouffant doté d'une forme très aérée , imprégnée de réalisme magique avec un zeste d'humour qui donne une lecture très plaisante malgré la noirceur de la réalité dont il est question. Beaucoup d'écrivains sud-américains contemporains ont une prose simple, épurée qui à mon avis est très adéquate à leurs sensibilités et leurs contextes, Selva Almada l'argentine , Pilar Quintana la colombienne, Eugenia Almeida l'argentine, Pablo Casacuberta l'uruguayen…. en sont des exemples et sont d'excellents écrivains . Chaque littérature selon son pays a son propre caractère , qui peut avoir des exceptions, mais dans l'ensemble a une âme intrinsèque , et Melo ne déroge pas à la règle, ce qui n'est que mon avis bien sûr, me basant sur un très grand nombre de livres lus de ces contrées.

Celles qu'on tue est une oeuvre littéraire et sociale qui souligne l'ampleur de ce fléau nommé Féminicide précisément au Brésil , mais qui n'est pas moins présent dans le monde, en hausse en Europe , et loin des yeux au Moyen et Proche Orient. C'est aussi la critique acerbe d'un pays où la justice ne fonctionne que pour les blancs et les riches, et l'éducation sociale est au plus bas niveau. Pourtant il existe au Brésil une loi celle de Maria da Penha promulguée en 2006 contre les violences domestiques et familiales , considérée comme l'une des meilleurs au monde, mais elle reste impuissante, et n'est utile qu'à la femme blanche de la ville. Publié en 2019 , le livre fait aussi référence à la politique génocidaire de Bolsonaro au pouvoir qui a causé de grands dégâts écologiques et humains en Amazonie, ajoutés à ceux déjà causés.

Melo est une des meilleures voix contemporaines de l'Amérique du Sud, une excellente écrivaine. Ne manquez pas cellesquontue.com 😈!

« L'avantage de travailler avec la réalité criminelle est que l'immersion dans les malheurs d'autrui fait que l'on s'auto-évalue tout le temps. »
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« Je ne réclame aucune faveur pour les personnes de mon sexe. Tout ce que je demande à nos frères, c'est qu'ils veuillent bien retirer leurs pieds de notre nuque… »
Sarah Grimké

Cette très belle citation placée en exergue du livre m'a trompée sur ce qui allait suivre. Mais à y regarder de plus près, j'aurais dû me méfier. Car elle contient en germe ce qui m'a profondément gênée dans Celles qu'on tue, à savoir l'amalgame: tous les hommes sont des prédateurs, toutes les femmes sont leurs victimes. Mais au moins Sarah Grimké nuance-t-elle son propos en s'adressant à ses « frères », signifiant d'emblée l'appartenance des hommes et des femmes à une même communauté. Chez l'autrice brésilienne Patricia Melo, il n'y a plus de frères. Il n'y a même plus d'hommes, en fait, tant ils sont réduits à leur inhumanité, à leur monstruosité. Irrécupérables prédateurs, ils battent, ils violent, ils torturent et ils tuent les femmes. Point barre.
« Voilà la conclusion à laquelle je suis arrivée au cours de ma deuxième semaine au tribunal : nous, les femmes, nous tombons comme des mouches. Vous, les hommes, vous prenez une cuite et vous nous tuez. Vous voulez baiser et vous nous tuez. Vous êtes furax et vous nous tuez. Vous voulez vous amuser et vous nous tuez. Vous découvrez nos amants et vous nous tuez. Vous vous faites larguer et vous nous tuez. Vous vous trouvez une maîtresse et vous nous tuez. Vous vous sentez humiliés et vous nous tuez. Vous rentrez fatigués du travail et vous nous tuez. »
Voilà la conclusion à laquelle je suis arrivée au cours de ma lecture : Il ne reste plus aux femmes qu'à faire sécession avec l'autre moitié de l'humanité. À s'organiser, enfin, pour vivre entre femmes, telles des Amazones des temps modernes, sans hommes pour leur pourrir la vie.
