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Une poésie ou une teinte de surréalisme se mélange à la réalité nue de la vie. Une gouache de couleurs et ces couleurs sont à notre appréciation. Si on préfère le noir, il dominera ; si on préfère le rouge, le jaune ou l'indigo, notre oeil les percevra en premier. Une ironie douce (mais est-ce vraiment cela ?) parcoure certaines lignes. Ou un humour un peu froid, un peu noir ? J'ai laissé Henri Michaux de côté pendant longtemps. Je m'étais trop ennuyée à l'étudier. Mais je me suis toujours méfiée de mes ennuis pédagogiques.... J'ai redécouvert Henri Michaux, comme on se remet d'une indigestion après une diète salutaire. Un petit morceau de temps en temps comme toujours en poésie, on savoure lentement pour s'imprégner du goût et qu'il reste dans notre mémoire sensitive....
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Un recueil que j'ai préféré aux précédents mais que j'ai quand même lu en diagonale. Avec Henri Michaux j'ai trop de mal! Sa poésie est trop abstraite, trop hermétique pour moi. Dans ce domaine je reste une lectrice d'un grand classicisme. Henri Michaux est un poète pour public averti, pour lecteurs au dessus de la mêlée, pour intellectuels très fins et avisés.
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Face aux vers limpides de son grand ami Supervielle, la poésie d'Henri Michaux est une mer orageuse, dont les mouvements se confondent avec la nuit. Des vagues se dressent « contre » les voyages ordinaires. Elles nous font sortir de notre zone de confort. Elles dérangent. Michaux se complaît dans une obscurité capable de rendre incertaines les limites de l'identité.

Dès les premiers poèmes, c'est un vortex, une chute sans fond dans l'espace intérieur, réminiscent des peurs qui surgissent au moment de se coucher, quand on éteint la lumière : « Le gouffre, la nuit, la terreur s'unissent de plus en plus indissolublement. »

Loin de reculer face au gouffre des cauchemars, Michaux y plonge sans relâche pour y puiser son inspiration. Il essaie du moins, car l'instinct de survie n'est pas facile à contrecarrer. Il se heurte à la tyrannie de sa conscience, son ego, son « Roi » qu'il torture avec un enthousiasme désespéré. « Et c'est mon Roi, que j'étrangle vainement depuis si longtemps dans le secret de ma petite chambre ; sa face d'abord bleuie, après peu de temps redevient naturelle, et sa tête se relève, chaque nuit, chaque nuit. »

Les institutions monarchiques sont tenaces. Parmi elles, on trouve les normes du langage, de l'écriture, coupables de diluer l'imagination la plus tempétueuse pour la changer en « gouttes peu nombreuses qui tombent graves et désolées dans le silence. » La révolution contre le Roi passe par un éclatement de la langue, y compris dans son sens organique. Michaux n'hésite pas à se faire violence. Son corps se disloque, se fragmente à travers les aperçus qu'en donnent une multitude de courts textes. Ce processus est particulièrement prégnant dans la partie du recueil intitulée « Mes propriétés », où Michaux s'observe avec une intensité fiévreuse et note les résultats au jour le jour. Un monde imaginaire en ressort. Sa faune et sa flore sont abondamment décrits, en des hypotyposes délirantes d'insectes cristallins et de mangroves.

Michaux cherche à capter ces fragments pour affiner sa connaissance de l'être et dresser la carte d'altérité d'un sujet dix-formes (sinon plus), livré à la métamorphose d'un voyage imaginaire qu'il souhaiterait permanent. Son identité se définit par les espaces qu'il parcourt sans limite physique, en constante métamorphose... et par la tension entre ces voyages poétiques et le réel :

