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sur 179 notes
Ce livre, je l'ai acheté il y a vingt ans.
Bien trop pressé par la vie, je n'ai jamais pris le temps de le lire.
Je le savais présent dans ma bibliothèque et je pensais en connaitre le dénouement tragique par le film du même nom incarnés par Alain Delon dans le rôle de Pierre et de Mireille Darc dans celui d'Hedwige en 1977.

Superstitieux autant qu'imbécile, je le gardais précieusement comme une amulette de papier qui m'éviterait peut-être la déchéance fatale du héros me conduisant fréquemment comme un dératé dans ma vie professionnelle tout en restant, au contraire de Pierre, beaucoup plus civilisé dans ma vie personnelle.

La course effrénée de ma vie ayant atteint son apogée sans encombre et puisque la retraite a sonné au clocher du déclin j'ai donc pu rencontrer ce roman que la peur m'empêchait de braver, trop anxieux d'en percevoir l'issue que je redoutais.

Paul Morand, Académicien français, diplomate a un parcours analogue à Pierre Benoit que j'affectionne particulièrement. Ecrit dans les années 40, les phrases sont alertes autant que solennelles et pompeuses parfois, allant de la punch-line aux diatribes antisémite et misogyne.

« Il est encore plus doux de caresser des projets que de caresser une femme. »

Pierre, antiquaire spécialiste de la haute époque est un homme épuisant que la passion dévore. Exaspérant pour son entourage, il ne reste pas en place, achète, vend, court plus qu'il ne marche, séduit sans aimer, jusqu'au jour où il tombe éperdument amoureux d'Hedwige.

Mais Pierre massacre inutilement tout, les choses, les gens, l'amour…
Cet homme n'accepte pas l'idée qu'une grossesse puisse durer 9 mois ! Que dire de plus édifiant.

« Je n'existe pas, je préexiste ; je suis un homme antidaté ; non, je ne suis pas un homme, je suis un moment ! »

Ce roman m'a plu comme un exorcisme. Bien sûr, je n'ai jamais vécu cette folle épopée, mais je m'étais bêtement identifié à Delon (pas physiquement, restons simple !) dans le film.
C'est fini Pierre est mort, je l'ai tué. J'ai été plus rapide que lui.

« On ne va vite qu'au ras du sol. Dès que je prends du recul pour regarder ma vieille planète, elle me parait morte. La vitesse c'est un mot inventé par le ver de terre. »

Alors je rampe !
Et maintenant que vais-je faire de tout ce temps que sera ma vie ? Hihihi.

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Pierre est un homme pressé, il veut être arrivé avant même d'être parti. Il ne marche pas, il court, lancé à telle allure sur les routes qu'il frôle en permanence l'accident mortel. Antiquaire, il vole à travers le monde pour acheter un objet qui l'intéresse. Jusqu'au jour où il rencontre Hedwidge qui lambine, paressant des jours entiers entre sa mère alitée et ses deux soeurs...

