Roche Limit, tome 2 : Clandestiny

Ce tome correspond à la deuxième saison de la série Roche Limit : il faut donc avoir lu le premier tome avant Roche Limit Volume 1. Il regroupe les 5 épisodes de la deuxième saison, initialement parus en 2015, écrits par Michael Moreci, dessinés et encrés par Kyle Charles et mis en couleurs par Matt Bataglia. Cette série se termine avec une troisième saison : Roche Limit Volume 3: Monadic.

Quelques jours plus tard, sur la planète Roche Limit, le commandant Elbus s'adresse à la docteure Sasha Leonard en lui disant qu'elle a perdu l'esprit : ça ne sert à rien qu'elle reste sur cette planète. Elle insiste : les autres doivent repartir et avertir la Terre du danger. Elbus ne sait même pas qui avertir car leur employeur leur a menti depuis le départ. Elle lui répond qu'elle doit rester pour tuer le monstre et elle sait exactement ce qu'il est réellement. Au temps présent du récit, Sasha regarde le dernier enregistrement vidéo de sa fille et de son époux : il date de deux ans, sept mois et quatre jours. L'ordinateur du vaisseau lui demande s'il doit l'effacer : elle répond que non, en ravalant quelques larmes. Elle est interrompue par le commandant Elbus qui l'informe qu'ils sont en approche de la planète et qu'il est temps d'aller en informer l'équipe, si tant est que cette collection de mercenaires puisse être qualifiée d'équipe. Elle se compose du commandant Elbus, de la docteure Sasha Leonard, et de Maggs, Kim, Sotckton Garland, Colt et un septième. Ils commencent à se disputer entre eux, quand un signal sonore retentit : Maggs explique qu'ils sont en train de recevoir un signal de détresse qui semble émaner de l'ancienne colonie, pourtant mystérieusement annihilée il y a 75 ans. Alors qu'ils réfléchissent à la probabilité d'un tel signal, un autre se fait entendre : il avertir de l'arrivée d'un missile. Celui-ci explose à l'avant du vaisseau spatial. Maggs parvient à poser le vaisseau en n'en brisant qu'une partie. Les membres de l'équipe sont indemnes.

Alors que tout le monde est sorti à l'air libre, le commandant Elbus prend la direction des opérations. Stockton et Kim vont venir avec lui pour aller rechercher la source du missile. Maggs reste sur place pour surveiller ce qu'il reste du vaisseau, et le chargement dans ses soutes. Sasha les emmène sur un promontoire rocheux à proximité pour leur montrer la singularité, un phénomène spatial semblable à du plasma en fusion visible depuis la surface de cette planète. le trio mené par Elbus est parvenu au pied de la colonie Roche Limit, et ils pénètrent à l'intérieur. Ils découvrent une porte qui a l'air bien fermée et la défonce. Ils examinent la pièce dans laquelle ils ont pénétré et y découvre une note manuscrite. Elbus la lit : Si vous êtes en train de lire ces mots, alors nous sommes morts et nous avons échoué dans notre objectif qui était de tuer la prochaine expédition avant qu'elle n'atterrisse. Nous n'avons que peu de temps, mais nous vous implorons de détruire votre chargement. Vous devez le faire. Brûlez-le et si vous êtes intelligent sautez dans le brasier. Cet endroit est la mort. Signé : la douzième expédition. Stockton examine le dispositif qui permis de lancer le missile de manière automatisée. Kim s'interroge : il croyait qu'il fait partie de la troisième expédition. Comment peut-il y en avoir déjà eu douze autres ?

Houla ! Que s'est-il passé entre la première saison et celle-ci ? Il vaut mieux que le lecteur consulte la quatrième de couverture qui lui apporte l'information qu'il s'est écoulé 75 ans entre les deux, ce qui explique qu'il n'est plus du tout question de Sonya Torin, Bekkah Torin (une assistante sociale), Alex Ford, et des autres personnages. En revanche, le récit continue de se dérouler sur la même planète et le lecteur suit une expédition envoyée pour y déposer un chargement mystérieux (sa nature est révélée dans le dernier épisode), et qui se heurte à des créatures létales. le lecteur patauge donc un peu dans le premier épisode, le temps de comprendre ce qui se passe, de se familiariser avec les personnages qui ne disposent pas tous d'un nom et dont on ne sait pas grand-chose, voire rien. Il retrouve les articles en fin de chaque épisode (1 à 4) qui viennent apporter des compléments d'information. le premier porte sur un androïde nommé Danny ayant tué la fillette de son employeur. le second porte sur des sessions de psychologie profonde développées par Leland et Stockton Garland, le troisième est un questionnaire de recrutement pour les candidats à l'embauche de MoiraTech et le dernier est un article de magazine sur la découverte de journaux de bord d'une navette spatiale revenant de Roche Limit, découverts 42 ans après sa destruction. le scénariste poursuit son oeuvre de construction d'un monde original, commencée avec le premier tome.

