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Critique de StCyr


StCyr
13 novembre 2013
Dans Tropique du Capricorne, Henry Miller nous apparaît, en un monologue halluciné d'un type à la marge, d'un outsider, d'un magnifique loser, révolté, écorché vif, d'une personnalité saturnale (ô Verlaine!).

MIller retrace la vie de son quartier de Brooklyn, tel qu'il le connu d'abord dans son enfance : ses souvenirs de la petite boutique de tailleur du grand-père, les odeurs des commerces de son quartier, de l'infection méphistophélique des peaux du tanneur aux effluves irrésistibles du pain frais et des pâtisseries en confection. Il se fait ainsi le témoin attristé et révolté de la métamorphose de ce décor jadis si familier. Miller se révèle, d'autre part, lui-même, en coureur de jupons, parfois violent avec les femmes, tout le temps fauché mais tout autant prodigue, régulièrement “tapeur” (on dirait gratteur de nos jours...), calculateur et, surtout, odieusement cynique (ou férocement honnête c'est selon…). Mais il sait être tendre, d'une tendresse triste à l'évocation des jours à jamais révolus de la jeunesse espiègle, naïve et généreuse; ou lorsqu'il dresse le portrait de son père, jovial et bon vivant, d'un anticléricalisme sain, qui, diminué et amenuisé par la maladie, pris d'un remord de conscience, devient dévot sur le tard, “ancien de sa congrégation”, pour finalement s'éteindre dans la vacuité laissé par le départ de son pasteur bien-aimé. L'auteur narre aussi ses débuts dans la carrière d'écrivain, la découverte enthousiasmée du mouvement Dada et du surréalisme dont il faisait, spirituellement, partie, par delà l'Atlantique, tout en ignorant, semble-t-il, son existence. Il y professe sa grande admiration pour Dostoïevski, pour Elie Faure (auteur d'une monumentale histoire de l'art) et raconte la révélation que fut Bergson par la lecture de L'évolution créatrice.

Nous avons parlé de l'écrivain comme d'un écorché vif et cet opus reflète ce tempérament. Miller éructe en une prose bien cadencée, toute sa haine (son amour blessé? sa pudeur?), toute sa rage, son indignation en dézingant le rêve américain. Il pousse sa diatribe contre la bêtise humaine, la laideur d'une société américaine absurde et frénétique, prise d'un prurit de mouvement pour n'avoir pas à penser, cannibale, gangrenée par la violence. Sa prose est un ferment de folie, une apologie du rêve en réaction contre une civilisation sans surprise omnibulée d'une obsession délétère pour la perfection.

Impossible de passer sous silence le désagrément principal de cette oeuvre.
Parfois, le texte s'enlise dans des délires de descriptions surréalistes, des élucubrations (c'est un de ses mots préférés) vides de sens, déroutants; ça en devient lassant, ça en devient presque illisible, ça défie les limites de la patience et de la bonne volonté… plusieurs fois le livre failli me tomber des mains. Et puis, acharné(e) de la cause féministe, passez votre chemin ou souffrez l'ulcère qui poindra à la lecture des récits circonstanciés et complaisants des multiples exploits et performances sexuels d'un sacré chaud lapin. Pour être honnête, j'ai plus été captivé (ou moins été dérouté?) par la lecture de Tropique du Cancer.
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