S'il y a une parcelle de l'oeuvre de
Molière méconnue, c'est bien ces farces.
Ce qu'on cherche chez
Molière, souvent, c'est plus de la réflexion, une réflexion intelligente sur nos moeurs, le fonctionnement social et la nature humaine.
Quitte à oublier certaines farces, pourtant méritoires du grand
Molière !...
Et, en cela, les lecteurs se situent souvent dans le sillage d'une certaine tradition critique, la tradition critique du XVIIIème et du XIXème siècle ayant fixé les codes de ce qu'il faudrait lire et aimer chez
Molière : la "grande comédie", parfois sérieuse, en cinq actes, abordant des thématiques de société avec profondeur.
Quitte à oublier ou à mépriser le grand auteur de farces, l'homme du "Médecin Volant", de "
La Jalousie du Barbouillé", du "Mariage Forcé" ou de "Georges Dandin", sans doute moins profond, mais plus féroce, plus frais, plus insolent.
La fraîcheur de ces farces à l'humour parfois ravageur rappelle le théâtre d'un
Aristophane ou d'un Plaute-et a le mérite que je trouve à "
La Comédie au fantôme" ou à "Lysistra", de ces deux dramaturges.
On lit bien, certes, quelques farces, pas trop fraîches, pas trop drôles, mais globalement les farces-et surtout les plus fraîches, les plus drôles, les plus perfectionnées, les plus travaillées-sont sombrées dans l'oubli. Il faut dire, d'ailleurs, qu'il n'est pas certain, qu'au XXIème siècle, nous sachions tous apprécier la fraîcheur, les étonnantes qualités dramaturgiques de ces pièces-de même que, pensé-je, certains ne sauront pas apprécier de la même manière l'humour d'
Aristophane et de
Plaute.
Dans tous les cas, malgré la finesse et le caractère ravageur de cet humour en réalité bien fin si on y regarde de près, le rire risque de sembler gras.
Et pourtant, que ces pièces sont bien construites !... Que cet humour est drôle et ravageur !... Que la satire sociale est puissante !... Et que cette fraîcheur, qui traverse les siècles, est impressionnante !... Et, plus particulièrement, parmi les farces de
Molière, que celle-ci est réussie !... Que "Georges Dandin" est bien réussi !... Ce n'est pas sans raison que cette farce, relativement méconnue de
Molière, est l'une des plus connues, de ces farces méconnues. Non, ce n'est pas sans raison !...
Quelle belle pièce, quelle belle farce que ce Dandin, que cette pièce si typiquement farcesque et si belle et si subtile.
Pourtant, ce n'était pas forcément gagné ; car, on peut se le demander, comment créer une farce, qui a le mérite de l'originalité véritable, sur une thématique vue et revue : le mari trompé par sa femme.
C'est pourtant une réussite que ce "
George Dandin", une réussite comme on lit rarement ; et, grâce à sa fraîcheur et grâce à son humour, et grâce à ses dialogues ( quel style que celui de
Molière !... Et cet auteur a vraiment le don de faire des dialogues savoureux, hilarants, allègres, rythmés et en fait magistraux ).
De façon plus profonde, cette farce est une pièce sur les rapports entre une bourgeoisie alors peu puissante qui revendique des droits et une noblesse hautaine et méprisante vis-à-vis des classes les plus aisées du tiers-état.
Excellent à tous points de vue.