Le premier moment de stupeur passé, désireuse de m'extraire de la sorte de sidération dans laquelle ce roman m'a plongée, je suis allée consulter les chiffres. Selon les sources, il y a, chaque année au Brésil, entre 700 et 1.400 féminicides. Rapportés au nombre d'homicides annuels (un peu plus de 41.000) et à la population du pays (environ 215 millions), cela remet les choses en perspective. Même en tenant compte du fait que les chiffres concernant les féminicides sont sous-évalués en raison de la difficulté à les identifier et à les rapporter comme tels, nous n'avons pas affaire au phénomène massif décrit jusqu'à la nausée dans ce livre.
Il reste que la violence des hommes contre les femmes est un triste fait qui se répète depuis des temps immémoriaux et qui présente une caractéristique qui la rend, à mes yeux, particulièrement inacceptable et profondément décourageante : son asymétrie. C'est toujours, à de rares exceptions près, dans le même sens que cela s'exerce, ce sont toujours des hommes qui violent des femmes (et des enfants), presque toujours des hommes qui les battent, les torturent et les tuent, jamais l'inverse.
« Le plus curieux, c'est que nous ne tuons pas. Incroyable ce que nous tuons peu. Nous devrions, vu les statistiques montrant à quel point nous mourons, tuer beaucoup plus. Mais, en raison d'un problème hormonal peut-être, ou structurel, ou éthique, ou physique, nous préférons ne pas tuer. »
La violence physique est incontestablement le douteux privilège du sexe mâle. Il ne s'agit donc pas de le nier, ce serait ridicule. Mais réduire les hommes à ça, comme le fait à mes yeux ce livre, me pose un énorme problème. D'autant que c'est oublier que les premières victimes de la violence masculine sont… les hommes. On estime dans le monde (source ONUDC) que 81% des victimes d'homicides sont des hommes et des garçons.

On me rétorquera que parfois, pour secouer les consciences endormies (si tant est qu'elles le soient), il ne faut pas faire dans la nuance. C'est peut-être vrai. Peut-être que ce livre dénonçant les féminicides au Brésil, en particulier dans l'Acre, une région très défavorisée, profondément inégalitaire dans laquelle règnent une violence, un sexisme et un racisme endémiques, est nécessaire pour faire avancer les choses.
On me dira aussi que c'est un roman, pas un essai prétendant à l'objectivité. Certes. Mais si je lis des livres, fictions ou pas, c'est précisément parce que j'y cherche des points de vue contrastés, une forme de réflexion, une prise de distance, une mise en perspective. Pour les réactions à chaud, les raccourcis de pensée, les simplifications outrancières, on a bien assez des Médias qui nous abreuvent en continu.
Même en tentant de m'abstraire du grave problème que me pose ce livre et dont je viens longuement de parler, si je prends de la distance afin d'essayer de juger de ses qualités intrinsèques, je reste peu convaincue par cette lecture. La plume qui, au début, m'a séduite pour son côté cru, m'est apparue en réalité très pauvre, aussi pauvre que les idées qu'elle véhicule, ce qui présente au moins l'avantage de la cohérence. Quant à la construction narrative, j'ai éprouvé assez vite un sentiment de trop-plein et ai frôlé l'indigestion. L'autrice, à mon avis, veut aborder beaucoup trop de thèmes relevant de registres très différents. le thème des féminicides, entamé dans un registre essentiellement judiciaire, bascule en cours de roman dans celui du polar (les meurtres s'accumulent sur le chemin de la narratrice qui est, par ailleurs, harcelée par un ex au comportement de plus en plus inquiétant), le tout s'articulant autour d'une sorte de quête psychanalytique mâtinée d'ésotérisme (la narratrice « revit », grâce à la prise d'un hallucinogène, l'assassinat de sa mère par son père quand elle avait quatre ans)…

J'invite ceux qui sont désireux d'entendre un autre son de cloche à lire les retours, tous très élogieux, de nos amis, celui de Bernard (Berni_29) à l'origine de ma lecture, celui de Marie-Caroline (mcd30), de Sando… Magie (@Magielivres), quant à elle, vient d'écrire un retour de lecture mitigé que je vous invite également à lire.
