En réalité, il ne savait s'il devait se réjouir ou non de cette expérience qui illustrait la déchéance du musicien d'aujourd'hui, heureux de se produire, faute de mieux, devant un public végétal.
Sa mère lui répète qu'il a été un petit garçon modèle. La musique devait déjà couler dans ses veines car le monstre de cinq ans présentait une nature apaisée. Jamais un caprice, d'une docilité vraiment charmante, à l'image de sa sonorité maîtrisée sur l'alto. Un jour il y avait eu cependant un bémol.
C'était un dimanche, Dominique avait coupé la queue du chat. Personne n'avait jamais compris comment il s'y était pris avec ses petites mains de musicien.
La musique demande de la patience.
Devant ses amis, Oslo aurait voulu tout raconter, décrire cette expérience unique, mais il avait peur du ridicule. Comment expliquer, sérieusement, qu'il menait une nouvelle carrière de soliste pilotée par le ministère de l'Agriculture et que le public, nombreux et indéfectible, se composait de plantes vertes de toutes natures.
Comment expliquer, sans passer pour un type totalement brûlé du cerveau, que ce qu'il ressentait dans la serre tenait du domaine de l'incommunicable.
Comment révéler aussi qu'au début il avait eu le trac devant ces tiges vertes, et comment il avait dû faire des efforts pour reparaître devant elles sans trembler et trouver la juste sonorité pour capter leur attention ? C'était quelque chose dont il ne pouvait pas parler avec ses amis ni avec quiconque de normalement constitué. En réalité, il ne savait s'il devait se réjouir ou non de cette expérience qui illustrait la déchéance du musicien d'aujourd'hui, heureux de se produire, faute de mieux, devant un public végétal.