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Critique de Floyd2408


Une masse Babelio sauvage, c'est avoir l'opportunité de recevoir le courriel d'un collaborateur de ce site, pour vous proposer personnellement un roman en exclusivité pour une critique, cette démarche m'a permis de découvrir le premier roman d'Isla Morley, le Vallon des lucioles, traduit en France. C'est le troisième roman de l'auteur, Above Hardcover et Come Sunday: A Novel, ces deux premiers ne sont pas encore traduits en France, Isla Morley est originaire d'Afrique du sud, devenu américaine par son mari où ils vivent, pendant plus d'une décennie, elle a poursuivi une carrière dans le travail à but non lucratif, en se concentrant sur les besoins des femmes et des enfants.
Le quatrième de couverture et ce fameux bandeau rouge qui colle le roman dans une étiquette vendeuse, aspire le roman dans celui d'une réalité subjective, « inspirée d'une histoire vraie », sans chercher à connaitre la genèse du roman je m'y aventure et m'y noie sans contrainte, je me laisse bercer par l'écriture légère, une fluidité des mots et l'intrigue, ce côté fantastique de la couleur bleue de ces êtres de chair et de sang , des humains qui n'ont pas la bonne couleur, des « ratons bleus » pour certains et j'oscille comme une courbe sinusoïdale, j'alterne les humeurs durant la lecture, j'adhère, je n'aime plus, je deviens un adolescent qui change à tout moment, une girouette qui fait volte-face, j'essaie de canaliser ces sautes d'humeurs, j'arpente le roman sans le lâcher, je suis magnétisé par l'histoire, je reste happé par les pages qui filent entre mes doigts. Au-delà de ma curiosité titillée, une lassitude m'habite soudain, je me sens presque être spectateur d'un film série z d'horreur, ou chaque personnage se retrouve seul comme par hasard pour qu'il lui arrive malheur. le vallon des lucioles n'est pas un film d'horreur, mais le tumulte de la vie des personnages sont gravés à l'avance dans une boule de cristal, je n'ai pas la surprise, tout devient écrit, mais est-ce cela la finalité, le destin grignote cette fatalité. Dans Crime et châtiment de Fédor Dostoïevski, il y a cette fluidité des évènements dans une orchestration machiavélique de l'écriture, Isla Morley n'a pas réussi ce génie mais fera germer la graine de l'amour dans cette oeuvre de racisme sur la différence et la tolérance, cette fleur de l'amour va s'épanouir dans cette trame dramatique, un amour véritable sur le miroir de l'âme, cette projection de soi qui illumine la personne d'une aura naturelle de son caractère et de son naturel. Ce roman est celui de l'amour.
J'ai lu un roman de Gaëlle Josse, L'ombre de nos nuits, s'inspirant d'un tableau de Georges de la Tour, pour imaginer une histoire des deux protagonistes de l'oeuvre peinte, Isla Morley va d'un article de Carol Trost, The blue people of troublesome creek, donner naissance à le vallon des lucioles, une ode à l'amour, de cette communauté recluse sur les rives de Troublesome Creek dans l'est du Kentucky, une intrigue se tisse autour de ces personnes de couleurs bleues dans les Appalaches et ce village de Chance, dans cette année de 1937, dans une Amérique en pleine évolution, un fossé se creuse entre le monde rurale et urbain, la visite de deux journalistes dans ce bourg perdu , va cristalliser l'inattendu beauté de la nature et celle de l'amour qui va réunir des êtres de l'innocence humaine, celle des préjugés et us et coutumes, puis surtout de la haine de l'inconnu ; le tout entremêlé des secrets de familles, cet héritage difficile à supporter.
L'Amérique des années 1937, sort de la grande dépression, pour lutter le président Roosevelt va mettre en place une nouvelle politique, le New Deal et un de ces programmes La Farm Security Administration (FSA), la section photographique de la FSA, dressera un portrait des américains ruraux pour déterminer leurs conditions de vies et de travail pour en faire un bilan et surtout convaincre cette Amérique des mesures prises par le président en place. En approfondissant cette période, il y aura certains portraits qui toucheront cette période d'entre- deux guerres comme ceux de Mère migrante de Dorothea Lange22, ou ceux de fermiers en Alabama de Walker Evans.
