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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Années 1970. Hirut attend, sur le quai d'une gare, quelqu'un. Dans les mains, elle a une lettre, qu'elle va transmettre. Mais avant que l'on ne sache qui est le destinataire de cette transmission, l'on remonte le temps jusque dans les années 1930, en Éthiopie, alors que Mussolini et ses troupes sont en train d'envahir le pays, menant à la fuite d'Haïlé Sélassié Ier après quelques mois de conflit, et à la résistance de ceux qui ont choisi de rester contre la menace fasciste. Parmi ces combattants, le chef de guerre Kidane, qui parvient à monter une armée, vite rejoint par une autre armée, celle de femmes dirigée par son épouse, Aster, et dans laquelle une certaine Hirut, au départ servante du couple, va prendre une place de plus en plus importante.

Pour raconter cette Histoire de l'Éthiopie, de ce qui l'a menée à cette situation face à l'Italie, des conséquences de la résistance du pays africain face à son oppresseur européen, Maaza Mengiste s'inspire de ses archives familiales, et ainsi lui donne une histoire plus personnelle, plus touchante, d'hommes et de femmes qui vont faire face avec une incroyable force à la monstruosité fasciste - le sort, en effet, réservé, aux prisonniers de la résistance, était monstrueux -.

Elle alterne de fait entre les voix de Kidane, d'Aster - par l'intermédiaire d'un choeur épique qui nous renvoie aux textes guerriers antiques -, d'Hirut, d'Haïlé, d'Ettore, photographe italien qui doit rendre compte des exactions fascistes pour la propagande, alors qu'il est lui-même juif, voix qui vont se compléter, parfois se confondre, pour mieux faire prendre conscience de toute la complexité et de toute l'horreur de la situation.

Le roi fantôme est de fait un roman d'une grande force, qui décrit à la perfection la force dont a fait preuve la résistance éthiopienne face à l'Italie, et qui met en pleine lumière une population souvent oubliée de cette résistance - et ce n'est pas le cas qu'en Éthiopie, il suffit de regarder sous son propre nez, en France - les femmes, qui sont magistralement symbolisées par une épouse et une servante, qui parviennent toutes deux, malgré les exactions, les épreuves, le désir de les ignorer, à devenir les véritables héroïnes de l'histoire.

Sans surprise, j'ai adoré ce roman, qui mêle avec brio Histoire et histoire comme je l'apprécie.
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Cette épopée puissante nous emmène en Ethiopie, envahie par les troupes de Mussolini, en 1935, jusqu à la victoire miraculeuse de ce peuple de combattants et de combattantes héroïques.
Sans être le moins du monde adepte des récits de guerre, j'ai été happée par le souffle lyrique de Maaza Mengiste, par le rythme de cette narration si particulière, composée de récits de bataille grandiloquents, entrecoupés d'interludes et de choeurs, échappés du théâtre antique. On plonge alors dans des anaphores saisissantes et des métaphores hallucinées, sans jamais perdre de vue la réalité éthiopienne et les drames qui s'y jouent.

L'auteure a voulu rendre hommage aux femmes éthiopiennes qui ne se sont pas contentées de nourrir les soldats, mais ont choisi de prendre les armes." L'histoire de la guerre s'est toujours écrite au masculin, mais la vérité est différente – en Éthiopie, et de tout temps, dans tous les conflits. Les femmes ont toujours été là." Elle a bâti son roman sur son histoire familiale et sur les archives de son arrière grand-mère.

Sans vouloir esthetiser la guerre ou promouvoir une image d'Amazones, elle fait le portrait de femmes qui prennent leur revanche sur la domination masculine et l'esclavage comme Hirut qui « a laissé derrière elle la servitude et fait de son corps une arme ».
C'est en prenant part aux combats que Aster, la femme du guerrier Kidane et Hirut sa servante se libèrent de l'emprise de celui qui les a violées. Mais si les femmes et leurs combats sont admirables, elles restent des personnages de chair et de sang avec leurs faiblesses et leurs souffrances.
Le même traitement est réservé aux héros masculins, sans la moindre trace de manichéisme.
Le guerrier Kidane est un violeur mais c'est parce qu'on lui a appris qu'une femme doit "être prise" et ses tentatives de tendresse échouent parce qu'elles arrivent trop tard.
Ettore, le photographe italien est un lâche qui collabore avec le pouvoir fasciste mais c'est aussi un personnage tourmenté qui craint pour sa vie parce qu'il est juif et qui éprouve de l'empathie pour les victimes.
L'empereur Haïlé Sélassié qui a fui son pays pour se réfugier en Angleterre, obsédé par l'Aida de Verdi, incarne lui aussi cette complexité et cette ambivalence qui font la richesse de chacun des personnages, soignés par la plume de l'auteure.
Quant au roi fantôme, ce paysan jumeau de l'empereur, une fois son rôle achevé, il retourne à l'anonymat auquel il était prédestiné, son nom signifiant " rien".

