Citations sur Lettres Persanes (234)
Un usurpateur déclare rebelles tous ceux qui n'ont point opprimé la patrie comme lui, et, croyant qu'il n'y a pas de lois là où il ne voit point de juges, il fait révérer comme des arrêts du Ciel les caprices du hasard et de la fortune.
Ainsi les Français sont dans un état bien violent : car les mêmes lois de l'honneur obligent un honnête homme de se venger quand il a été offensé ; mais, d'un autre côté, la justice le punit des plus cruelles peines lorsqu' il se venge. Si l'on suit les lois de l'honneur, on périt sur un échafaud ; si l'on suit celles de la justice, on est banni pour jamais de la société des hommes. Il n'y a donc que cette cruelle alternative, ou de mourir, ou d'être indigne de vivre.
On s'est aperçu que le zèle pour les progrès de la religion est différent de l'attachement qu'on doit avoir pour elle, et que, pour l'aimer et l'observer, il n'est pas nécessaire de haïr et de persécuter ceux qui ne l'observent pas.
Mon cher Usbek, quand je vois des hommes qui rampent sur un atome, c'est-à-dire la terre, qui n'est qu'un point de l'univers, se proposer directement pour modèles de la Providence, je ne sais comment accorder tant d'extravagance avec tant de petitesse.
L'action ne fait pas le crime c'est la connaissance de celui qui la commet: celui qui fait un mal, tandis qu'il peut croire que ce n'en est pas un, est en sûreté de conscience et comme il y a un nombre infini d'actions équivoques, un casuiste peut leur donner un degré de bonté qu'elles n'ont point, en les déclarant bonnes [...]
Les Moscovites ne peuvent point sortir de l'Empire, fût-ce pour voyager . Ainsi, séparés des autres nations par les lois du pays, ils ont conservé leurs anciennes coutumes avec d'autant plus d' attachement qu' ils ne croyaient pas qu'il fut possible d'en avoir d'autres. Mais le prince qui règne à présent a voulu tout changer : il a eu de grands démêlés avec eux au sujet de leur barbe; le clergé et les moines n'ont pas moins combattu en faveur de leur ignorance.
A quoi servent les cérémonies, et tout l'attirail lugubre qu' on fait paraître à un mourant dans ses derniers moments, les larmes mêmes de sa famille et la douleur de ses amis, qu'à lui exagérer la perte qu'il va faire?
Nous sommes si aveugles que nous ne savons quand nous devons nous affliger ou nous réjouir : nous n'avons presque jamais que de fausses tristesses ou de fausses joies.
Il me semble que les choses ne sont en elles-mêmes ni pures ni impures : je ne puis concevoir aucune qualité inhérente au sujet qui puisse les rendre telles. La boue ne nous paraît sale que parce qu' elle blesse notre vue ou quelque autre de nos sens; mais, en elle-même, elle ne l'est pas plus que l'or et les diamants. [...] Si les corps de ceux qui ne se lavent point ne blessaient ni l'odorat ni la vue, comment aurait-on pu s'imaginer qu'ils fussent impurs ?
Ils leur représentaient sans cesse les malheurs de leurs compatriotes et leur mettaient devant les yeux cet exemple si triste; ils leur faisaient surtout sentir que l'intérêt des particuliers se trouve toujours dans l'intérêt commun: que vouloir s'en séparer, c'est vouloir se perdre : que la vertu n'est point une chose qui doive nous coûter : qu'il ne faut point la regarder comme un exercice pénible ; et que la justice pour autrui est une charité pour nous.
L'auteur s'est donné l'avantage de pouvoir joindre de la philosophie, de la politique et de la morale, à un roman et de lier le tout par une chaîne secrète, et en quelque façon inconnue.