De l'excès de vitesse ou de la lenteur, qui aura le dernier mot ? Resistera t-il à l'attente nécessaire au murissement de l'amour, à la gestation de l'enfant ? Prendra t-il le temps de ralentir pour préserver sa santé ? S'occuper des siens ?
Leçon de vie, leçon de sagesse : la hâte tue, elle empêche de profiter de la vie, elle use l'organisme, elle détraque la nature.
Ce roman écrit en 1941 est très actuel. La vitesse, maladie de notre temps, sème la mort sur son passage : agitation permanente, accidents, crises cardiaques, destruction des rythmes naturels...Comme Pierre ne courrons-nous pas vers notre propre destruction à force de vouloir produire toujours plus, toujours plus vite, pour consommer toujours plus (et toujours plus mal), jetant des tonnes de déchets pour retourner nous précipiter dans nos fast-food et nos supermarchés ?
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L'homme pressé, un symbole de notre époque ? Il n'y faut pas penser. Écrit pendant la guerre, entre 1940 et 1941, ce roman évoque le Blitzkrieg, fait le portrait d'un juif aux manières enveloppantes et au nez reconnaissable, et imagine un gynécée créole forcément languide. Pour autant, Paul Morand lorgne du côté du grand siècle. Il se veut moraliste et prétend concurrencer La Bruyère ou Molière. Son personnage est un type immuable, confronté à toutes les situations susceptibles de faire ressortir son vice. Il achète une maison en 2 heures, fait le plein de sa voiture tout en roulant (!), et propose à sa femme enceinte d'écourter sa grossesse. Pourquoi est-il ainsi? On ne sait. Quelques siècles plus tôt, il aurait fait crever ses chevaux sous lui: l'époque importe peu. Et c'est sans doute ce qui fait le charme de cette oeuvre anodine: d'avoir voulu graver dans le marbre un homme qui jamais ne s'arrête, et de pasticher les auteurs classiques pour imaginer ce qui deviendra la plus contemporaine des addictions: la passion de l'urgence.
Et bien sûr, c'est plus ou moins là que le héros finira (aux urgences).
Tandis que Morand évitera la dépression en devenant immortel.
L'Académie, bonne fille, reconnaît ses classiques, quoique antisémites.
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Pierre Niox est un homme pressé. On pourrait même dire qu'il cristallise en lui cette urgence et mérite amplement de remplacer l'article indéfini par son alter-ego défini. Antiquaire parisien, il parcourt le monde à la recherche de minuscules objets datant de l'antiquité ou au plus du haut Moyen-Age. Mais il ne lambine pas, il court, court et ne sait pas s'arrêter … En visite, il est bien souvent au milieu de la pièce alors que la sonnette d'entrée vient tout juste de retentir. Pour s'habiller, il se chronomètre pour améliorer son temps dans des gesticulations et une célérité qui n'auraient rien à envier au célèbre artiste Arturo Brachetti… En tout, il faut donc gagner du temps : il faut donc conduire vite, manger tous les plats en même temps au restaurant et ne pas perdre de temps dans des tâches aussi dispendieuses que la lessive, le rangement. Comme vous pouvez l'imaginer, cet empressement déborde sur sa vie sociale et amoureuse. Comme par hasard, son entourage se révèle être lent ou au mieux posé, ce qui suscite un ouragan d'impatience et d'exaspération de la part de Pierre Niox. La plupart n'y résiste pas : Niox agit comme une force centrifuge qui rejette loin tout ceux qui pourrait ou souhaiteraient interagir avec lui …. Et sa vie sentimentale ne fait pas exception, bien au contraire ! Ainsi il demande la main de sa future femme dès le premier soir et ne reprend contact avant des semaines. Une fois mariée, sa femme en attente des joies promises de l'alcôve se réveille quelque peu désenchantée par le trop grand empressement de son mari. Une fois enceinte, Pierre souhaite à tout prix connaître le sexe de l'enfant et même déclencher l'accouchement car il trouve que cet enfant ne vient pas assez vite.
Proche de la caricature, ce portrait de l'homme pressé se révèle au final assez amusant avec un style riche comme toute oeuvre littéraire se le devait à l'époque. J'ai tout de même ressenti un léger fléchissement an milieu de ma lecture : le cycle des situations où l'homme pressé passait comme un ouragan déjà bien établi, j'ai apprécié lorsque le récit s'est infléchi sur sa vie maritale et surtout ses réactions de futur père.
La fin en soi est assez prévisible et se donne au final des allures de conte philosophique
Morand a été l'un de ceux qui a exercé une certaine influence sur le groupe des Hussards. Ayant lu dernièrement Les enfants tristes de Roger Nimier, figure de proue du mouvement et émule de Morand, on ne peut s'empêcher de comparer les deux ouvrages. Chacun porte des thèmes comme la vitesse, la vie bourgeoise, l'attractivité de l'Amérique, le cynisme … Morand a écrit son roman en 41 et Nimier en 51. Si Morand donne à son roman des allures quasi comiques et ironiques, Nimier, comme le titre de roman le laisse imaginer, ne joue pas du tout dans ce registre et a produit une oeuvre bien plus cynique. Au final, les deux auteurs arrivent au même constat, démontrant qu'une vie où obtenir plus, aller plus vite, plus loin, plus haut ne mène qu'à l'échec, à la déception : … Si le héros de Morand s'éteint comme une chandelle qu'on aurait oublié d'éteindre, d'avoir trop consommé, celui de Nimier finit sa trajectoire en pleine vitesse dans un accident de voiture… Nimier pousse le propos plus loin : cette vie trépidante vous consume de l'intérieur comme chez Morand mais elle n'est aussi et surtout qu'une illusion dévastatrice. Chez Morand, la vitesse semble intimement reliée à Niox qui ne peut ni ne veut y échapper alors que chez Nimier, on cherche à s'y perdre et à repousser ses limites …