À la fin du premier épisode, le lecteur découvre une réflexion sur l'entropie, la seule chose qui réunisse tous les êtres humains, la certitude que le destin de chacun est de finir par perdre sa cohésion et voir que tout autour de nous est soumis au même principe. Il s'accroche donc pour retenir la physionomie des personnages et s'intéresser au mystère de cette planète, de savoir qui a tiré sur le vaisseau spatial, et de la raison de la présence de cet androïde qui a été jugé pour avoir assassiné une fillette. L'ambiance lumineuse est crépusculaire, montrant bien un monde inquiétant, désolé, avec les ruines de la colonie qui y avait été implantée. le scénariste met en place les éléments narratifs propres à ce sous-genre : une équipe d'individus formés pour se battre, ne s'entendant pas forcément très bien, des durs à cuire un peu rétifs à la discipline, l'idée idiote de se séparer en deux groupes, des signes annonçant qu'ils n'auraient jamais dû mettre les pieds sur cette planète (à commencer par la mort des expéditions précédentes), les employeurs anonymes qui ont menti sur le contexte de la mission et qui n'ont pas tout dit, des créatures agressives qui rôdent dans les ténèbres, et des hallucinations plus vraies que nature. le dessinateur délimite les contours avec un trait un peu irrégulier et mal dégrossi pour montrer le côté abrasif de l'environnement dans lequel les personnages évoluent. La surface de la planète est dénudée et aride, un sol de terre sèche avec des nuages de poussière, une faible luminosité, et parfois des scintillements inexpliqués. le tout installe une ambiance angoissante à souhait.

Le deuxième épisode progresse bien dans ce sens : une mystérieuse forêt dans laquelle il se passe des phénomènes inquiétants mais qu'il est impossible de contourner, l'apparition de créatures impossibles à voir entièrement au repos, et des faux souvenirs qui s'immiscent dans l'esprit d'un membre de l'équipage. La tension monte ainsi d'épisode en épisode avec des phénomènes inexpliqués, des agressions mortelles, l'aide très sujette à caution de Danny dont tout le monde se demande comment il s'est retrouvé sur cette planète. Dans le même temps, le lecteur remarque que les questionnements philosophiques ou les remarques sur l'existence ont disparu à partir de l'épisode 2. Ce qui avait donné une saveur très particulière à la première saison (les interrogations de Langford Skaargard sur la raison d'être de l'humanité dans l'univers) n'est pas présent dans cette deuxième saison. le lecteur note également que les dessins perdent un degré de consistance à chaque épisode. Il comprend bien que leur apparence brut est intentionnelle pour rendre compte de la dureté de l'environnement, de sa crudité. Mais il voit aussi que les contours deviennent plus lâches, moins précis, jusqu'à donner l'impression d'être des croquis faits à la palette graphique dans le dernier épisode. Certes ça correspond à la dégradation progressive de la situation des membres de l'équipage, mais c'est aussi un peu frustrant de ne pas mieux voir les quelques particularités de ce monde.

Plus il avance, plus le scénario donne l'impression de se reposer sur des clichés du film d'action en milieu science-fiction avec ces créatures mortelles frappant sous le couvert des ténèbres et restant indistinctes les unes des autres. Danny sait visiblement beaucoup de choses mais il ne dit pas tout, et son père constitue un artifice narratif bien pratique. le scénariste finit par révéler le noeud de l'intrigue qui explique ces événements et la présence de Danny et le lecteur a du mal à croire que l'explication soit aussi basique et convenue. Il a du mal à réconcilier la richesse et l'originalité de la première saison avec la platitude convenue de la seconde. Il ne parvient pas à croire que les clichés utilisés comme des raccourcis narratifs dans le premier épisode ne débouchent sur rien. Finalement, ces membres de l'équipage ne se conduisent pas comme des mercenaires, mais sont au contraire prêts à se sacrifier pour le bien de l'humanité. Finalement leur mésentente n'a pas de conséquence pour l'expédition. Il ne subsiste qu'un élément qui complexifie la situation : la duplicité des commanditaires de l'expédition et qui promet une troisième saison plus intéressante.

Après une première saison pleine de suspense, avec des personnages crédibles présentant des défauts, et l'utilisation du mythe de la conquête de l'espace comme un enjeu très concret, mais aussi comme une métaphore du besoin de l'esprit humain de s'étendre, de chercher de nouvelles expériences, d'explorer, l'horizon d'attente du lecteur est assez élevé pour cette deuxième saison. Il découvre un récit de survie sur une planète hostile convenu, avec des dessins manquant de personnalité.