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Critique de encoredunoir


Il y avait de quoi avoir un peu peur avant d'aborder le dernier roman de Deon Meyer. D'abord parce que l'on a la sensation depuis quelques temps que l'auteur sud-africain tourne un peu en rond, répétant toujours un peu la même recette, sans retrouver le souffle et surtout la chair de ses premiers livres. Ensuite parce qu'une citation du Times en quatrième de couverture compare L'Année du Lion à La Route, de Cormac McCarthy. On a l'impression que les choses aujourd'hui sont relativement simples. Mettez deux ploucs dans un roman et vous êtes le nouveau Faulkner. Balancez les survivants d'une épidémie ou d'une apocalypse nucléaire dans un monde en perdition, ou mettez un cheval dans votre roman, et vous êtes le nouveau McCarthy.
Bref… Deon Meyer a donc totalement changé de sujet. Fini – au moins temporairement – les flics sud-africains, on passe avec L'Année du Lion au récit post-apocalyptique. le point de départ est des plus classiques : un homme, Willem Storm, et son fils, Nico, sont sur la route. Ils font partie des survivants à une épidémie qui a tué 90% de la population mondiale. Et quand on est dans le Karoo, cette région désertique d'Afrique du Sud, 90% d'humains en moins, ça fait qu'il ne reste plus grand monde. C'est Nico qui raconte les événements. Un Nico adulte, bien loin de l'adolescent de treize ans jeté sur les routes aux côtés de son père. Et l'on apprend vite que depuis lors Willem est mort. Il a été assassiné. Et il ne s'agit pas d'une mauvaise rencontre avec un gang de pillards survivants. Car Willem avait un projet. Il voulait créer une nouvelle communauté, Amanzi, faire l'expérience d'une sorte d'histoire de l'évolution humaine en vitesse accélérée : regroupée des nomades devenus des sortes de chasseurs-cueillir, recréer une société autosuffisante, développer ou plutôt redévelopper les technologies nécessaires à son progrès et tenter de faire repartir au moins un petit bout du monde du bon pied.
C'est cette expérience que raconte Nico Storm ; la manière dont la communauté s'agrège et se développe, les inévitables conflits internes, la nécessité de se défendre contre d'autres groupes beaucoup moins bien intentionnés, l'expérience d'une démocratie balbutiante… et tout cela jusqu'au drame annoncé et à son explication.
En écrivant L'Année du Lion, Deon Meyer se place donc dans une longue lignée d'écrivains tentant d'imaginer la manière dont un embryon rescapé d'humanité pourrait essayer de se reconstruire en tentant d'éviter les erreurs du passé. du Fléau de Stephen King au plus récent Station Eleven d'Emily St John Mandel, en passant donc par La Route et des dizaines d'autres ouvrages qui ont usé de ce point de départ, le lecteur commence à être assez habitué au sujet et se trouve donc assez difficilement surprenable. L'Année du Lion, en fin de compte, est d'ailleurs assez peu surprenant. Il est par contre extrêmement efficace et il est incontestable que l'on s'y laisse très vite entraîner. Si tous les stéréotypes du genre sont là – les tentations théocratiques ou autoritaristes de la communauté, les expéditions dangereuses, les adversaires bestiaux, les batailles héroïques – Deon Meyer les utilisent avec intelligence. La manière dont il structure par ailleurs son récit entre les souvenirs contés par Nico Storm et les extraits d'entretiens menés par son père auprès des membres de la communauté, permet par ailleurs de toujours laisser planer des zones d'ombres et de ménager un véritable suspense du début à la fin. Enfin – et ce n'est pas négligeable – les personnages du roman, sous une apparence de départ souvent monolithique, se révèlent peu à peu, au gré notamment des entretiens, bien plus complexes et incarnés. Tout cela lui permet de mettre en place une fresque épique dotée d'un souffle incontestable.
Alors bon, Deon Meyer n'est pas Cormac McCarthy ; il est Deon Meyer. Un Deon Meyer qui sait construire un récit, qui sait en faire un redoutable page turner, et surtout un Deon Meyer qui semble trouver là une deuxième jeunesse, un second souffle. C'est déjà très bien.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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