aux doigts de bulles,
« le dur désir de durer »…(1).
Après
aux Passions joyeuses,
Marc Michiels nous emmène dans un monde où la géographie de l'amour s'instaure comme le seul mode de repère du poète : l'ici et l'ailleurs, le monde intérieur et extérieur fusionnent et dès lors que l'être aimé s'absente, on ne peut vivre « sans s'avoir où se poser ».
Virgile était son guide, ici, Marc a décidé de marcher dans les pas de Paul Éluard, celui qui fit de l'amour la poésie, et de la femme, le miroir de l'univers. Mais quand l'amour se fait égoïste, les lettres se mettent à danser, les espaces de blanc-silence emplissent la page comme le coeur et dans « les grandes marges de silence, la mémoire ardente se consume pour recréer un délire sans passé » (2).
Ainsi, le poète délaissé, revisite ses souvenirs où passé, présent et futur ne font plus qu'un : la vie, sans cesse recommencée, s'ancre dans une mémoire oublieuse. Les visages s'estom- pent, l'âme soeur s'en est allée pour se glisser au creux des nuages et filer entre les doigts d'Apollon... désormais de bulles. Tout devient « invisible, indicible, “a-visible” ; forme, multiforme, formel » ; et seuls les mots parvien- nent à dire l'impossible, tentant de préserver la frêle existence de ce(ux) qui reste(nt) : un arbre, une fleur, une goutte de rosée. Mais le langage pour le poète est une promesse de transformation de la réalité. Tel un pygmalion à force de sculpter de ses mots les traits de ce visage qui s'évanouit au milieu d'un nuage, il fait advenir un souffle de vie là où il n'y avait que matière.
Cette « larme de rosée », n'est pas sans évoquer la naissance de l'aube, l'aurore aux doigts de rose en charge d'ouvrir les portes du ciel. Ainsi, peu à peu, le néant se lève, découvrant un paradis retrouvé où les couleurs jaillissent avec la renaissance de la muse. le fleuve s'habille de rouge, la femme se vêt d'un bleu azur tandis que le poète s'arme d'écailles pour entamer son chant et atteindre cette « étoile nommée azur/Et dont la forme est terrestre » (3). le jour et la nuit n'ont plus d'heure, nous entrons dans un monde où le rêve se fait rêvélation au coeur d'une « nuit bleue apaisée » laissant entendre la voix de l'amant qui voyage vers ce je devenu nous. L'univers des strass et des bulles qui élèverait le poète sur les hautes sphères du néant,
Marc Michiels s'en éloigne, humble, préférant les « déserts à boire » où pourrait surgir son astre une « orange au goût de nuage » - Briséis LEENHARDT-JAN.
Paul Éluard :
(1) « Dur désir de durer ».
(2) « L'évidence poétique ».
(3) « Premièrement », poème 23.