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Citations sur Manières d'être vivant (74)

Le chaman amérindien David Kopenawa a aussi cette étrange sagesse : il chérit ses plumes de perroquets aras, car elles lui confèrent la sagesse de l'oiseau et son pouvoir animal d'éloquence, pour aller parler avec les chefs blancs en costume trois-pièces qui détruisent la forêt. p205
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La liberté existe : c'est l'art d'aménager les systèmes d'irrigation en soi qui font émerger des désirs émancipateurs, et nourrissent nos fauves les plus nobles. p203
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Peut-on imaginer d'évoluer jusqu'à acquérir l'art de l’abeille de danser des cartes ? Celui des dauphins d'entendre la forme des paysages ? Celui des poulpes de prendre des décisions avec chaque extrémité de son corps ? Celui des arbres de manger du soleil, et de libérer dans l'atmosphère un oxygène respirable qui rend possible des milliers d'autres formes de vie que la sienne ? p159
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La crise écologique qui est la nôtre est bien une crise des sociétés humaines : elle met en danger le sort des générations futures, les bases même de notre subsistance, et la qualité de nos existences dans des environnements souillés. C’est aussi une crise des vivants : sous la forme de la sixième extinction des espèces, de la défaunation, comme de la fragilisation des dynamiques écologiques et des potentiels d’évolution de la biosphère par le changement climatique. Mais c’est aussi une cris d’autre chose, de plus discret, et peut-être de plus fondamental. Ce point aveugle, j’en fais l’hypothèse, c’est que la crise écologique actuelle, plus qu’une crise des sociétés humaines d’un côté, ou des vivants de l’autre, est une crise de nos relations au vivant.
(page 15)
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Le mystère d’être un corps, un corps qui interprète et vit sa vie, est partagé par tout le vivant : c’est la condition vitale universelle, et c’est elle qui mérite d’appeler le sentiment d’appartenance le plus puissant.
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P 114 – l’espace des possibilités d’existence ouvert par leurs puissances des corps permet de comprendre mieux, alors, la forme de vie particulière des loups.
Exercice d’ethnographie par les traces : ils se séparent le jour, s’isolent, vaquent à leurs démons personnels, jouissent des sensations, des odeurs, des enquêtes qu’ils mènent chacun de leur côté, et cultivent ainsi la joie de se retrouver le soir, en quelques hurlements, pour lancer la vie collective, sa discipline, -sa coopération, son attention concernée aux signes des autres, à leurs émotions, avec le respect des hiérarchies, l’étiquette de la vie collective, les rangs sociaux, les dominances à rejouer, à déjouer, à ruser, à mettre en cause, les relations complexes, les amitiés ambiguës, l’affection pour un cousin dont la sœur vous a dans le nez, tout ce qu’on peut imaginer comme drames infinitésimaux (mais définatoires pour chacun) de la vie d’une famille élargie.
Une famille qui travaille ensemble, collabore, qui agit tantôt comme une expédition d’explorateurs, tantôt comme une patrouille militaire aux frontières, comme un clan paléolithique de chasseurs de gros gibier, une école multigénérationnelle qui prend soin des petits, où chacun joue un rôle dans leur éducation, une file indienne de cartographes qui redessinent des frontières par l’odeur, déposant les blasons de la meute et les drapeaux du territoire sous forme de laissées, pour remplacer ceux que le mauvais temps a délavés…
Et puis arrive l’aurore aux crocs de rose, et chacun se sépare, fatigué de l’activité intense, de la hiérarchie, de l’attention à donner à tous et à chacun, lassé de faire passer le projet collectif devant le désir nomade intérieur, et cette odeur de fleur que je suis seul à sentir, et alors chacun va son chemin, qui vers la crête, qui le long de la rivière, qui au fond de la forêt.
Les plus amoureux ou amis, les plus timorés, restent ensemble, à deux, parfois à trois, un autre reste avec les bébés, le couple dominant se retire dans sa tente faite d’un bosquet surplombant le ruisseau.
Mais les têtes brulées, ceux qui souffrent le plus de la hiérarchie lupine, s’éloignent, vont explorer, enfin libres, loin des disciplines militaires et des obligations hiérarchiques, de nouveaux ciels, de nouvelles sources, manger en premier, sans suivre l’étiquette, dormir les pattes en l’air en regardant passer les nuages, courir où bon me semble, et ne pas poser la patte exactement dans la patte du coureur de devant, qui a mis sa patte exactement dans l’empreinte du leader, sentir, tout respirer, se rouler dans les choses, se rouler dans le cosmos tout entier, enivré des odeurs de musc et de menthe sauvage, et de l’odeur de défi d’un lynx qui a marqué lui aussi sur ce même tronc, et sur ce pont de bois regarder les truites pendant des heures (est-ce-que ça se mange ? il faudrait essayer), tout gouter, tout tenter, ne rien faire, flâner, s’ennuyer ferme, et puis le soleil tombe là-bas, et l’on sent monter dedans la petite solitude, l’envie d’un masque de loup à lécher, l’envie de l’excitation d’être ensemble, de l’odeur chaude des autres comme d’une fumée qui nous baigne, l’envie des autres, le désir de faire, c’est-à-dire de faire ensemble, d’être un seul corps, une pure rivière de crocs, filante et personne comme le vent, capable de capturer tout ce qui pourtant s’y refuse, résiste, se débat, de prendre la force de vie de tout ce qui vigoureusement veut vivre, et l’incorporer, la dérober sous forme de chair, un seul grand corps capable de mettre à terre des bêtes comme le ciel, des cerfs aux bois de foret, des sangliers-collines fumantes, être ensemble, la bande infernale, inarrêtable, les cadors, les caïds, les cousins, le rire partagé du cercle intérieur, qui donne chaud, le coup de langue que me donne un proche, juste en passant, comme un humain en passant pose sa main sur le dos d’un ami pour dire « je te vois », « tu existes fort », « je suis là ». (…) c’ets l’aube, nous paressons dans les duvets. Le ciel est encore sans nuages, il n’a même pas froid, nous avons dormi comme des bienheureux.
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Il n'y a pas deux espaces, profane et sacré, il n'y a qu'un monde, et qu'un style de pratiques soutenable à son égard : vivre du territoire avec égards.
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Le pistage enrichi est le versant sensible et pratique d'une approche philosophique inséparée du vivant, c'est un style d'attention. Une manière d'être sur le qui-vive : un qui-vive disponible à la prodigalité des signes du vivant épais de temps et tissé d'aliens familiers. Un qui-vive immergé, toujours dedans jamais devant.
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On les voit (les loups) dans la pleine possession de leur existence, et on sent une légère tristesse pour ce qu'on a fait aux animaux qu'on a domestiqués. Domestiqués au point de les rendre affectivement et concrètement dépendant de nous, comme des amants toxiques qui produisent de la fragilité et de la dépendance chez l'autre pour se l'attacher plus fort, et ce faisant, ne les respectent plus. p224
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C’est la vision des couleurs de votre ancêtre frugivore à fourrure, en qui l’évolution a placé les ressources optiques pour déceler le mûrissement subtil des fruits de la jungle, avec ses teintes jaunes, orange puis carmin qui s’active en vous chaque fois que vous jouissez de la beauté d’un coucher de soleil (qui est d’abord, pour l’œil animal, le mûrissement d’un paysage). Pourquoi, sinon, le moindre pourpre serait-il plus attirant que tout vert ? […] Nous avons tous, nous, vivants, un corps épais de temps, fait de millions d’années, tissé d’aliens familiers et bruissant d’ancestralités disponibles. (p. 108)
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