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Critique de alaroz


"La Fin d'Illa" s'inscrit dans une tradition historique de l'utopie et de la dystopie. Sa parution suit de quelques années celle de "Nous autres" d'Evgueni Zamiatine (1922) et de "RUR" de Karel Čapek (1921). Plus tard, il y aura "Le meilleur des mondes" d'Aldous Huxley (1932), et "1984" de George Orwell (1949).
En 1925, au moment de la parution de "La Fin d'Illa", l'heure est plutôt, après les utopies de la fin du dix-neuvième siècle, aux interrogations sur l'urbanisation et l'industrialisation. On s'inquiète des conséquences, sociales et politiques, de la révolution industrielle.

Grand feuilletoniste et habitué des romans d'aventure, José Moselli, lui-même ancien marin, entame son récit par la découverte, sur une île déserte lointaine, d'artefacts mystérieux accompagnés d'un parchemin rédigé dans une langue inconnue.
Cette histoire d'exploration n'est qu'un prologue à l'intrigue principale qui se présente comme un récit enchâssé, ce qu'on va lire ensuite étant le contenu du message, qu'un érudit est parvenu à traduire.

Écrivant à la première personne, dans un style dégageant une tension dramatique intense, l'auteur du manuscrit, qui se présente comme un officier supérieur, raconte sa lutte, à armes inégales, contre le dirigeant de sa cité, Illa.
Le système politique décrit dans "La Fin d'Illa" est ultra-autoritaire, l'opposition y est interdite et réprimée durement, la surveillance est généralisée.
Le schéma de l'intrigue est typique d'une dystopie, avec un dissident qui se rebelle contre le système, dans un combat a priori perdu d'avance.

L'exploitation de pauvres êtres considérés comme inférieurs est l'un des sous-thèmes de ce court roman. La science y a en effet produit des hommes-singes, afin de les utiliser comme esclaves dans les mines.
La science et la technologie jouent un rôle essentiel, tout le long du récit, inscrivant clairement l'oeuvre dans le courant "Merveilleux-scientifique".
La cité d'Illa bénéficie en effet d'une technologie avancée, visible à travers son architecture d'avant-garde et ses systèmes de gestion de la lumière, de l'aération, et même de la gravité ! Les habitants d'Illa disposent également d'engins volants. Mais ce n'est pas tout : grâce au progrès, il existe d'autres merveilles, comme la "pierre-zéro", une arme de destruction massive qui évoque irrésistiblement, pour un lecteur d'aujourd'hui, la bombe atomique. Sans oublier les formidables "machines à sang", qui permettent de jouir d'une très grande espérance de vie. Mais il y a un prix à payer : il faut sacrifier des animaux, en grande quantité, pour récupérer leur énergie vitale.

Le conflit qui sert de moteur à l'intrigue est déclenché lorsque le dictateur d'Illia, brillant cerveau qui a lui-même mis au point les machines à sang, a l'idée de les améliorer en remplaçant les animaux par des humains. Et pour obtenir l'approvisionnement nécessaire, il suffirait de faire la guerre à la cité voisine…

Entre le narrateur et son ennemi, le hiatus n'est pas seulement politique. C'est aussi une opposition entre, d'un côté, un personnage qui, bien que guerrier de profession, n'en est pas moins homme, père de famille, pétri d'émotions et de sentiments humains, et de l'autre, un dictateur implacable doublé d'un savant fou ; un individu froid et calculateur, qui semble dénué de tout sentiment humain. On peut y voir une allégorie du combat de l'humain contre la machine, ou plutôt, contre la marche aveugle d'un progrès technique dépourvu d'éthique.

Merveilleux scientifique, dystopie, exploration et découverte d'un monde perdu se mêlent dans ce petit chef-d'oeuvre, dans une intensité dramatique à couper le souffle.
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