Raphaël parut dans son siècle portant au front l'auréole du beau. Ce que ses prédécesseurs avaient cherché péniblement, la grâce de la ligne, le charme ineffable du contour, il le trouva dans son berceau. Il naquit au cœur de l'Italie, dans le beau jardin de l'Ombrie. Il grandit sous ce ciel profond, parmi ces types d'une beauté et d'une suavité virginale et pour ainsi dire sous le rayon de leurs regards sérieux et purs. Il avait le cœur tendre, les manières gracieuses, le génie spontané. L'amour effleure ses lèvres et touche son cœur d'un souffle aérien sans les blesser. Enivré de parfum, son génie délicat étend ses ailes légères et caressantes sur chaque objet. Son tranquille idéal brille sous un voile diaphane avec un charme toujours nouveau.
A ne la considérer que du dehors, elle nous présente une brillante synthèse des qualités de ses prédécesseurs. Car nous y retrouvons la forte affirmation et l'énergie de Michel-Ange la science profonde de Léonard , la grâce, la douceur, le sentiment du beau de Raphaël, avec le coloris qui caractérise les maîtres vénitiens. A tous ces dons il joignait un don propre : la magie du clair-obscur, ou pour mieux dire l'art de donner du relief à une grande masse de figures humaines, en les peignant en clair sur un fond lumineux, d'animer ces masses gigantesques d'un mouvement propre, en leur conservant la variété et la liberté des mouvements individuels, comme pour nous montrer le souffle de l'esprit qui traverse ces tourbillons de corps.
Ce grand et doux songeur était une âme exquise, vaste et profonde, forte et contenue. Sa puissance se voilait d'un sourire suave; le charme d'un rêve
ineffable plana sur sa vie et enveloppa foules ses pensées d'une merveilleuse harmonie. Droiture de cœur, richesse de l'âme, clarté et hauteur d'un esprit transcendant, voilà de quoi se compose en trois mots le génie du plus grand des peintres.