Pour compléter la filiation, il me faudra lire Chardonne … Et comme Sagan (du moins Françoise, pour Carl, c'est déjà dans la PAL) explore des thèmes proches à ces deux auteurs, il serait intéressant d'y voir cette expression sous la plume d'une femme.
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Il y a peu j'ai eu envie de relire l'Homme pressé de Paul Morand que j'avais beaucoup aimé plus jeune. C'est vrai le style, le brillant etc...Et puis après avoir lu quelques dizaines de pages je tombe sur l'horrible description d'un juif. Cela m'a interpelé. Je ne suis pas adepte de la censure du passé, je sais qu'il faut séparer l'homme et l'oeuvre. Mais bon j'ai regardé la date de parution, 1941...Et là je me suis dit que je n'avais plus vraiment envie de continuer. J'y reviendrai peut-être un jour, mais je vais attendre un peu. Se dire que le livre est contemporain de mesures antijuives, de la Shoah par balle...Se moquer des juifs alors que dans la France de l'époque, ils étaient persécutés, et que l' on était au bord du drame absolu...C'est quand même bien dégueulasse. Non je ne veux pas mettre ses livres au pilori (d'ailleurs c'était pas des potes à Morand ça pendant la guerre ?), mais je vais laisser passer un bon moment !
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Quelle drôle d'histoire!!
J'ai été tentée d'abandonner au début puis ,petit à petit ,je suis entrée dans l'écriture stylée , bondissante ,et aussi rapide que le héros de ce roman.
Drôle de type que ce Pierre Nioxe qui ne vit pas sa vie il la court! Ne tient pas en place ,n'a plus d'amis,ne dort pratiquement jamais car c'est une perte de temps!
Il va toujours plus vite plus vite jusqu'au jour où il va rencontrer une femme:Hedwige de Boisrosė ,créole ,qui elle ,est toute indolente ,et toute sagesse.
Pierre va consentir à ralentir quelque peu son rythme de vie.Apprenant qu'il va être papa,il " ronge son frein " 9 mois c'est long à attendre! Il ira jusqu'à demander à Hedwige de se faire accoucher deux mois avant terme par un médecin de sa connaissance qui est d' accord!! Horrifiée Hedwidge s'enfuit rejoindre sa " tribu" ( sa mère et ses deux soeurs qui vivent ensemble) ,Pierre quant à lui ,part pour les Etats-Unis
Il va se surpasser dans la vitesse et c'est à un rythme effréné qu'il visite de nombreux sites,tout en vendant ses antiquités car j'ai oublié de vous dire que Pierre est antiquaire et qu'il en vit même très bien et puis , de retour à Paris mais chut ,je ne vous dévoile pas la fin......
C'est un conte , une fable ou plutôt une satire de l'époque où le dieu s'appelait vitesse: que dirait Paul Morand à l'ère d'aujourd'hui ??
J'ai aimé car cette histoire sur fond de morale est originale et si le début manque un peu de saveur j'ai été prise à vitesse grand V par la vie vécue au grand galop de ce Pierre Nioxe. A conseiller.⭐⭐⭐⭐
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Pierre est antiquaire et vit à cent à l'heure. Chacun de ses gestes est étudié dans le but de gagner du temps, il met ses chaussures tout en nouant sa cravate et a banni les pantalons à boutons pour ceux à fermeture Eclair. Il court, toujours, sans que lui-même ne sache trop pourquoi et finalement sa fébrilité maladive ne lui apportera que tourments. D'abord par son ami et bras droit Placide qui l'abandonnera fatigué par l'énergie vide de sens de Pierre, ensuite quand rencontrant l'Amour avec Hedwige, malgré ses efforts pour adopter un rythme de vie « normal » il ne pourra contenir sa nature, allant jusqu'à demander à sa femme enceinte, de consulter la Médecine pour accélérer de trois mois la naissance de leur enfant, tant son impatience est grande. Bien sûr, sa femme finira par s'éloigner de ce mari invivable. L'issue est prévisible, Pierre dans sa course avec le Temps n'a aucune chance de remporter le challenge et la Mort viendra lui rappeler par une première crise cardiaque non fatale « que la moralité de cette histoire, montre l'Impatient plus souvent puni que récompensé ». Ecrit en 1940 ce roman est étonnamment très moderne et stigmatise certains travers de notre époque avec style en ponctuant le texte de quelques mots rares (séton, ménade, déhiscent etc.). Un très bon roman qui donna lieu en son temps à une adaptation cinématographique très quelconque avec Alain Delon.
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Paul Morand a la plume des Quarante : le sujet de l'homme pressé incarné par Pierre Noix est parfaitement maîtrisé. On le lit comme un essai parabolique sur le temps, la vie, l'action, l'amour, la mort et les (re)générations...

