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Critique de JulienDjeuks


Portrait en mouvement d'un homme que serait en plein accord avec le rythme effréné de la modernité, le personnage de Pierre provoque, par son impatience devant la disfonctionnalité du monde, des scènes hilarantes comme la chaîne des trois taxis hélés par lui, par son domestique et par le concierge (n'ayant pu attendre ceux qu'il avait fait commander par l'un puis par l'autre) ; la visite au pas de course de l'immense musée du Louvre avec semée de ses trois accompagnatrices (sa femme et ses soeurs, abandonnant tour à tour, épuisées) ; les restaurants où le personnage va se servir lui-même et où il commence le repas par le fruit ; les carnages dans le jardinet (les plantes asphyxiées à l'engrais) ; les techniques de pointe américaines pour faire accoucher sa femme en 7 mois seulement... Seulement, dans le passage à l'acte, il décidera d'être lent. Faut-il croire que le rythme moderne nous rend ridicule et impuissant ? le motif de l'homme pressé permet à Morand de formidables effets de style qui rappellent par certains emportements ceux de Céline. le tableau caricatural n'est ni pitoyable, ni cruel, simplement drôle et solide, exagéré mais vraisemblable, dans les manies du personnage.

On peut voir le roman comme une comédie de moeurs à la façon de Molière (ou La Bruyère) critiquant un défaut de caractère en l'incarnant dans un personnage. Mais si Morand fait rire de l'absurdité des situations qui résultent du comportement de son personnage, il ne le condamne pas moralement : c'est un peu comme si celui-ci était juste un cobaye, un homme qui bien volontiers essayerait de se plier à la vitesse que voudrait nous imposer ce nouveau monde, comme une expérience pour montrer que l'homme n'est pas fait pour cela (selon les principes du Roman expérimental de Zola - on pose un personnage avec un profil donné dans un contexte donné et on écrit ce qui va logiquement se passer). La vitesse et le gain de temps ne sont pas ici liés à l'argent, mais plutôt à une obsession d'être en phase avec le monde, l'innovation, les progrès techniques… On rejoint là certaines considérations de Günther Anders dans L'Obsolescence de l'Homme, sur la honte de l'homme devant la perfection des machines, l'inadaptation de l'homme face à l'emballement technologique (ayant toujours un train de retard et ne pouvant donc que se sentir défaillant), la question de savoir si un progrès est désirable ou non quant aux changements qu'il va provoquer dans les modes de vie... si il est désirable ou non que l'homme s'adapte à ce monde de vitesse et d'innovation technologique.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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