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Citations sur Dojoji et autres nouvelles (46)

Les pas de Reiko résonnèrent sur l'escalier. Les marches raides de la vieille maison grinçaient. Ces craquements de bois évoquaient de tendres souvenirs et, bien souvent, de son lit il les avait attendus avec joie. A l'idée qu'il ne les écouterait plus il redoubla d'attention pour que chaque minute, chaque seconde de son temps précieux soit occupée par la douceur de ces pas sur l'escalier grinçant. Chaque instant devenait un joyau d'où rayonnait la lumière.
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Le 28 février 1936 (c'est-à-dire le troisième jour de l'Incident du 26 février), le lieutenant Shinji Takeyama du Bataillon des Transports de Konoe - bouleversé d'apprendre que ses plus proches camarades faisait partie des mutins et indigné à l'idée de voir des troupes impériales attaquer des troupes impériales - pris son sabre d'ordonnance et s'éventra rituellement dans la salle aux huit nattes de sa maison particulière, Résidence Yotsuya, sixième d'Aoba-chô. Sa femme, Reiko, suivi son exemple et se poignarda. La lettre d'adieu du lieutenant tenait en une phrase : "Vive l'armée impériale." Sa femme, après s'être excusée de précéder, en fille dénaturée, ses parents dans la tombe, terminait ainsi la sienne : "Le jour est venu qui doit nécessairement venir pour une femme de soldat..."
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Leurs espérances se lisaient clairement et honnêtement sur leurs visages, et c’était les désirs d’une humanité si vraie que n’importe qui, rencontrant les trois femmes qui avançaient dans clair de lune, serait sûrement convaincu que la lune n’aurait pas le choix, : elle reconnaitrait leur sincérité et leur accorderait leurs souhaits.
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[...] ... "Ayez la bonté de regarder par ici. Nous avons ici quelque chose d'absolument unique, tant en Orient qu'en Occident, aux temps anciens ou aux temps modernes, une armoire dont le caractère transcende tout usage ordinaire. Les objets que nous vous proposons ont tous été, sans exception, créés par des artistes qui n'avaient que mépris pour les basses idées d'utilité, mais ces créations trouvent leur raison d'être dans l'usage, mesdames et messieurs, que vous leur découvrez. Les gens ordinaires se contentent de produits standard. On achète un meuble comme on achète un animal domestique - parce qu'il convient à la situation et qu'on le voit partout. Ce qui explique l'engouement pour tables et chaises de fabrication industrielle, pour les postes de télévision, et les machines à laver.

Mais vous en revanche, mesdames et messieurs, vous avez le goût trop raffiné et trop éloigné de ce qui plaît aux masses, pour même daigner jeter un coup d'oeil à un animal domestique - je suis sûr que vous préféreriez infiniment un animal sauvage. Ce que vous avez aujourd'hui devant vous dépasse tout à fait l'entendement d'un homme ordinaire, et n'étaient la hardiesse et l'élégance de vos goûts, personne n'y ferait attention. Voici, exactement, l'animal sauvage dont nous vous parlions. ... [...]
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Il respirait avec difficulté, son cœur battait à grands coups et dans quelque profond lointain dont il pouvait à peine croire qu'il fût une part de lui-même, surgissait une effrayante, une abominable douleur, comme si le sol s’était ouvert pour laisser échapper une lave brûlante de roches en fusion. La douleur se rapprochait à une vitesse terrifiante. Le lieutenant se mordit la lèvre pour éviter un involontaire gémissement.
Le seppuku, se dit-il, est-ce cela ? On aurait dit le chaos absolu, comme si le ciel lui était tombé sur la tête, comme si l’univers, ivre, titubait.
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Dans le clair de lune même des éclats de verre brillaient - elle se demandait si ce qu'elle avait toujours voulu posséder ne ressemblait pas à des éclats de verre.

-Les sept ponts-
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Le 10 décembre était l'anniversaire de Mme Sasaki, mais elle voulait le célébrer le plus discrètement possible, elle n'avait invité chez elle pour prendre le thé que ses amies les plus proches. Se réunirent donc Mmes Yamamoto, Matsumura, Azuma et Kasuga - toutes avaient quarante-trois ans, le même âge que leur hôtesse.
Ces dames faisaient partie pour ainsi dire d'une société secrète : Ne Pas Avouer Son Age, et l'on pouvait implicitement compter qu'elles n'iraient pas raconter combien il y aurait de bougies sur le gâteau. (...)
(La perle)
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[...] ... Reiko s'assit à un demi-mètre environ du corps du lieutenant. Elle ôta le poignard de sa ceinture, regarda longuement l'acier poli de la lame qu'elle porta à sa bouche. L'acier lui sembla légèrement sucré.