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Celles qu'on tue est l'univers d'un roman noir, âpre et violent, traversé de douleurs et de colères froides, mais aussi d'une sororité magnifique teintée de chamanisme, source d'espoir.
L'histoire se passe au Brésil, dans l'État de l'Acre, une région partiellement couverte par la forêt amazonienne.
La narratrice, une jeune avocate originaire de São Paulo, a été choisie par son cabinet d'avocats pour couvrir une campagne de jugements de féminicides survenus dans le pays, le but étant d'alimenter au moyen d'informations et de statistiques l'actionnaire majoritaire du cabinet qui prépare un ouvrage à charge sur la manière dont l'État brésilien fabrique des assassins, évoquant « le massacre autorisé des femmes ». Il est vrai que ces féminicides sont en effet la plupart du temps non résolus ou bien ils se concluent par des acquittements.
Elle se rend ainsi dans l'État de l'Acre, naguère terre indigène, forêt vierge que l'homme blanc a colonisé au XXème siècle dans une domination qui continue de peser dans le paysage géographique et sociologique. Cet État marqué par la déforestation et les massacres d'animaux détient aussi le triste record du plus fort taux de féminicides du pays, un féminicide toutes les trois heures.
C'est là à Cruzeiro do Sul que la narratrice va suivre le procès des assassins d'une jeune indigène de quatorze ans, Txupira, violée, torturée, égorgée par trois jeunes garçons issus de familles dominantes de la région. Au cours des premières audiences, elle fait la connaissance de Carla Penteado, l'avocate générale. Entre les deux femmes naît une empathie mutuelle et immédiate. C'est aussi le début d'une enquête dans laquelle les deux femmes vont nous entraîner, révoltées par le verdict du procès...
Sur place, éclairée par cette nouvelle amie, la narratrice nous fait découvrir l'impensable : l'impunité dont bénéficie la plupart du temps les assassins auxquels la justice finit toujours par trouver des circonstances atténuantes, des jurés soudoyés par les avocats de la défense, des témoins achetés par la famille, sans parler de l'opinion publique complaisante ou au mieux indifférente...
Ces hommes qui tuent, ce sont des maris, des amants, des frères, des pères...
Ce sont là-bas des tragédies presque ordinaires.
Mais la narratrice découvre aussi la beauté hypnotique et mystérieuse du ventre de la jungle, les rites ancestraux des peuples indigènes d'Amazonie et notamment la prise de l'ayahuasca, un puissant hallucinogène utilisé dans les rites chamaniques. Ce sont ces chemins particuliers qui vont lui révéler la part d'elle-même et son histoire familiale qui l'ont amenée ici, sans véritable hasard...
La jeune femme décide alors de s'engager dans une quête de justice pour les femmes qu'elles rencontrent et pour elle-même aussi...
Patricia Melo, autrice brésilienne que je découvre ici, nous plonge dans un monde édifiant et ne prend pas de gants pour nous en livrer la part sombre et violente, les injustices et les tragédies vécues au quotidien par les populations locales.
Comment vous parler d'un livre qui fut pour moi plus qu'un coup de coeur, mais un coup de poing un véritable uppercut.
