L'expérience intérieure : Notes sur la contemplation

Le moi intérieur n’est pas une partie de notre être, comme le moteur dans une auto. Il est la totalité de notre réalité substantielle, à son niveau le plus élevé, le plus personnel, le plus existentiel. Il est comme la vie, et il est la vie : il est notre vie spirituelle dans ce qu’elle a de plus vivant. Il est la vie qui donne vie et mouvement en nous à tout le reste. Il est dans, et par, et par-delà, tout ce que nous sommes.

L’une des lois étranges de la vie contemplative, c’est que la solution des problèmes ne passe pas par la réflexion : on « fait avec » jusqu’à ce que, sans qu’on sache trop comment, ils se résolvent d’eux-mêmes.
Ou que la vie les résolve d’elle-même.
D’habitude, la solution consiste à découvrir qu’ils n’existaient que dans la mesure où ils étaient indissociablement liés au moi extérieur et illusoire.
Leur solution, dans la plupart des cas, intervient avec la dissolution de ce faux moi.
Et par voie de conséquence, une autre loi de la vie contemplative, c’est que s’y engager avec le ferme dessein de rechercher la contemplation, ou pire encore, le bonheur, c’est ne trouver n l’un ni l’autre.
(page 25)

Dans le discours de la Cène, Jésus a promis l’Esprit Saint, avec ses dons de contemplation.
Mais cette promesse s’accompagnait d’un refus : l’Esprit Saint serait donné à ceux qui seraient disposés à Le recevoir ; à ceux qui ne le seraient pas, Il serait refusé.
(page 100)

L’incurable « innocence » de l’homme moderne, si plein de péché qu’il n’a plus l’expérience de la contrition, et n’est rongé de culpabilité que par rapport à ce qui est relativement inoffensif, est l’un des mystères les plus désolants de notre époque.
(page 205)

Il est donc évident que l’Esprit Saint qui nous est donné est vraiment et littéralement un don de Dieu : Donum Dei altissimi.
Nous le possédons vraiment, dit saint Thomas, c’est-à-dire qu’il devient pour ainsi dire notre propre esprit, qui nous parle à l’intérieur de nous-mêmes, notre moi spirituel et divin, et c’est en vertu de sa présence et de ses inspirations que nous sommes d’autres Christs et que nous agissons comme tels.
Par lui, et par son intermédiaire, nous sommes transformés en Christ.
(page 94)

Saint Bernard fait remarquer que l’amour se suffit à lui-même, qu’il est sa propre fin, son propre mérite, sa propre récompense.
Il ne cherche point de cause au-delà de lui-même, ni de fruit en dehors de lui.
L’acte même d’aimer est la plus grande récompense de l’amour.
Aimer d’un amour désintéressé et pur le Dieu qui est la source de tout amour ne peut qu’être la joie la plus pure et la plus parfaite, et la plus grande de toutes les récompenses.
(page 137)

Si dans le Christ la nature humaine assumée, nature à tous égards littéralement et parfaitement humaine, appartient à la Personne du Verbe de Dieu, alors tout ce qui est humain dans le Christ est, du fait même, divin.
Ses pensées, ses actions, et son existence même, sont l’œuvre et l’existence d’une Personne divine.
En Lui, nous voyons un homme en tous points identique à nous quant à sa nature, pensant, sentant, et agissant, conformément à notre nature, et dans le même temps néanmoins, vivant à un niveau de conscience et d’être totalement transcendant et divin.
Car sa conscience et son être sont la conscience et l’être de Dieu Lui-même.
(page 85)

Célébrer la vie contemplative n’est pas rejeter toute autre forme de vie, mais chercher un fondement solide pour toutes les autres activités humaines. Sans le silence et le recueillement de la vie intérieure, l’homme perd contact avec ses vraies sources d’énergie, de clarté, et de paix. Quand il tente d’être son propre dieu et veut à toutes forces tout régenter, tout se rappeler, et tout maîtriser, il œuvre à sa propre perte.
(page 259)

La beauté de la vérité vue par l’intelligence attire le cœur hors de lui-même dans l’amour et l’admiration.
Quand le travail de la pensée nous amène à une intuition d’amour et de crainte sacrée, il y a « contemplation active ».
(page 11)

La contemplation vécue dans l’action et la pureté de cœur est donc une vie de grande simplicité et de liberté intérieure. L’intéressé ne recherche rien de spécial, ne demande aucune satisfaction particulière. Il trouve son contentement dans ce qui est. (…) De cette manière, il peut se laisser porter par le courant spontané de la vie et rester à tout moment en contact avec Dieu, dans l’ordinaire et le caché du moment présent avec ses tâches évidentes.
(page 124)