Le Hasard et la Nécessité

Ayant redécouvert par hasard un vieil exemplaire de cet ouvrage, j'ai voulu le relire. J'en avais gardé un souvenir ébloui. Je l'avais lu à l'adolescence, probablement vers la fin des année 70. A la relecture j'ai retrouvé la plume lisible et claire de Jacques Monod qui a un vrai talent de vulgarisateur scientifique. La plupart des connaissances biologiques dont il parle était à l'époque peu, voire pas du tout connues du grand public. Il a su les rendre tout à fait accessible. L'auteur a la conviction « que la vie et l'évolution sont dépourvus d'un but ultime » et cherche à démontrer que la nature est objective et sans projet, que l'on retrouve dans le vivant, à l'échelle microscopique, des facteurs de régularité et de répétition comme dans les objets artificiels. Son raisonnement m'avait paru éblouissant à l'époque. C'est sur ce point que j'ai été fortement déçue au point d'abandonner ma relecture, même si je partage son point de vue. Son raisonnement philosophique m'a paru fortement affaibli par des exemples pas très bien choisis (en plus il m'a semblé qu'il n'était souvent pas très difficile de trouver mieux). du coup cet essai m' a semblé bien moins fort et percutant que dans mon souvenir. Quel dommage !

EST-CE QUE DIEU JOUE AUX DÉS ?
Démocrite (400 AD) « Tout ce qui existe dans l'univers est le fruit du hasard et de la nécessité »
Monod, Coprix Nobel de biologie en
1965, a découvert un principe qui va bientôt nous sauver la vie : l'ARN messager.
Dans ce traité publié en 1970, il nous explique sa vision de l'ontogénèse moléculaire. J'y ai relevé quelques notions qui m'ont parues intéressantes à titre personnel :
-La nature est invariante mais s'adapte à la nécessité par le biais des erreurs hasardeuses de la transcription génétique dont les mieux adaptées seront sélectionnées par les nécessités de la nature. À noter que cinquante ans plus tard, les chercheurs attachent de l'importance à l'influence du milieu extérieur sur le rôle des gènes (facilitateurs ou répresseurs) qui pourraient secondairement influer sur la transmission du patrimoine génétique.
-Alors que le deuxième principe de la thermodynamique édicte le principe d'entropie, la synthèse moléculaire est une néguentropie car elle va au contraire vers l'organisation des molécules.
-Par l'universalité même du code génétique, la vie apparaît comme le produit d'un événement unique. Il est possible qu'elle soit apparue une seule fois sur terre, et que par conséquent, avant qu'elle ne fut, ses chances d'être étaient quasi nulles.
- L'oeuf ou la poule : le code génétique ne peut être traduit que par des produits de traduction. Quel a été le commencement ?
- le dernier chapitre, plus philosophique, est contestable : l'intelligence est un facteur de succès dans les sociétés modernes mais de succès personnel et non génétique, le seul qui compte pour l'évolution. Bien au contraire, il existe une corrélation négative entre le QI et le nombre moyen d'enfants par couple. En revanche la corrélation de l'intelligence est positive entre époux. Cette situation risque de diminuer en valeur relative le potentiel génétique le plus élevé. Nous sommes donc devenu actuellement dans une situation de non sélection génétique pour l'espèce humaine. Mais... l'intelligence est elle programmée génétiquement ?
Au total, un traité de biologie assez technique mais novateur qui témoigne d'un grand pas de la génétique après la découverte de la double hélice d'ADN.

L'optimisme de l'auteur quant à son réductionnisme est très visible pour le lecteur d'aujourd'hui. le livre est assez bien pensé et les concepts évoqués sont généralement assez pertinents. Réflexion intéressante sur la téléonomie.