C'est un livre à la croisée des genres, à la croisée des chemins puisqu'ici trois formes s'alternent et se couturent harmonieusement, la fiction d'un récit à suspens entre réalité et cauchemar avec pour toile de fond une chronique sociale rudement bien documentée, des faits divers comme des coupures de journaux qui nous rappellent tragiquement les nôtres, et puis il y a le surgissement de l'invisible, le passage vers un autre monde onirique si familier des indigènes et qui rend brusquement possible la fin d'une fatalité inéluctable. C'est dans cette dimension magique que la narratrice va comprendre son itinéraire cathartique, mais découvrir aussi des femmes prêtes à se dresser dans une puissance vengeresse.
L'ensemble tient dans une magnifique construction cohérente où tous ces chemins donnent sens au récit.
J'ai rencontré le tableau d'un pays gangréné par la violence, la corruption et un système judiciaire profondément inéquitable, au coeur duquel les femmes sont les plus grandes victimes.
J'ai rencontré la sororité. Car des femmes finissent par se lever, s'unir et lutter encore, toujours et à jamais...
J'ai rencontré ma colère qui me rappelle à chaque page que ces violences existent ici aussi, que des femmes affolées, martyrisées en 2023 par des conjoints viennent porter plainte dans des commissariats de police et sont rarement entendues. Peut-être faudrait-il que les commissariats de police de France soient tenus par des femmes, cela diminuerait peut-être enfin le taux de féminicides...
Patricia Mélo ne fait aucune concession et nous livre un texte engagé, cru, sans fard, plein de rage, qui dénonce et suscite l'indignation. C'est un roman à charge contre les hommes qui tuent des femmes dans l'indifférence de tous. Ils tuent comme ils respirent, librement, ouvertement, facilement. Comme on écrase brutalement un insecte qui finit par agacer.
Parfois ce fut une lecture oppressante. J'ai puisé des respirations dans la beauté luxuriante de la forêt, dans la magie des rites chamaniques, dans la force de conviction de ces femmes, devenues fortes et nombreuses, qui disent malgré tout ne jamais renoncer.
Ce soir je pense à Txupira, Eudinéia, Iza, Fernanda, Almecina, Soraia, Fabiola, Queila, Alessandra, Taita, Daniela, Rita et tant d'autres encore puisqu'une d'entre elles tombe là-bas toutes les trois heures sous les coups d'un homme qui lui était proche...
C'est un livre qui rugit encore en moi... Inoubliable...
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Et c'est parti pour une immersion en Amazonie dans la région de l'Acre.
Une région où naître femme est une condamnation à mort.
Une toute jeune fille est violée, mutilée, assassinée dans la forêt.
Trois fils de familles influentes resteront en liberté.
Trois femmes vont se brûler les doigts en réclamant justice.
Derrière cette histoire se cache les mille et unes raisons ainsi que tout ce qui peut servir d'arme (au gré de l'imagination) et les différentes personnes (encore une longue liste) capables de tuer.
Quant aux causes, il n'y a que l'embarras du choix.
Les femmes sont les biens tristes vedettes de ce roman et on se rend compte que toutes sont impactées par cette histoire soit en temps que victimes collatérales, soit dans leur attitude vis-à-vis des hommes.
Après une telle lecture comment ne pas voir un monstre dans chaque homme ?
Et que vaut une femme aux yeux de la justice ? Et là pas besoin d'aller en Amazonie, il me semble.
Patricia Melo mêle avec brio histoire et politique du Brésil, phénomène sociétal et réalisme magique car une partie du récit prend place parmi des tribus amazoniennes.
Le style est fluide, sombre et parfois poétique.
Un roman coup de poing qui laisse sans voix et que je vous conseille de lire.
Merci aux éditions Buchet Chastel
#Cellesquontue # NetGalleyFrance
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La narratrice est une jeune avocate de Sao Paulo. Son cabinet l'envoie dans l'Acre, région située au coeur de l'Amazonie brésilienne. Sa mission consistera à y assister à une série de procès où sont jugés des hommes présumés auteurs de crimes contre des femmes. Dans cette région qui détient le plus haut taux de féminicides du pays, il s'agira pour la jeune femme de récolter données et statistiques en vue de dénoncer l'impunité endémique de ces crimes et le « massacre autorisé des femmes » au Brésil.
