Au fond, je suis un beurre mou sans le moindre grain de sel. Une pâte onctueuse qui s’étalerait sur n’importe quel cœur. Assoiffé d’affection et de câlins à tel point que je serre encore Larry, mon lapin en peluche bleu et blanc, toutes les nuits avant de le planquer sous mon matelas au réveil. Mais je prétends être le dernier des connards. Snob, méprisant, railleur. Je flippe trop qu’on devine à quel point je ramollirais si on s’attachait à moi.
Et quel amour insurpassable, que de dissimuler son affection pour que jamais l’autre ne souffre… Il doit sacrément m’aimer pour me refuser son amour. Le savoir m’aide à m’en détacher.
Papa m’a tout appris. Dans ce basmonde on n’aime pas, on possède. Amour c’est un mot qu’il abhorre. Il le trouve laid, désagréable à l’oreille. Sa musique à deux notes, le son de ces deux syllabes accolées. Le visuel de ces cinq lettres se tenant la main. Le sucre qu’il sécrète. Il est tartiné d’un miel dont l’odeur donne d’emblée le diabète. Ces niaiseries, c’est pas pour lui. Et il m’a formé à m’en défaire. À supprimer ce sentiment faiblard juste bon à vendre du dessin animé, du film hollywoodien, et du soap opéra. « N’aime jamais rien dans ce monde, fiston. C’est la plus grande faiblesse des hommes, que d’aimer. Si tu n’aimes pas, tu as déjà gagné. »