Isla Morley de cette atmosphère assez lourde par des réformes rigoureuses, va orchestrer une belle histoire sous cette toile de fond, avec l'arrivée de deux journaliste et photographe, Massey et Havens dans le village de Chance, commandité par la FSA, pour faire un reportage sur ces travailleurs ruraux. Arrivés à la gare, l'odeur de la nature assez forte titille Massey, cette bourgade accueille que trois cents âmes, elle se meurt, se dépeuple, la dépression rode sournoisement dans cette ruralité qui cache des secrets de famille et ces défauts illustres de peur des autres où les sortilèges, les malédictions sont des prétextes à l'exclusion de la différence. Cette arrivé va bousculer l'existence des habitants de Chance, leur première rencontre sera celle de trois jeunes privilégiés du village, Tick, Faro Suggings, le neveu du shérif et Ronny Gault, le fils du maire, des gamins ayant déjà un avis bien définit sur le monde du travail, les syndicats et ces mines qui rend malade et toujours en grève, ils vont animés la curiosité, en évoquant la chasse au ratons bleus, et ce désir d'un reportage , Massey et Havens.
Les fondations sont posées pour Isla Morley à façonner son roman et venir brosser un portrait d'une Amérique rurale haineuse et prisonnière de ses peurs, avec cette famille vivant dans le vallon des lucioles, donnant le titre du livre, la particularité est d'avoir des personnes de couleur bleue, effrayant la population, les isolant à l'écart de Chance, cette famille depuis plusieurs générations ont connus des enfants de couleur bleue, c'est une maladie du sang, nommé la méthémoglobinémie, pour retrouver la « bonne couleur », il suffit de prendre le bleu de méthylène, mais dans ce village , ils ont cette ignorance, beaucoup de racisme coule envers ces malades, de haine et surtout de peur , sans oublier les secrets de famille liant les générations précédentes, liant malgré eux les enfants de bonne couleurs et ceux en bleus, Jubilee et son frère Levi, vont endurer la méchanceté congénitale de Ronny et de ces amis, et aussi des villageois.
Le roman est distillé de chapitres nommés successivement de Jubilee et Havens sur deux périodes distinctes, 1972 et 1937, le coeur de l'histoire est la cristallisation amoureuse chère à Stendhal, de cette jeune femme de 23 ans, de sa beauté océane chavirant les certitudes de Havens, se laissant charmer par le côté sauvage et libre de cette jeune femme, encore sous l'emprise de ces parents et de son isolement par sa couleur bleue, Jubilee est la liberté, elle incarne la charité, sa passion est sa volière, soigner des animaux blessés comme ce pigeon, si capricieux, Thomas. L'amour est la chose la plus précieuse dans ce roman, lorsque deux êtres que tout oppose par leur milieu sociale et leur différence, balaient les apparences afin de dénuder la société du superflu des convenances, pour ne voir que les êtres nus de leur clivage, comme Lévi et la fille de pasteur Sarah, amoureux l'un de l'autre, Sarah est dans le regard de Lévi le reflet de son âme, elle est naturelle dans l'amour que lui porte Lévi, mais la passé à déjà perdu cet amour, Isla Morley dans son intrigue, laisse mourir Lévi, en abandonnant Sarah enceinte de cette union amoureuse si belle et fragile, mais au-delà de cet amour , l'auteur va faire naitre une tendresse plus sensible entre Jubilee et Havens, dès leur première rencontre, le charme est déjà présent, mettant le lecteur en haleine, de cette rencontre va, au fil du roman, se construire une amitié cristalline, qui petit à petit va se transformer en amour sincère. Isla Morley comme beaucoup d'autre roman d'amour célèbre, tel Roméo et Juliette, où le tragique est inévitable, entraine le lecteur dans l'illusion sombre d'un amour inexorablement tragique pour Jubilee, aura-t-elle le destin de son frère, ou celui de ces ancêtres ! Les mariages mixtes étaient interdits, comme le raconte Monsieur Buford, avec cette triste réalité, comparant le sort des noirs au leur, aucune affection possible avec une personne de couleur blanche, entrainant la mort, dans ses mots , il est moins brutale, en disant « Il n'arrivera même pas au tribunal », il y a cette peur, les Bleus portaient malheur, maladie, ou mort pour ceux qui les approchés de trop près, comme son oncle Eddie et sa grand-mère paternel, Opale, l'ont subi, contraint de se séparer de leurs aimés, pour l'un épouser son cousin, Jubilee arrive-t-elle à rompre cet héritage, pouvoir aimer au grand jour un homme de la bonne couleur, sans tragédie !
Isla Morley a réussi à travers l'atmosphère de cette époque et ce monde rurale dans cette Amérique de l'après dépression, à peintre avec délicatesse et tendresse, la naissance d'un amour et de ce combat à le faire vivre. Il y a beaucoup de tolérance, Jubilee est le personnage centrale de ce livre , elle irradie de sa personne, même si Havens reste un narrateur de cette histoire, la narrant une partie à un inconnu venant troubler sa retraite à Chance, à l'écart du village, en cette année de 1972.
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