Elle suivra en particulier le procès des assassins de Txupira, une indigène de 14 ans, massacrée par trois jeunes hommes issus de familles aisées et puissantes de la région. A cette occasion, elle se liera d'amitié avec l'avocate générale en charge de ce dossier et de beaucoup trop d'autres similaires. Et elle se frayera aussi un chemin cathartique dans son propre passé, aidée par les rites chamaniques ancestraux et la prise d'un hallucinogène, l'ayahuasca.
Dans ce livre fictionnel mais qui reflète malheureusement une réalité terrible et glaçante, Patricia Melo montre et démontre que dans l'Acre, il suffit de naître femme pour être en danger de mort, et que ce danger est d'autant plus difficile à éviter qu'il émane, dans la majorité des cas, des hommes de l'entourage de la victime, père, frère, mari, amant. Aux sources de cette violence largement impunie et de ce fait banalisée (ou l'inverse) : l'alcool, la drogue, la pauvreté, la jalousie, le machisme, le racisme, l'intolérance, le sentiment de supériorité des hommes.
« Celles qu'on tue » est un roman plein de colère et de révolte, de désarroi et de sororité, qui donne à voir un des (nombreux) aspects les moins reluisants du Brésil. Dramatique, sombre et poétique, un roman très puissant.

En partenariat avec les Editions Buchet-Chastel via Netgalley.
#Cellesquontue #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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critiques presse (3)
LeJournaldeQuebec
03 octobre 2023
La narratrice nous plonge dans cet enfer de façon si intense et brillante que ce roman coup de poing sera aussi un coup de cœur pour bien des lecteurs.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Liberation
28 septembre 2023
Dans un roman noir magistral, la Brésilienne Patrícia Melo raconte les féminicides en les entremêlant de cauchemars et de fièvre au cœur de la jungle endeuillée.
Lire la critique sur le site : Liberation
LePoint
04 septembre 2023
Patricia Melo signe un polar entêtant, noir, social, brutal.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
Voilà la conclusion à laquelle je suis arrivée au cours de ma deuxième semaine au tribunal : nous, les femmes, nous tombons comme des mouches. Vous, les hommes, vous prenez une cuite et vous nous tuez. Vous voulez baiser et vous nous tuez. Vous êtes furax et vous nous tuez. Vous voulez vous amuser et vous nous tuez. Vous découvrez nos amants et vous nous tuez. Vous vous faites larguer et vous nous tuez. Vous vous trouvez une maîtresse et vous nous tuez. Vous vous sentez humiliés et vous nous tuez. Vous rentrez fatigués du travail et vous nous tuez.
Et au tribunal, vous dites tous que c'est notre faute. Nous, les femmes, nous savons vous taper sur les nerfs. Nous savons rendre la vie d'un mec impossible. Nous sommes infidèles. C'est notre faute C'est nous qui provoquons. Au final, qu'est-ce qu'on fabriquait à cet endroit-là ? A cette fête-là ? À cette heure-là ? Dans cette tenue ? Au final, pourquoi avons nous accepté la boisson qui nous a été offerte ? Pire encore : comment avons-nous pu accepter cette invitation à monter dans cette chambre d'hôtel ? Avec cette brute ? Si on ne voulait pas baiser ? Et ce n'est pas faute d'avoir été prévenues : ne sors pas de la maison. Encore moins le soir. Ne te soule pas. Ne sois pas indépendante. Ne va pas ici. Ni là. Ne travaille pas. Ne mets pas cette jupe. Ni ce décolleté. Mais vous croyez que nous suivons les règles ? Nous portons des mini-jupes. Des décolletés jusqu'au nombril. Et des shorts au ras du cul. Nous poussons le bouchon. Entrons dans des impasses sombres. Avons le feu à la chatte. Nous extrapolons. Travaillons toute la journée. Sommes indépendantes. Avons des amants. Rions aux éclats. Entretenons la maisonnée. Envoyons tout se faire foutre. Le plus curieux, c'est que nous ne tuons pas. Incroyable ce que nous tuons peu. Nous devrions, vu les statistiques montrant à quel point nous mourons, tuer beaucoup plus, Mais, en raison d'un problème hormonal peut-être, ou structurel, ou éthique, ou physique, nous préférons ne pas tuer. Et alors nous finissons jetées dans un terrain vague, comme Chirley. Pour insubordination. Nous sommes découpées en morceaux et enterrées, comme Ketlen. Dans le jardin. Pour désobéissance. Voilà se que j'ai vu cette semaine-là.