« L'âme adore nager.
Pour nager on s'étend sur le ventre. L'âme se déboîte et s'en va. Elle s'en va en nageant. (Si votre âme s'en va quand vous êtes debout, ou assis, ou les genoux ployés, ou les coudes, pour chaque position corporelle différente l'âme partira avec une démarche et une forme différentes, c'est ce que j'établirai plus tard.)
On parle souvent de voler. Ce n'est pas ça. C'est nager qu'elle fait. Et elle nage comme les serpents et les anguilles, jamais autrement.
Quantité de personnes ont ainsi une âme qui adore nager. On les appelle vulgairement des paresseux. Quand l'âme quitte le corps par le ventre pour nager, il se produit une telle libération de je ne sais quoi, c'est un abandon, une jouissance, un relâchement si intime.
L'âme s'en va nager dans la cage de l'escalier ou dans la rue suivant la timidité ou l'audace de l'homme, car toujours elle garde un fil d'elle à lui, et si ce fil se rompait (il est parfois très ténu, mais c'est une force effroyable qu'il faudrait pour rompre le fil), ce serait terrible pour eux (pour elle et pour lui).
Quand donc elle se trouve occupée à nager au loin, par ce simple fil qui lie l'homme à l'âme s'écoulent des volumes et des volumes d'une sorte de matière spirituelle, comme de la boue, comme du mercure, ou comme un gaz — jouissance sans fin.
C'est pourquoi le paresseux est indécrottable. Il ne changera jamais. C'est pourquoi aussi la paresse est la mère de tous les vices. Car qu'est-ce qui est plus égoïste que la paresse?
Elle a des fondements que l'orgueil n'a pas.
Mais les gens s'acharnent sur les paresseux.
Tandis qu'ils sont couchés, on les frappe, on leur jette de l'eau fraîche sur la tête, ils doivent vivement ramener leur âme.
Ils vous regardent alors avec ce regard de haine, que l'on connaît bien, et qui se voit surtout chez les enfants. »
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Déjà j'aime le titre. Evocateur de ces bruissements que, seule, peut nous offrir la nuit. J'aime cette poésie parfois déjantée, souvent onirique, ce qui nous ramène au monde de la nuit. Une oeuvre de premier plan de ce poète, à mon estime.
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Ce recueil a été publié en 1935. C'est sans doute son premier grand recueil. le titre, comme souvent dans l'oeuvre de Michaux, est déjà tout un programme : qu'est-ce à dire ? La Nuit remue évoque cette étape éphémère, cette frontière fragile entre sommeil et veille, entre néant et existence mais aussi cette frontière fragile et mouvante entre la paix sereine des certitudes diurnes et l'angoisse des cauchemars nocturnes. Tel un funambule, Michaux se promène sur ce fil étroit du réel et du rêvé, du clair et du sombre, de l"angoissant et du rassurant et pour cela, il renouvelle sans cesse les rythmes et les formes et fascine ses lecteurs comme sous l'effet d'une magie.
Voici un choix de quelques poèmes, puisqu'il faut bien choisir, qui devraient convaincre bien mieux que mes paroles :





P 9 "La nuit remue" I
« Tout à coup, le carreau dans la chambre paisible montre une tache. L'édredon à ce moment a un cri, un cri et un sursaut ; ensuite le sang coule. Les draps s'humectent, tout se mouille. L'armoire s'ouvre violemment ; un mort en sort et s'abat. Certes, cela n'est pas réjouissant. Mais c'est un plaisir que de frapper une belette. Bien, ensuite il faut la clouer sur un piano. Il le faut absolument. Après on s'en va. On peut aussi la clouer sur un vase. Mais c'est difficile. le vase n'y résiste pas. C'est difficile. C'est dommage. Un battant accable l'autre et ne le lâche plus. La porte de l'armoire s'est refermée. On s'enfuit alors, on est des milliers à s'enfuir. de tous côtés, à la nage ; on était donc si nombreux ! Étoile de corps blancs, qui toujours rayonne, rayonne... »

p 30 "Un point, c'est tout"
" L'homme _son être essentiel_ n'est qu'un point. C'est le seul point que la Mort avale. Il doit donc veiller à ne pas être encerclé.
Un jour, en rêve, je fus entouré de quatre chiens, et d'un petit garçon méchant qui les commandait.
Le mal, la difficulté inouïe que j'eus à le frapper, je m'en souviendrai toujours. Quel effort ! Sûrement, je touchai des êtres, mais qui ? En tous cas mes adversaires furent défaits au point de disparaître. Je ne me suis pas laissé tromper par leur apparence, croyez-le ; eux non plus n'étaient que des points, cinq points, mais très forts.[....]"

