« On entend souvent les gens poser cette question éculée : « Pourquoi les femmes battues ne partent pas ? » Comme si la femme battue était un modèle robot. Une race de chien. Une sorte de fruit. Pourquoi les pommes noircissent une fois coupées en deux ? Pourquoi les femmes battues ne partent pas ? Comme s’il y avait une réponse universelle. Une explication évidente qu’on trouverait en tapant cette question sur Google.
Il n’y a pas de réponse à cette question parce que La femme battue n’existe pas. Il y a Des femmes. Qui se font battre. »
Haïr quelqu'un c'est lui offrir le privilège d'exister en soi. C'est lui préparer un siège et en chauffer le cuir pour bien l'accueillir. C'est avoir la certitude de toujours le trouveras là où on l'a rangé. A sa place. Dans son crâne et dans son coeur. Dans un nid douillet parfumé au fiel .
Cette maison, elle sentira mauvais jusqu'à ce que d'autres y mettent de meilleurs souvenirs. Moi je n'ai pas le talent de les collectionner.
Pourtant j'ai celui de ne pas arrêter d'essayer.
On peut naître sociopathe, mais la pathologie ne fait pas d'emblée de vous un monstre. Il y a un terrain. Et lorsqu'il est particulièrement bien cultivé, parfois des plantes poussent.
Mais parfois, aucune graine ne suffit à faire apparaître une quelconque flore.
Il ne peut pas y avoir que des esprits vifs, des Vermeer, des Isaac Newton, des Aristote ! Si ce monde n'était peuplé que de génies absolus, que nous n'étions tous que des prodigues inouïs, personne ne surpasserait personne... Le niveau humain serait une ligne droite horizontale, égal pour tous. Les génies en deviendraient sans intérêt. Puisqu'ils seraient la norme... Alors bénissons ces retardés et remercions-les d'exister.
Plus j'y songeais, plus la haine s'installait dans mon intérieur. Ma haine qui il fut un temps, n'était qu'un jardin sans aucune plante. Par sa faute, je l'ai tant abreuvée qu'elle a fait fleurir des champs entiers. Chaque fois que je croisais les yeux satisfaits de Church, ma végétation intérieure s'agitait. Elle devenait plus luxuriante.
Quelle incroyable torture que de vivre avec des sentiments… parfois je me dis que les robots ont la belle vie. Les objets aussi. Épargnés de conscience et d’émotions. Tout ce bouillon de sensations aux commandes de notre corps dont on ne sera jamais maître et qui n’existent que pour nous faire vaciller…
Mais rien n'empêche de haïr l'homme qu'on vénère. De le vouloir mort, pieds ballants, nuque brisée par une corde atta-
chée à la branche d'un arbre. […] Les sentiments n'existent pas pour faire sens. Ils sont l'exact inverse.
L'illogisme dans sa forme la plus pure.
Elle se rend tout d’un coup compte qu’elle s’est laissée aller devant quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. Ou pas tant que ça. Pour une femme qui contrôle jusqu’à ses moindres expirations en public, c’est un affront. Je sens que sa pudeur en est secouée.
La gamine me regarde sans me regarder, regard récuré de toute humanité. Elle mâchouille sa langue comme une petite vieille et se gratte le bide en se dandinant.