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Je l’ai vu. Dans la salle d’audience, Milton & Rondiney & Edson & Nildo & Ricardo & Ítalo & Rodrigo & Fares & Brayan, tous avaient dit la même chose. Problèmes sexuels. Problème avec la boisson. Adultère. Certains venaient au tribunal en compagnie de leurs psychiatres, invoquant l’aliénation mentale. Je ne me souviens de rien, prétendaient-ils. Ayez pitié de nous, argumentaient-ils : nous sommes épileptiques. Nous sommes bipolaires au degré maximal. Nous sommes schizophrènes. Mais la vérité, c’est que la plupart sont totalement normaux et sains d’esprit, de la même façon qu’ils sont totalement assassins. Enfants, misère, chômage, alcoolisme, rien de tout ça n’est le véritable problème. La raison est tout autre : ils tuent des femmes parce qu’ils aiment tuer des femmes. Comme on aime aller à la pêche ou jouer au football.
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Au XXème siècle. Les types venaient ici, depuis le Nordeste, pour fuir la sécheresse, pour travailler dans les exploitations d'hévéas, et ils venaient seules. Sans femme. Ils tuaient les indigènes malavisés. Les femmes étaient un produit de luxe ici. Alors on les volait. À leur père, leur mari, leur village. Et on les vendait. On achetait une femme pour le prix de cinq cents kilos de caoutchouc. Quand j'ai su ça je me suis dit : putain, moi, putain, moi, avec mon caractère pas gentillet pour un sou, avec mon sang chaud, moi, qui vit de mon argent, qui ne courbe l'échine devant rien, moi, avec ma langue bien pendue, célibataire, sans enfants, avec mon cœur plein de haine à déverser, je vais maintenant travailler dans cet endroit où hier encore on chassait les femmes dans la forêt au lasso ? Où les femmes étaient vendues, commandées, volées ? Ça sent mauvais pour l'Acre, je me suis dit, m'a-t-elle raconté en lâchant un éclat de rire sonore, presque scandaleux J'aime bien être le cailloux dans la chaussure de ces gens-là.
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– Je vais devoir faire attention avec toi, avait-il répondu. Une femme intelligente, c’est la merde.
Ce qu’il me disait en réalité, à ce moment-là, c’était qu’en général les femmes sont bêtes. Mais bien entendu, étant sous le charme et intoxiquée par mes propres hormones, je ne m’en étais pas rendu compte. Pire : j’avais inversé les signaux, transformé le négatif en positif.
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Peut-être bien qu'un jour, dans le futur, je ne me souviendrais plus de l'odeur lourde, dense, de la terre réchauffée par le soleil après une pluie torentielle dans la sylve. Mais je n'oublierais jamais à quel point le concept de solidarité de ce peuple m'a surprise, un concept qui peut ne pas entrer dans la logique du envahit-tue-pille-vole-et-vend qui marque tout pays colonisé, mais qui, dans la pulsation de la vie de la forêt, dans le déploiment ininterrompu des cycles de naissance, de floraison, de décomposition et de retour à la poussière de la nature, se révèle structurel pour l'idée de survie humaine.
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