p 79 "Contre !"
" Je vous construirai une ville avec des loques, moi.
Je vous construirai sans plan et sans ciment un édifice que vous ne détruirez pas
Et qu'une espèce d'évidence écumante soutiendra et gonflera,
Qui viendra vous braire au nez, et au nez gelé
De tous vos Parthénons, vos Arts Arabes et de vos Mings.
Avec de la fumée, avec de la dilution de brouillard et du son de peaux de tambours
Je vous assoirai des forteresses écrasantes et superbes,
Des forteresses faites exclusivement de remous et de secousses,
Contre lesquels votre ordre multimillénaire et votre géométrie
Tomberont en fadaises et galimatias et poussières de sable sans raisons.
Glas ! Glas ! Glas ! Sur vous tous! Néant sur les vivants!
Oui! Je crois en Dieu ! Certes, il n'en sait rien.
Foi, semelle inusable pour qui n'avance pas.
Ô monde, monde étranglé, ventre froid !
Même pas symbole, mais néant , je contre, je contre,
Je contre, et te gave de chiens crevés !
En tonnes, vous m'entendez, en tonnes je vous arracherai

http://poezibao.typepad.com/poezibao/images/michaux_montage_copie_basse_def_1.jpg
Ce que vous m'avez refusé en grammes!

Le venin du serpent est son fidèle compagnon.
Fidèle et il l'estime à sa juste valeur.
Frères, mes Frères damnés, suivez moi avec confiance;
Les dents du loup ne lâchent pas le loup.
C'est la chair du mouton qui lâche.

Dans le noir, nous verrons clair, mes frères!
Dans le labyrinthe, nous trouverons la voie droite!
Carcasse, où est ta place ici, gêneuse, pisseuse, pot cassé ?
Poulie gémissante, comme tu vas sentir les cordages tendus des quatre mondes !
Comme je vais t'écarteler ! "

Et l'un de mes préférés, dans le même recueil mais dans la section Mes Propriétés,
p 143, "Intervention"
"Autrefois, j'avais trop le respect de la nature. Je me mettais devant les choses et les paysages et je les laissais faire.

Fini, maintenant j'interviendrai

J'étais donc à Honfleur et je m'y ennuyais.

Alors résolument, j'y mis du chameau. Cela ne paraît pas fort indiqué. N'importe, c'était mon idée. D'ailleurs, je la mis à exécution avec la plus grande prudence. Je les introduisis d'abord les jours de grande affluence, le samedi sur la place du Marche'. L'encombrement devint indescriptible et les touristes disaient : " Ah ! ce que ça pue ! Sont-ils sales les gens d'ici ! " L'odeur gagna le port et se mit à terrasser celle de la crevette. On sortait de la foule plein de poussières et de poils d'on ne savait quoi.

Et la nuit, il fallait entendre les coups de pattes des chameaux quand ils essayaient de franchir les écluses , gong ! gong ! sur le métal et les madriers !

L'envahissement par les chameaux se fit avec suite et sûreté.

On commençait à voir les Honfleurais loucher à chaque instant avec ce regard soupçonneux spécial aux chameliers, quand ils inspectent leur caravane pour voir si rien ne manque et si on peut continuer à faire route ; mais je dus quitter Honfleur le quatrième jour.

J'avais lancé également un train de voyageurs. Il partait à toute allure de la Grand-Place, et résolument s'avançait sur la mer sans s'inquiéter de la lourdeur du matériel ; il filait en avant, sauvé par la foi.

Dommage que j'aie dû m'en aller, mais je doute fort que le calme renaisse tout de suite en cette petite ville de pêcheurs de crevettes et de moules."
Lien : http://aller-plus-loin.over-..
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C'est un sentiment très étrange. Je ne suis en général pas très attiré par la poésie, et encore par ce genre de poésie. Et pourtant, je me suis laissé emporté par ce recueil, que j'ai lu avec beaucoup de plaisir.
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un livre de chevet pour moi (encore un).
j'ai du lire prés de 1000 fois "mon roi"
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Beau voyage poétique...
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