Reiko ne s'attarda pas. Elle se disait qu'elle allait connaître la souffrance qui, tout à l'heure, avait ouvert un tel gouffre entre elle et son mari, que cette souffrance deviendrait une part d'elle-même et elle ne voyait là que le bonheur de pénétrer à son tour dans un domaine que son mari avait déjà fait sien. Dans le visage martyrisé de son mari, il y avait quelque chose d'inexplicable qu'elle voyait pour la première fois. Elle allait résoudre l'énigme. Reiko sentait qu'elle était capable de goûter enfin, dans leur vérité, l'amertume et la douceur du grand principe moral auquel croyait son mari. Ce qu'elle n'avait jusqu'ici perçu qu'à travers l'exemple de son mari, elle allait le goûter de sa propre bouche.

Reiko ajusta la pointe du poignard contre la naissance de sa gorge et brusquement l'enfonça. La blessure était légère. La tête en feu, les mains tremblantes, elle tira vers la droite. Un flot tiède emplit sa bouche et devant ses yeux, tout devint rouge, à travers le jaillissement du sang. Elle rassembla ses forces et s'enfonça le poignard au fond de sa gorge. [...]
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[...] ... Elles virent bientôt s'élever devant elles le pont Miyoshi, le premier des sept ponts qu'elles devaient franchir. Il était curieusement construit en i grec à cause de la fourche que faisait à cet endroit le fleuve. Les bâtiments sinistres de l'Administration centrale du District s'étalaient sur la rive opposée, et le cadran blanc de l'horloge de la tour indiquait une heure inexacte, absurde dans le noir du ciel. Le pont Miyoshi est bordé d'un parapet assez bas, et à chaque angle de la partie centrale, où se rencontrent les trois parties du pont, s'élève un lampadaire à l'ancienne mode d'où retombe un bouquet de lampes électriques. Chaque branche du bouquet porte quatre globes, mais tous n'étaient pas allumés, et ceux qui ne l'étaient pas luisaient d'une blancheur mate sous la lumière de la lune. Des essaims d'insectes voletaient autour des lampes.

L'eau du fleuve était balayée par le clair de lune.

A l'extrémité du pont, juste avant de le franchir, les jeunes femmes, conduites par Koyumi, joignirent les mains pour prier. Une faible lumière s'éteignit dans un petit bâtiment proche, d'où sortit un homme, qui venait sans doute de finir ses heures supplémentaires, et quittait son travail le dernier. Il allait fermer la porte quand il aperçut l'étrange spectacle et s'arrêta. ... [...]
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[...] ... Le 10 décembre était l'anniversaire de Mme Sasaki, mais comme elle voulait le célébrer le plus discrètement possible, elle n'avait invité chez elle pour prendre le thé que ses amies les plus proches. Se réunirent donc Mmes Yamamoto, Matsumura, Azuma et Kasuga - toutes avaient quarante-trois ans, le même âge que leur hôtesse.

Ces dames faisaient partie pour ainsi dire d'une société secrète : Ne Pas Avouer Son Age, et l'on pouvait implicitement compter qu'elles n'iraient pas raconter combien il y aurait de bougies sur le gâteau. N'avoir convié à son anniversaire que des invitées aussi sûres montrait bien la prudence habituelle de Mme Sasaki.

Pour les recevoir, Mme Sasaki mit une bague ornée d'une perle. Des diamants pour une réunions exclusivement féminine n'auraient pas été du meilleur goût. En outre, les perles allaient mieux avec la couleur de la robe qu'elle portait ce jour-là.

La réception venait juste de commencer, et Mme Sasaki s'était approchée pour vérifier une dernière fois le gâteau, lorsque la perle, mal enchâssée et qui bougeait déjà un peu, finit par échapper et tomber. Ce qui parut un accident de bien mauvais augure pour l'agrément de la réunion, mais il aurait été encore plus embarrassant que tout le monde s'en aperçût, et Mme Sasaki laissa la perle contre le rebord du grand plat qui contenait le gâteau, en décidant de s'en occuper plus tard. ... [...]
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