Carolina Reaper

On ne connaît jamais personne avant d’avoir vécu avec.

Je pense à cette lettre d’acceptation et plonge mon visage dans sa caverne lubrifiée. Mes mains sous ses fesses lourdes et basses, je pousse son sexe fort contre ma bouche. J’avale ce qu’elle m’offre et lèche avec la langue tout entière. Ses cuisses dodues en sueur humidifient mes joues en se fermant derrière ma nuque. Verrouillées.

Parce que jamais je ne ferai entrer une queue en moi. Je ne mets même pas de tampons. Ils n’ont été créés que pour apprendre aux gamines à se faire pénétrer. À bien les habituer. Je préfère saigner dans ma culotte, plutôt que d’accueillir l’ennemi cylindrique. Si ça vient d’un homme, que c’est pensé par un homme, que ça ressemble à un homme, ça m’est automatiquement toxique.

Au lycée, elle est de ces filles à travers lesquelles on passe sans le savoir. Ces filles sans couleurs qui se fondent dans les couloirs. Mais moi je l’avais remarquée, même muette et invisible. Je sentais le bruit et la couleur à l’intérieur. Tout ce boucan qui en crevait de s’échapper…
Le problème entre nous, c’est le malaise quand on baise. Ou l’absence de baise. On n’a que seize ans, mais tout le monde baise déjà à seize ans…

Blythe n’est pas une beauté foudroyante mais lorsque le regard s’accroche, il ne retombe pas. Des cheveux roux volume explosif, bouclés mais pas frisés. Une bouche qui sent la framboise en permanence, lèvres foncées jamais gercées. Une tache de naissance écarlate sur la joue droite. Des yeux marron qui se marrent même quand sa bouche ne dit rien. Elle est sexy parce qu’imparfaite, bourrée de détails inesthétiques qui renforcent son esthétisme. Des hic qui lui donnent un certain genre. Comme ses sourcils mal dessinés dont la queue claire a l’air d’avoir été tracée au crayon à papier puis gommée. Ou les ridules précoces en parenthèses aux coins de ses yeux manquant de cils. Et puis ce nez qui de profil exhibe une bosse. Pas forcément belle, mais assez intéressante pour m’intéresser. Et puis elle est brillante. Pas autant que moi, ça va sans dire. Mais là encore, suffisamment pour que je puisse la respecter.

J’ai toujours depuis que je la connais, un sentiment de malaise en m’adressant à cette femme. Nous le savons toutes les deux, Lee Dale vaut bien mieux que moi. Elle est plus intelligente, plus respectable, plus cultivée.

C’est une veuve noire. Espèce venimeuse qui déclenche de sérieuses fièvres et pire, lorsqu’elle décide de planter son venin dans un muscle humain. Je la regarde sans vraiment la regarder, un peu stone, un peu ivre, un peu sonnée. Je suis sa trajectoire et essaie de la guider vers la grosse main de Church, posée à plat sur la table. Je lui envoie des signaux mentaux. « Allez… C’est par là… » Je la guide à la force de mon énergie mais cette sotte ne reçoit pas mes ondes. Elle se promène sur le rebord d’une assiette de homard et redescend pour aller se cacher sous le bol de soupe d’Efren. Pourtant j’essaie. Je serre mes neurones si fort que du jus en coulerait. Je voudrais que cette veuve noire sorte de sous ce bol, et se dirige en ligne droite jusqu’en face. Jusqu’à cette main à peau rugueuse et ongles manucurés.

Il a cet air apaisé, yeux tout sourire qui vous lanceraient un clin d’œil sans y penser. Ses tempes argent sont délibérément épargnées par la teinture foncée rajeunissant le reste de la chevelure. J’aime sa manière de rire pudiquement en inclinant la tête vers son épaule, comme un écolier qui ne veut pas se faire attraper par le prof en train de pouffer. C’est un grand type qui a un visage de grand type. On devine sa taille sans le voir debout. Quand bien même ses épaules et ses bras seraient cachés, on ne l’imaginerait pas en dessous du mètre quatre-vingt-dix.

De toute façon, le passé ne se répare pas. Il se range quelque part et fait semblant d’être silencieux.

Non… On ne cesse jamais d’être un enfant. Il n’y a que la composition de la peau qui mute et s’épaissit. Que les os qui s’allongent puis s’affaiblissent. Mais l’Adulte est une utopie. Un concept. Un individu de légende qui n’existe nulle part. Nous ne sommes tous jamais que des enfants vieillissants. Des mioches ridés avec cannes et dentiers. Moi peut-être encore plus que les autres, parce que les gamins blessés ne font vraiment que régresser. Peut-être pour plus vite retourner d’où ils viennent et pouvoir tout recommencer. Je ne comprends pas grand-chose à la vie, ni à ce monde, ni même aux gens, idiote finie que je suis, mais c’est bien la seule chose dont je sois sûre.