Ce chant épique, porté par des voix multiples qui s'entrecroisent, est non seulement un moment d'histoire et un hommage à des femmes courageuses, mais aussi un roman magistral.
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Un souffle épique secoue ce roman de Maaza Mengiste, qui souhaite rendre hommage à la résistance éthiopienne lors de la seconde invasion italienne en 1935.

Plusieurs destins s'entremêlent : celui de Hirut, jeune servante dans la maison d'Aster et du guerrier Kidane, celui de Fifi, une espionne au passé mystérieux, celui d'Ettorre, un photographe italien menacé par ses origines juives, et celui de Carlo Fucelli, colonel de l'armée bien décidé à calmer la révolte qui parcourt les rangs éthiopiens.

Loin d'être manichéen, le roi fantôme esquisse avec brio les différents liens hiérarchiques qui régissent les rapports sociaux ; les abus ne se limitent pas au schéma classique, et les femmes éthiopiennes de basse condition ont autant à souffrir des maîtresses de maison au sang plus noble que de leurs propres hommes, parfois plus affamés que les soldats italiens qui leur font face. Un hommage sous-jacent à ceux et celles qui n'ont rien et n'attendent rien, et qui décident tout de même de se soulever pour défendre un pays que leur empereur a fui.

Le style fluide et entraînant de l'auteur coule le lecteur dans un récit qui, s'il se déroule en pays étranger, n'est pas déroutant et emprunte au registre de l'épopée : le rythme est scandé par des chapitres où l'on suit tour à tour les belligérants, Hailé Sélassié, le choeur et des interludes qui permettent parfois des arrêts sur image.
Le thème de la photographie et de la mise en scène de l'horreur est d'ailleurs très présent dans le roi fantôme, à travers l'obsession du colonel Fucelli et du photographe Ettorre ; ce prisme m'a fait penser au court essai À fendre le coeur le plus dur de Jérôme Ferrari, qui met en lumière la propagande photographique italienne lors de leur guerre en Libye.

Un coup de coeur pour cette quête de liberté arrachée aux envahisseurs, pour les personnages principaux et secondaires travaillés et attachants malgré leurs faiblesses, et pour les questionnements que soulève en toile de fond l'auteur sur les rapports sociaux et le colonialisme civilisateur : "Dans les livres les plus anciens, il est déjà question d'une Éthiopie. Notre peuple remonte plus loin que cette Rome antique dont vous êtes si fiers. On existait avant vous, quand vous n'étiez même pas un peuple, juste une bande de paysans."
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« Deviens la guerrière que tu étais vouée à être. Lève-toi Hirut. »

Hirut. Aster. Fifi. Des noms qui résonnent encore dans mon esprit, alors que j'ai refermé le magnifique roman de #MaazaMengiste depuis plusieurs jours. Cette écrivaine éthiopienne, immigrée aux Etats-Unis, célèbre de son écriture puissante et lyrique les femmes combattantes, ces guerrières qui ont pris part à la résistance éthiopienne pour chasser l'envahisseur italien dans les années 30. Et que l'on a oubliées.

M. Mengiste fait ressurgir dans ses pages ces années sanglantes de la guerre coloniale menée par les Fascistes sur le sol éthiopien, fait écho aussi à la première invasion italienne de la fin du XIXe siècle ainsi qu'aux soulèvements contre l'Empereur Sélassié en 1974.

Ce texte n'est pourtant pas qu'un roman historique, il interroge L Histoire plutôt, il confère de l'épaisseur aux événements en les incarnant dans des personnages forts, jamais manichéens, qui racontent la violence de la guerre dans les deux camps, la lâcheté des êtres, la domination brutale des hommes, le sacrifice des femmes qui se soulèvent fièrement.

J'ai été emportée par le souffle épique de ce roman, par les voix du choeur qui font écho à la tragédie d'une guerre toujours désastreuse, et surtout j'ai été ébahie par la stature de ces femmes qu'on piétine, qu'on humilie et qui se relèvent pour combattre aux côtés de ce mystérieux roi fantôme et peut-être sauver leur pays.

L'écriture et l'ampleur de ce roman impressionnent, notamment parce qu'il revendique la nécessité de parler des femmes qui ont fait l'histoire, celle de l'Éthiopie et pas seulement ! Avec ce roman magistral, Maaza Mengiste redonne ainsi leur place aux combattantes éthiopiennes et leur offre une destinée mythique. Fifi. Aster. Hirut.
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