Trois courts textes, reposant sur d'anciennes chroniques vendéennes, probablement fictives, composent
Abbés.
Nous sommes en l'an 976, à deux décennies de l'an 1000, en Vendée, sur les terres marécageuses et insalubres du marais poitevin. La France n'est pas solidement constituée, les territoires sont disputés, les luttes entre rivaux sanglantes.
Sous l'autorité de l'Abbaye de Cluny, quelques moines et
abbés touchés par la grâce et le prosélytisme, décodent des signes qui les enjoignent à bâtir, à partir de ruines ou dans des lieux symboliques, des monastères bénédictins.
Le premier texte nous narre l'histoire d'Eble, l'un des
abbés, qui, accompagné de moines, se lance dans des travaux démesurés pour construire sur des terrains gagnés progressivement sur la mer, l'abbaye de Saint Michel en L'Herm. Les hommes se battent contre les éléments, l'eau de la mer et des rivières et la terre étant totalement intriquées.
Pierre Michon évoque le chaos du
Tohu-Bohu de la Genèse, un chaos qui touche également Eble, confronté à ses deux passions, la gloire et la chair. "La gloire, qui est le don de propager le feu dans la mémoire des hommes, et la chair, qui a le don de consumer à volonté le corps dans une flamme aiguë, une foudre". de cette dernière passion naîtra la possibilité d'une filiation.
Dans le deuxième texte, c'est une femme, Emma, qui à l'occasion d'une lutte à mort avec un sanglier, y verra un signe de l'au-delà et endossera la responsabilité d'engager la construction d'un monastère.
Enfin, le dernier texte, plus sarcastique, nous relate le vol par un abbé d'une fausse relique.
Dans ces trois contes cruels,
Pierre Michon, fait coexister au sein de communautés religieuses, avec une plume majestueuse et concise, dans des temps immémoriaux où les croyances chrétiennes croisaient celles du paganisme, les élans mystiques, les plaisirs physiques, les jalousies, les rivalités et les vengeances.
Son moyen-âge est barbare et irrationnel. Les hommes et les femmes s'y débattent, en proie à de violentes exaltations spirituelles et charnelles, écartelés entre religiosité et sensualité.