J'ai découvert
Pierre Michon avec son premier roman,
Vies minuscules, composé de huit portraits simples sublimés par une écriture majuscules,
Rimbaud le fils ce livre des
illuminations d'une enfance perdue, d'
une saison en enfer ruisselant le long des berges d'une Meuse paresseuse.
Pierre Michon, des cent ans de la mort du prodige des Ardennes, nous offre une petite valse littéraire sur une onde personnelle Rimbaudienne. Ce petit précis de mots jonglant d'images, de métaphore où
Pierre Michon s'amuse d'une vérité fugace, une glaciation du temps, d'un interstice intime échappant à la solitude d'une biographie usuelle, limée par le nombre et le redondant du mâché et du remâché. Par des chemins de traverses,
Pierre Michon sonde le Graal de l'inspiration littéraire, cette source magnifiant à merveille les mots, cette quête où
Rimbaud dans son antre familiale, d'un père fantôme, errant sur les cadavres d'un champ de bataille lointain, d'une mère sombre et hostile, d'un paysage Ardennais, vecteur de la mélancolie du moment, cet enfant aux doigts noirs d'une écriture à la virtuosité naturelle, d'un coup de baguette magique les « douze pieds » fleurissent l'arbre de ces feuilles pour faire chanter les mots tel que le veut ce jeune homme à l'esprit sauvage, cet âme incertaine, une identité complexe que peu de personnes arrivent à expliquer, comprendre et aimer.
Je n'ai la prétention d'être à la hauteur de l'érudition de
Pierre Michon sur la vie fantasque de
Rimbaud, ce livre truffé de noms, de lieus, de références précises sur la vie de ce poète, la constellation d'étoiles côtoyant ce petit garçon de Charleville mais aussi les autres plus discret, plus dans l'ombre, ces êtres de lumière aspirant
Rimbaud à devenir ce mythe absolu des « Douze pieds ». L'approche curieuse de
Pierre Michon sur la littérature et ses frondaisons sillonnant les mémoires imaginaires de
Rimbaud dans une forme de questionnement sur la littérature en elle-même, une incertitude des mots, de l'instant, des événements, des émotions, des rencontres, de la motivation absolue perdue dans l'abime de l'âme humaine.
Dans ce livre s'évaporent des noms peu connus, comme Izambard, Banville, mains dans la main dans les yeux de Michel Michon, des hommes à la vie minuscule face à l'ogre
Rimbaud, leur oeuvre ridicule, voir invisible, Pierre narre ces hommes, les façonne dans la littérature qu'elle n'a pas voulu d'eux, exclus de la théorie de la tringle selon
Pierre Michon, cette tringle des Maitres des « douze pieds » comme Malherbe et Racine, Hugo,
Baudelaire et le petit Banville, devenu l'ombre sans oublié le vieux
Virgile, le fondateur, cette tringle illusoire de
Pierre Michon, brisé par ce jeune garçon à la cravate de travers, les cheveux en bataille figé par cette photo prise par Carjat, photographe de
Baudelaire et des autres.
Pierre Michon aime les détails chavirant son âme volatile voguant dans le temps, emprisonnant l'instant de cette photo de
Rimbaud, ce garçon du Bateau ivre, Carjat en maitre d'oeuvre, cristallisant sur la plaque noir cet adolescent poète de Charleville, pour l'éternité.
Pierre Michon distille une atmosphère personnel, intime de
Rimbaud inerte devant Carjat, aux lèvres fredonnant le bateau ivre, essayant de savoir quel vers coule sur ce sourire manquant, cet air extatique, ce jeune homme perdu dans le vertige de ses vers transpirant son âme torturée.
Verlaine au style classique, à la modernité de
Rimbaud, ces deux poètes amant d'une passion violente, destructrice rythme un petit chapitre de
Pierre Michon de sa quête d'écriture, de fondation aux mots noircis par les doigts de
Rimbaud, ce fils orphelin d'
amour.
Mais
Pierre Michon, dans sa force complexe emprisonne
Rimbaud dans sa verve trop trouble de références indécises pour une âme incertaine volatile, papillonnant les vers de
Rimbaud dans sa jeunesse, attrapant la simplicité des mots dans une satiété maladroite mais sincère, comme l'était surement « cet effroyable jeune homme, cette brute, ce petit coeur de fille » que peut être
Rimbaud dans la plume corrosive
Pierre Michon. le dernier chapitre Michel Michon s'essouffle, comme l'est aussi le lecteur de cette constellation énumérative de noms partageant un moment où un autre la vie de
Rimbaud, et cette lucidité sophiste, cet orgueil du génie de cette grâce caressant ce garçon sans pour autant avoir cette jalousie de comprendre et d'en attribuer à la faveur de Dieu, une réponse si facile, ce qui ne peut être compris est Dieu.
Un roman hermétique aux
amoureux des vers simple et majestueux de ce petit adolescent d'
une saison en enfer, de ce coeur Ardennais longeant la Meuse, de cet amant blessé par
Verlaine, de ce poète ayant fait chavirer tant d'âme, comme je l'ai été lors de mes études universitaires, j'ai même marché dans les rues de Charleville où l'âme invisible de
Rimbaud rôde encore comme si ses vers le rendaient immortelle. Dommage,
Pierre Michon c'est surtout auto-suffit dans ce miel sucré de sa verve étouffante, un livre poison pour les
amoureux de
Rimbaud, ceux qui se laissent porter par les ondes célestes de ses vers, cette magie de respirer ces mots pour s'y noyer avec plaisir.