A vingt ans, il s’était rêvé écrivain, mais il serait flic toute sa vie. Même à la retraite, un flic restait un flic. C’est ce qu’il était. Où donc étaient partis ses rêves ? La plupart ne se réaliseraient jamais ; c’était ça la jeunesse, songea-t-il, des rêves, des illusions, la vie présentée comme un chatoyant mirage… une publicité clinquante vendue par une agence de voyages pour un séjour qui se révélerait très éloigné du prospectus… Et aucun bureau des réclamations en vue.
À ce rythme, la forêt pouvait disparaître en quelques jours - et Servaz pensa à ce prédateur unique qu'est l'homme, seule espèce à détruire son habitat naturel.
Comme son père avant lui, il considérait que les meilleurs livres demandent des efforts et que, plus globalement, tout ce qui est obtenu facilement est vain et sans valeur.
-A votre avis, est-ce que j’ai tout inventé ou est-ce que cette histoire est vraie, capitaine? Vous voyez: c’est ça, l’art du conteur. Faire naître cette terrible proximité qui vous fait accompagner, aimer et regretter les personnages, souffrir avec eux, se réjouir, trembler avec eux... Pourtant, ce ne sont que des mots.
Sur quoi, il se penche en avant.
-Les romanciers sont des menteurs, capitaine, ils enjolivent, ils extrapolent, ils finissent par prendre leurs mensonges pour la réalité. Mais peut-être que cette histoire que je viens de vous raconter est vraie, allez savoir.
Elles avaient commencées à le lire à douze ans.
Des romans pour adultes pleins d'une violence quasi insoutenable, de scènes choquantes et révoltantes, de meurtres, de mutilations. Ce qu'elles aimaient, c'est que les coupables s'en tiraient souvent et que les victimes n'étaient jamais complètement innocentés.
« L’empathie n’est souvent qu’une forme détournée de l'auto - apitoiement. »
Il est dangereux d'agir sans réfléchir. Mais il ne sert à rien de réfléchir sans agir.
" Ce matin là , le ciel pluvieux se déployait en nuances de gris , allant du gris perle à des nuées noires qui accouraient par l'ouest, un ciel sans miséricorde , qui ne disait que l'absence d'espoir. "
Les morts ne parlent pas. Les morts ne pensent pas. Les morts sont morts, tout simplement. Mais la seule vraie tombe, c’est l’oubli, songea-t-il.
En matière de récits policiers, cependant, il s’était arrêté aux classiques : Poe, Conan Doyle, Gaston Leroux, Chandler et Simenon, en gros. Ses auteurs favoris avaient nom, Tolstoï, Thomas Mann, Dickens, Gombrowicz, Faulkner et Balzac. Comme son père avant lui, il considérait que les meilleurs livres demandent des efforts et que, plus globalement, tout ce qui est obtenu facilement est vain et sans valeur.