« Les mots ne vous obéiraient que si vous étiez seul à décider de leur sens. Mais c’est pas le cas. Tout le monde participe à l’opération. Et donc, vous avez beau vouloir leur donner des ordres, vous ne les commandez pas entièrement. Pas plus que quiconque. »
Depuis plusieurs semaines, Zanna avait remarqué que les chiens s'arrêtaient sur son passage. Qu'ils l'observaient. Une fois où la jeune fille était aller lire sous un arbre, à Queen's Park, trois écureuils étaient venus, à la queue leu leu, déposer une petite noisette ou une graine à ses pieds. Seuls les chats l'ignoraient.
Mais tu as d’autant plus de mérite à être une héroïne que c’était pas ton destin.
Dans mon Lombres, on brûlera les livres sitôt sortis des presses... que je goûte à l'encre fraîche. Vous mettrez le feu aux bibliothèques. Et au rayonnage du Puits Lettré. Puis l'incendie s'étendra aux bibliothèques du monde entier. Moi, j'attendrai patiemment, au-dessus de ce gigantesque brasier, que les fumées parviennent à mes narines. Alors plus rien ne me sera inconnu.
Rien de comparable à ma très haute couture. Qui rime si bien avec littérature. Si tu veux, je te confectionne un gilet avec ton roman préféré ; une écharpe de poèmes ; une jupe épique ; des chaussettes historiographiques ; et des dessous en pages bibliques. Pour que tu te cultives en t'habillant.
- […] Sur certains trajets, les receveurs ont parfois le malheur de tomber sur des girafes. »
Entendant cela, les deux filles intervinrent.
« Vous êtes la deuxième personne à nous parler des girafes, dit Deeba.
- Moi j’en ai déjà vu… ajouta Zanna.
- Et elles n’ont rien d’effrayant.
- Ah bravo ! s’exclama Jones. Elles ont réussi leur coup. Faire croire que les gentils réfugiés qu’on voit dans les zoos sont des girafes normales. Et vous allez sûrement me dire que si elles ont de longs cous, c’est pour mieux atteindre les hautes branches ! Et pas pour secouer les cadavres sanguinolents de leurs victimes, c’est ça ? » Les girafes ne sont pas les seules reines de la désinformation. Pourquoi croyez-vous qu’il n’y a pas de chats à Lombres ? Parce que ce sont des crétins. Ils ne savent rien de la magie ou du mystérieux. Par contre, les cochons, les chiens, les grenouilles, toutes les autres bêtes arrivent à nous rejoindre. La communication est permanente, entre les deux villes. Les messages passent.
- Ça se tient, Za, le coupa Deeba. Tous ces animaux qui savaient que tu étais… ce que tu es, là.
- La Schwazzy… indiqua l’intéressée.
- Mais pas les chats, reprit Jones. Sans doute trop occupés à avoir l’air cool.
L'astre flottait au-dessus de la ville, non pas comme un disque, une pièce de monnaie ou un ballon, mais comme un donut. On voyait le ciel gris à travers le cercle parfait qui lui faisait défaut.
C’est ainsi qu’ils se retrouvèrent à arpenter les rues de Lombres, en prenant soin d’éviter les foules et les véhicules à pédales. Chaque fois qu’ils apercevaient un dirigeable suspect, ou une espèce d’hélicoptère doté de pales en tire-bouchon, ils s’engouffraient dans le premier bâtiment désert ou patient venu, de crainte que l’appareil en question ne transporte un espion. Deeba, pour sa part, remarqua que la plupart des passants portaient un barrapluie.
A mon sens, la présence d'humidité dans l'air ne saurait en aucun cas justifier que l'on permette de brandir des cannes pointues à hauteur d'homme.