Je n’en peux plus des faux dieux de l’Occident toujours à l’affût comme des araignées, qui nous mangent le foie, nous sucent la moelle. Et je porte plainte contre le monde moderne, c’est lui le Monstre. Il détruit notre terre, il piétine l’âme des hommes.
La vie est une chose merveilleuse quand on peut la vivre vraiment, quand seul compte l’instant présent, comme pour les animaux.
Il n'y a plus de lune. Elle reviendra dans quelques jours, comme un sourire, timide d'abord, puis de plus en plus grande.
Le baromètre baisse mais la vie coule à un rythme normal, même quand il y a menace de coup de vent. Elle va durer encore combien de temps cette paix que j'ai trouvée en mer?
C'est toute la vie que je contemple, le soleil, les nuages, la mer, le temps qui passe et reste là. C'est aussi, parfois, cet autre monde devenu étrange que j'ai quitté depuis des siècles. Ce monde moderne artificiel où l'homme a été transformé en machine à gagner de l'argent pour assouvir de faux besoins, de fausses joies.
La navigation est un compromis entre la distance parcourue et la fatigue dépensée, tant pour l’équipage que pour le bateau. Or, la fatigue peut faire très vite boule de neige.
La lampe à pétrole luit tendrement dans la cabine, comme une étoile lointaine et toute proche ensemble. Elle donne à mon eau son poids exact, rend à toute chose sa vraie valeur.
Et c'est bien plus que le miracle de ma liberté, c'est autre chose, quelque chose que j'ai senti plusieurs fois dans mon ventre.
Vaut il mieux passer Bonne-espérance trop tôt, ou le Horn trop tard?
Mais sous les hautes latitudes, si l'homme est écrasé par le sentiment de sa petitesse, il est porté aussi, protégé, par celui de sa grandeur. C'est là, dans l'immense désert de l'Océan Austral, que je sens pleinement à quel point l'homme est à la fois un atome et un dieu.
Ciels limpides, couchers de soleil couleur de sang, couleur de vie, sur une mer qui étincelle de puissance et de lumière, et vous donne toute sa force, toute sa volonté.
Alors on sait pourquoi on continue, pourquoi on ira jusqu'au bout. Et on voudrait aller encore plus loin.
La vie est une chose merveilleuse quand on peut la vivre vraiment, quand seul compte l'instant présent, comme pour les animaux.
Je ne sais plus. C'est si facile de se tromper, et de croire alors à n'importe quoi. Et de raconter ensuite n'importe quoi.