Le monde faisait penser à une ratatouille qu'une longue cuillère céleste aurait mis des semaines à touiller. Des morceaux d'Afrique et d'Asie dans les Vosges et sans doute, des éclats des Vosges tombés là-bas chez les Zoulous. Il suffisait de s'aventures jusqu'à Vittel ou Epinal pour s'en rendre compte. On voyait passer les Croates et les Slovènes enrôlés de force dans l'armée Allemande, les nègres, les Malgaches et les Indochinois qui servaient à ramasser le butin. Il y avait même des Hindous faits prisonniers à Dunkerque alors qu'ils se battaient dans l'armée anglaise et qui maintenant défilaient dans les side-cars des SS au cri de : " Angleterre dehors ! Vive l'Inde indépendante !".
Addi aimait les surprendre de jouer aux cartes ou de faire les sauvages d'Afrique avec des peintures sur le visage et des ceintures de feuilles autour des hanches. Ils s'attendaient à le voir offusqué ou blessé par leurs singeries, mais non. Ils en étaient presque déçus, ne sachant pas trop eux-mêmes s'ils faisaient ça pour tuer le temps ou tester ses nerfs. Ils se mettaient au garde-à-vous dès qu'ils le voyaient arriver."
Allez ramasser des armes au lieu de faire les marioles !"
Au début, elle devait être méfiante, intimidée, et lui, toujours si réservé qu'il donnait le sentiment à ceux qui ne le connaissaient pas qu'il les prenait de haut, qu'il faisait le nâreux comme disent les gens d'ici. Il leur fallut du temps, beaucoup de temps pour arriver à briser la glace. Dès lors, il revint tous les soirs chez elle pour broder, avaler un frichti ou tout simplement parler de la neige, de la pluie et encore de la pluie.
Nombreux sont ceux qui pensent qu'il ne s'agissait là que des maladresses d'un gamin qui se trompait d'époque; un gamin tout droit sorti des jupes de maman et qui ne savait pas que les caprices d'enfant peuvent provoquer des tragédies.