Le narrateur -Gérard Dumaurier- ne sait plus s'il vit un cauchemar ou s'il est devenu fou. Il éprouve en tous cas un irrépressible mais sans doute vain besoin de témoigner, par écrit, de l'horreur qu'il est en train de vivre.
Nous sommes dans les années trente. La seconde guerre mondiale s'est brutalement conclue par la diffusion d'un gaz mortel ayant anéanti la quasi totalité de la population mondiale. le narrateur s'est retrouvé au moment du désastre dans une grotte avec un groupe d'enfants partis en excursion, ce qui leur a permis de survivre.
Les conditions de la naissance d'une nouvelle civilisation se recréent au sein de ce microcosme. Après une longue période d'hébétement, puis une fois résolues les premières difficultés inhérentes à l'approvisionnement en eau et nourriture, le groupe d'enfants s'organise, indépendamment du héros qui les observe à distance, vaguement curieux, mais le plus souvent indifférent à l'évolution de ce probable dernier échantillon de la race humaine. Les éduquer, leur transmettre la connaissance de leurs origines, entretenir leurs acquis culturels, sociaux, ne l'intéresse pas.
Agés, pour les plus vieux, d'une dizaine d'années, ils oublient ainsi peu à peu ce qu'ils étaient avant la catastrophe. Ils élaborent un nouveau langage, mélange de mots français, anglais et espagnol qu'ils simplifient, modifient. Ils perdent la capacité à lire, à écrire, à compter au-delà de quelques dizaines. Ils se réinventent des rites et des habitudes, renouent avec une certaine forme de bestialité, puisque essentiellement préoccupés de la satisfaction de besoins primitifs. Leur interprétation simpliste de manifestations naturelles qu'ils ne comprennent pas constitue peu à peu une nouvelle mythologie fruste et primaire, basée sur la crainte de l'inconnu et la superstition.
Dénués du filtre "civilisateur" que confèrent l'éducation et la vie dans une société élargie, ils expriment leurs désirs avec sauvagerie, voire avec violence, organisant un semblant de hiérarchie selon la loi du plus fort ou du plus malin. Ils semblent par ailleurs dénués de tout sentiment, n'éprouvant ni compassion ni affection pour les autres membres du groupe.
Dumaurier, qui a gardé la mémoire de l'ancien monde, ne comprend pas cette nouvelle engeance qui le dégoûte profondément.
"Ah, ah, ah ! C'est vraiment drôle ! J'allais écrire le mot de civilisation pour définir la vie de ce petit groupe d'humains qui représente sans doute, à l'heure actuelle, toute l'humanité. Cette poignée de galopins, ignares, ahuris, vicieux, superstitieux et peureux ! Ça, une civilisation ? Non, j'aime mieux croire que je suis fou".
Avec une ironie désabusée, il exprime la dérision de la situation : après des siècles de souffrances et d'évolutions, de guerres et de progrès, voilà comment s'éteint une humanité dont il est le dernier représentant. A travers le témoignage de son héros, publié en 1935,
Régis Messac exprime l'amer désespoir de qui a perdu sa foi en l'homme, et dénonce la bêtise, d'une constance décourageante, de ses semblables...
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