Citations sur Padre Pio ou Les prodiges du mysticisme (16)
On ne peut pas s’asseoir sur le mot “chaise”.
Pour l’Église, l’histoire miraculeuse de Padre Pio est en fait un cauchemar plutôt qu’une joie ; elle est, en effet, parsemée d’impostures et de querelles qui prennent à l’occasion un tour politique, déconcertant alors les croyants, qui soupçonnent qu’« on leur cache quelque chose ».
Même si Padre Pio partageait avec eux des pouvoirs exceptionnels, personne ne songerait à le comparer à un Daniel Home ou à une Eusapia Palladino. Ces derniers ne manifestaient leurs dons que de façon involontaire ou pour la galerie, donc pour satisfaire leur ego ou pour en tirer des revenus matériels, tandis que le capucin était tout entier voué à l’adoration de Jésus, au partage de sa Passion et à la charité. Son attention, comme la leur, était polarisée sur une idée obsessionnelle, mais il ne faisait pas étalage de ses pouvoirs surnaturels. Pourtant, la fascination qu’il exerçait sur les foules conférait à sa présence en public un caractère spectaculaire, qui n’était pas du goût des autorités ecclésiastiques.
Le secret même qui entoura l’affaire – elle ne fut révélée que quarante ans plus tard – témoigne éloquemment du trouble du Vatican. Padre Pio n’avait pas usé de son don de bilocation pour sa seule défense, mais pour empêcher le pape de commettre une erreur dommageable à l’Église. C’était un défi à l’autorité pontificale, le capucin imposant de fait sa volonté par un pouvoir surnaturel.
Ses lettres nombreuses – elles emplissent quatre gros volumes – permettent de reconstituer l’histoire de ces phénomènes. Dans celle du 8 septembre 1911, adressée à son supérieur, le père Benedetto, il écrit :
Hier soir, il m’est arrivé une chose que je ne peux ni expliquer ni comprendre. Au centre de la paume de mes mains est apparue une rougeur, de la forme d’une pièce d’un centime, accompagnée d’une douleur aiguë au centre de la rougeur. Cette douleur était plus sensible à la main gauche, ce qui fait qu’elle dure encore. De même, je ressens une légère douleur sous les pieds.
Francesco Forgione a quinze ans quand, en 1902, il entre au séminaire de Mortone, où il se distingue par son ardeur à l’étude. L’année suivante, il prononce ses voeux temporaires et revêt la bure des capucins, sous le nom de frère Pio da Pietrelcina. C’est à vingt-trois ans qu’il prononce ses voeux solennels, dans la cathédrale de Bénévent, le 10 août 1910.
Une semaine plus tard, il aurait ressenti des douleurs aiguës dans les points de son corps correspondant à ceux où on lui avait enseigné que Jésus avait subi les blessures de la Crucifixion.
La foi peut l’exalter, comme le montre le cas de Padre Pio, mais le pouvoir de guérir n’est pas nécessairement lié à la religion, en tout cas pas à la seule religion catholique.
La guérison miraculeuse est un phénomène considéré comme surnaturel. Or, nous le verrons, le surnaturel est un domaine où la religion et la raison tâtonnent et trébuchent de façon périlleuse. Bref, ses guérisons ne signaient pas la sainteté de Padre Pio.
« Il n’est que deux sortes d’hommes : les justes, qui se croient pécheurs ; et les pécheurs, qui se croient justes. » La sainteté est donc affaire de jugement par les autres, comme le cas de Padre Pio ne le démontre que trop.
Toutes nos actions, et même nos rêves sont « mis en scène » : la symbolique des rêves en est la preuve, qui reflète une réinterprétation des sentiments et des situations en vue de leur donner un sens. Dans la mesure où il est cohérent, le langage est une mise en scène.