AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Vie de Joseph Roulin (22)

Roulin […] compta tout cet argent proposé. Il avait un jardinet, les enfants étaient grands ; pour les gnôles, la cuite est vite atteinte à un prix fixe, le salaire y suffisait. Et que peut-on acheter ? Tout, quand on a appris ; ce n'était pas son cas.
Commenter  J’apprécie          680
Par quelle bizarrerie ce qu'il croyait être, et qui était, la peinture, c'est-à-dire une occupation humaine comme une autre, qui a charge de représenter ce qu'on voit comme d'autres ont charge de faire lever le blé ou de multiplier l'argent, une occupation donc qui s'apprend et se transmet, produit des choses visibles qui sont destinées à faire joli dans les maisons des riches ou à mettre dans les églises pour exalter les petites âmes des enfants de Marie, dans les préfectures pour appeler les jeunots vers la carrière, les armes, les Colonies, comment et pourquoi ce métier utile et clair était devenu cette phénoménale anomalie, despotique, vouée à rien, vide, cette besogne catastrophique qui de part et d'autre de son passage entre un homme et le monde rejetait d'un côté la carcasse du rouquin, affamé, sans honneur, courant au cabanon et le sachant, et de l'autre ces pays informes à force d'être pensés, ces visages méconnaissables tant ils voulaient peut-être ne ressembler qu'à l'homme, et ce monde ruisselant d'apparences trop nombreuses, inhabitables, d'astres trop chauds et d'eaux pour se noyer.
Commenter  J’apprécie          450
Il était né à Lambesc, pas loin d'Arles, vers le milieu du siècle. Je n'y suis jamais allé ; on me dit que c'est aujourd'hui un de ces lieux nuls où l'on s'arrête par hasard manger une pizza terreuse près d'une autoroute, et on ne voit qu'un ciel de poussière, des passants sur le boulevard, un vague dôme qui luit dans le fond et des platanes étêtés devant, rien. Ça n'a pas beaucoup changé.
Commenter  J’apprécie          280
Les beaux-arts et la politique sont choses compliquées.
Commenter  J’apprécie          280
Que Vincent eût absorbé du plomb lui aussi, cela ne l'étonna guère. Car ses étonnements il y avait longtemps qu'il les avait dans la peau et qu'ils ne le quittaient plus, qu'il les gardait bien cachés sous le petit plumet de l'alcool et la routine postale comme sa calvitie l'était sous sa casquette, mais inchangés et juvéniles encore, sans qu'il le sût ; sans qu'il sût même que c'était de l'étonnement, c'est-à-dire du vide, la terreur de ce vide et du goût pour cette terreur, car il avait mis dessus des convictions, des idées, garde-fous comme l'absinthe et la casquette.
Commenter  J’apprécie          260
Pas de lettre d'Auvers. Roulin au bout d'un an s'inquiéta de ce silence ; au bout de deux ou cinq il écrivit à Théo, qu'il appelait Monsieur Gogh ainsi que les lettres à lui envoyées font foi : il ne savait pas que les deux frères après avoir si longtemps guerroyé à fleurets mouchetés s'étaient pour finir embroché au même fleuret, et que Théo, le frère charitable, coupable et tyrannique, n'avait pas attendu trois ans pour suivre le frère fêlé qui était en quelque façon son barine à lui aussi, s'était avidement farci de plomb comme son frère et comme lui était couché ; et on ne répond pas de là-bas.
Commenter  J’apprécie          230
Joseph Roulin survécut assez longtemps à Van Gogh.
Je crois qu'il en reçut quelques lettres de Saint-Rémy. […] Comment les lisait-il, Roulin ? Pas comme je les lirais, assurément, pas de cette lecture matoise et mauvaise, interprétative, que maintenant nous faisions de ceux qui ne nous écrivent que par une dernière politesse envers le sort, comme si sans illusions ils écrivaient à l'espoir en personne : c'est une mauvaise passe, disent-ils, c'est vent et circonstances, et on ne veut pas les croire, ils nous amusent, on sait que là-dessous sans recours ils culbutent, on est devenu très fort depuis qu'on sait que le langage ment. On a appris le pire, on y est installé. Mais pour Roulin, ça n'était pas si simple ; ça lui donnait à penser, comme on fait quand on ne lit pas entre les lignes, mais les lignes mêmes ; qu'on ne demande qu'à croire ce qui est écrit.
Commenter  J’apprécie          230
Il ne fut pas étonné […] d'être promis à un tout petit métier, d'avoir à gagner sa vie et d'avoir à la perdre un jour, et de devoir moralement, gaillardement, affronter cela.
Commenter  J’apprécie          220
Il pensa à ce Parisien, qui était un bon garçon après tout, qui ne le grugeait qu'à moitié quand il l'aurait pu faire tout à fait. […] Bien sûr il était un peu truand, comme ils le sont tous : mais Roulin […] s'avisa que l'autre ne volait que de très riches qui de toute façon avaient de quoi, de ces citoyens superlatifs qui s'éprennent de ce dont on leur dit qu'il faut s'éprendre, ce qu'on appelle des amateurs ; et que sans doute il leur donnait même une sorte de plaisir, quoique empoisonné, puisque leur ayant persuadé que les runes de Vincent étaient pour eux seuls lisibles, il les en nantissait séance tenante contre leur poids d'or. […] Et ce truandage amusait en Roulin le prince républicain.
Commenter  J’apprécie          210
Si on lui avait demandé ce qui là-dedans l'avait fasciné dès sa jeunesse, dès qu'il avait eu les moyens ou la curiosité d'étudier un peu et de penser par lui-même, il nous aurait répondu par les éternels arguments du sans-culottisme éternel ; il eût dit qu'il voulait simplement cela : que les hommes eussent un commerce sans méchanceté, sans la méchanceté qui fonde leur commerce, comme si Caïn était un conte de bonne femme, comme si les paroles et les dents n'étaient pas faites pour mordre ; que la valeur de l'argent ne fût pas seule visible, comme si d'autres étaient visibles, étaient même valeurs ; que le pain en chaque point de la terre fût chaque jour rompu dans une eucharistie perpétuelle, où tous étaient messie et tous apôtres, où il n'y avait pas de Judas ; que les derniers devinssent les premiers, et la casquette des Postes une couronne parmi d'autres.
Commenter  J’apprécie          200






    Lecteurs (166) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les écrivains et le suicide

    En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

    Virginia Woolf
    Marguerite Duras
    Sylvia Plath
    Victoria Ocampo

    8 questions
    1720 lecteurs ont répondu
    Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

    {* *}