Quand on ne sait prendre le temps, où court-on si vite ? Ailleurs qu'à sa perte ? Paul Morand répond à cette question que nous tous - sauf si nous sommes de belles filles martiniquaises connues pour être languissantes à souhait (mdr) - nous tous emportés par le tourbillon de la vie, ignorons allégrement le présent jusqu'à ce que le futur ne soit plus une route pour nos fuites en avant.

L'écriture de l'académicien parvient à montrer les changements de vitesses, les calages et redémarrages d'une vie trop rythmée subito, subito ! L'homme pressé est drôle, attendrissant, dépaysant, rafraîchissant mais bien aussi tragique. En un tour de main, ce roman devient une leçon de vie. Je recommande !
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le patient use toujours l'impatient !
à la lecture de la 4ème de couv., j'ai été tout de suite attiré :
"Pierre gâche tout, l'amitié, l'amour, la paternité, par sa hâte fébrile à précipiter le temps. A cette allure vertigineuse, il ne goûte plus ce qui fait le prix de la vie, ni les moments d'intimité que sa femme Hedwige lui ménage, ni la poésie des choses. Il se consume et consume les siens en fonçant vers un but qu'il renouvelle, chaque fois qu'il l'atteint ..."
bien sûr le choix d'un livre, de l'aimer ou pas; il y a toujours un peu de soi là dedans. la lecture même de ce livre nous fait prendre le train en route, aller vite, descendre du train, partir - revenir jusqu'à la prochaine page qui fera tourner l'autre encore et encore; alors drôle ou burlesque mais tragique !
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Je ne connaissais Morand que de nom et ne me souvenais pas d'avoir lu un livre de sa plume, très décriée par les bien-pensants qui ont toujours préféré les crapuleries de Sartre au génie de Camus. Ayant noté cette oeuvre dans le pavé “1001 livres à lire avant de mourir”, j'ai remplacé mon étonnement par de la curiosité. Bien m'en a pris. La première impression, immédiate, c'est le style, étonnant. Un régal de maniement de notre belle langue agrémentée de la richesse du vocabulaire, richesse passée de mode, par ignorance de nos rebouteux de la chose écrite. Une belle pratique du zeugme que ne renierai pas les membres de l'Oulipo, pourtant pas du même bord de la Seine ni d'ailleurs. L'idée, support du livre, va jusqu'à son logique achèvement. Il n'y a pas que le personnage qui est pressé, la faucheuse aussi. Au-delà de la peinture des moeurs de l'époque de la bourgeoisie oisive, assez vieillie, on goute un délicat fumet d'un autre temps.
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