Le Midrash Rabbah est une collection d'enseignements de rabbins de l'antiquité, mis par écrit et rangés selon l'ordre des versets du livre biblique qu'ils expliquent. C'est, avec les "pesharim" retrouvés dans les Manuscrits de la Mer Morte, les plus anciennes explications de texte juives que l'on connaisse : orales d'abord et toujours rapportées au nom de celui qui les a dites, puis couchées par écrit de peur de l'oubli et de l'exil. Les éditions Nouveaux Savoirs se sont consacrées à leur publication en bilingue, mais le texte seul, hébreu-araméen d'un côté, français de l'autre, ne suffit pas à éclairer le lecteur moderne. Pour bien entrer dans cet univers de lecture, il vaut mieux avoir recours à l'édition américaine Kleinman publiée par Artscroll, plus lisible, vocalisée, ponctuée, bien imprimée, clairement traduite et surtout expliquée par d'indispensables notes. Ce livre-ci aura pourtant une certaine utilité : entre autres, il permettra au curieux que le judaïsme concerne peu, ou de loin, de voir comment des hommes qui croient au destin particulier de leur peuple dans l'économie divine du cosmos, comprennent la catastrophe et la destruction de ce qu'il y a de plus important au monde, le Temple. Ce Midrash explique le Livre des Lamentations attribué à Jérémie, sur la destruction du premier Temple par les Babyloniens. Mais les rabbins lisent les versets de Jérémie en relation, aussi, avec l'autre destruction, celle que perpétrèrent les Romains en 70. Loin d'adopter la méthode grecque d'un traité abstrait sur la Providence et ses paradoxes, ils lisent le texte hébreu au plus près et analysent dans ses moindres mots les enseignements divins et prophétiques qui y sont contenus, sans suivre un ordre discursif, rationnel, mais plutôt poétique, allusif, dialogal et à base de controverses. La méthode, disait
Jean Bottéro à propos de textes babyloniens parents de celui-ci, est bien "orientale", et cela permet au lecteur curieux d'entrer dans un mode de pensée tout autre, déroutant parfois, mais surtout exaltant.