Le Presbytère, c'est l'histoire d'une famille qui vit en autarcie, quelque part à la campagne. le père, Balthazar, est médecin et il a installé son cabinet dans cet ancien presbytère où il vit avec son épouse et ses enfants. Il a l'air aimable comme ça, poli, ponctuel. C'est aussi un fou de musique classique, de clavecin en particulier. Un instrument de presbytère. Il en joue beaucoup, avec rigueur, discipline. On rigole pas beaucoup avec lui. Il est pas bavard, sauf s'il s'agit de s'écouter parler. Il a des principes, et il y tient. C'est pas tellement qu'il les impose car sa petite tribu est soumise à son autorité, naturelle l'autorité, il a pas besoin de faire de scandale pour que tout reste bien dans les clous. Il aime bien souffler le chaud et le froid quand même, surtout le froid, pour bien garder le contrôle de la situation. La situation c'est sa famille, qui se plie à ses exigences, à ses lubies, à ses principes. On parle pas mal des pervers narcissiques ces derniers temps, et je ne sais pas s'il s'agit d'une vraie définition qui a du sens auprès des psycho-praticiens ou plutôt d'un raccourci médiatique mais on est là-dedans. Balthazar, sous ses airs affables, est un manipulateur et un despote.
Comme c'est un bon catholique, quand même, il sait faire preuve de charité, ou à tout le moins montrer que c'est le cas, et il recueille chez lui un jeune gars paumé, Tanguy. Il lui apprend la musique, les bonnes manières, il l'intègre à sa famille, il le laisse jouer avec ses enfants. Tanguy est un peu plus âgé mais il aime bien les enfants. Derrière le jeu viennent les attouchements, et ça dure pendant pas mal d'années. C'est un secret. Un secret qui va finir par se savoir, sauf qu'aux yeux de Balthazar, ça sera rien de plus que des affabulations. C'est le gamin qui a un problème. Il a pas toute sa tête, faut le faire soigner. Ambiance de Villiers. Pourtant ça se passait sous son nez mais nul n'est plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. Balthazar ou le presbyte du presbytère.
J'ai eu du mal avec ce livre. Avec l'écriture en particulier, trop d'effets de manches à mon goût, d'ellipses, d'euphémismes, de métaphores, de périphrases… Ça reste allusif, ambigu, plus pas assumé que pudique. Les personnages ne se tiennent pas bien. On côtoie les enfants de leur naissance jusqu'à ce qu'ils deviennent jeunes adultes et ils restent toujours dans le même environnement, comme si le monde extérieur n'existait pas. Ou sont les cousin·es, les copains et copines de classe, les enseignants ? Difficile de rendre le huis-clos réaliste quand il s'étend pendant autant d'années.
Pour autant, Monnier met le doigt sur plein de choses intéressantes : le tabou des parents manipulateurs, qui derrière un masque social apparemment tout à fait fonctionnel peuvent s'avérer maltraitants ; la maltraitance comme comportement subtil, distillée dans le quotidien, banalisée, et qui n'en reste pas moins dysfonctionnelle et destructrice ; la carence affective et le manque d'expression d'amour inconditionnel ; l'immaturité émotionnelle d'un adulte derrière le prestige et la respectabilité de ses fonctions ; la loi du silence dans des familles qui traitent les victimes en mythomanes. Dérangeant et salutaire à la fois. Je regrette que le traité tende à véhiculer davantage d'ennui que d'éveil et que l'écriture toute en sous-entendus et en ellipses peine à porter le discours.
Lien :
https://www.ramona-lisa-read..