Citations sur La danse des ombres heureuses (11)
L’autre femme de l’Armée du Salut, qui était plus âgée et avait une figure jaune et huileuse et une voix presque masculine, disait : Au jardin du ciel les enfants poussent comme les fleurs. Dieu avait besoin d’une autre fleur et il a pris votre enfant. Ma sœur, vous devriez le remerciez et être contente.
Dans cette famille, il était mal vu d'être réputée sensible, comme l'était ma mère. Tous, tantes, cousins et oncles s'étaient prodigieusement endurcis à l'égard de toute forme de cruauté personnelle, insouciants, fiers même semblait-il, d'une défaillance ou d'une difformité susceptible de provoquer l'hilarité générale.
"Voyons, qu'est-ce que nous pouvons offrir à la petite fille ?" Rien, ai-je espéré, mais il a sorti une boîte métallique contenant des confiseries de Noël, qui paraissaient avoir fondu puis durci puis refondu, si bien que les rayures colorées avaient déteint. Elles avaient un goût de clous.
On comprendra que la vision idéaliste des enfants qu'avait Miss Marsalles, la tendresse ou la simplicité de son esprit à cet égard, en faisaient une enseignante pratiquement incompétente. Elle était incapable de critiquer, sinon de la manière la plus délicate, en faisant des excuses; ses louanges étaient d'une malhonnêteté impardonnable.
Les arbres retenaient le froid de l’hiver : au-dessous, il restait de la neige, de la vraie neige, épaisse de un ou deux pieds. Autour des troncs, il y avait un cercle, un curieux espace noir, comme le rond d’air chaud que fait l’haleine en sortant de la bouche.
Voilà Dotty, extraite de la vie, mise en lumière, suspendue dans la merveilleuse gelée transparente qu'Hugo a appris à confectionner tout au long de son existence. C'est de la magie, on ne peut le nier : un acte, pourrait-on dire d'amour particulier, généreux, positif. une bienveillance admirable et porteuse de chance. Dotty avait de la chance, diraient les gens qui comprennent cet acte et l'estiment (...) Elle est devenue de l'Art. Cela n'arrive pas à n'importe qui.
Elle n'avait pas amené son mari. Il était alcoolique. Ma mère faisait toujours allusion à cette caractéristique aussitôt après avoir annoncé que sa cousine occupait un emploi prestigieux dans le premier cabinet juridique de la ville. Ces deux informations étaient conçues comme s'équilibrant, liées de quelque façon inévitable et prophétique. Dans le même esprit, ma mère disait d'une famille de nos relations qu'elle possédait tout ce que l'argent peut procurer mais que leur fils unique était épileptique [..] La chance n'allait pas sans son ombre, dans l'univers de ma mère.
Dans cette famille, il était mal vu d'être réputé sensible, comme l'était ma mère. Tous, tantes, cousins et oncles s'étaient prodigieusement endurcis à l'égard de toute forme de cruauté personnelle, insouciants, fiers même semblait-il, d'une défaillance ou d'une difformité susceptible de provoquer l'hilarité générale.
Par endroits, la rue se trouve dans l’ombre des érables, dont les racines ont soulevé et craquelé le trottoir et se sont étalées, comme des crocodiles, dans les cours nues.
Le problème, le seul problème, c'est ma mère. Et c'est elle, bien sûr, que je cherche à cerner; c'est pour l'atteindre que tout ce parcours a été entrepris. A quelle fin ? Pour la délimiter, la décrire, la mettre en lumière, la célébrer, m'en débarrasser : cela n'a pas marché, car elle m'écrase de se proximité, comme elle l'a toujours fait. Elle est lourde, comme toujours, elle est accablante, et pourtant elle est floue, ses contours fondent et coulent. Ce qui signifie qu'elle s'est attachée à moi aussi étroitement que jamais et a refusé de s'écarter : je pourrais continuer, continuer, faisant appel à toutes mes capacités, utilisant les subterfuges que je connais, et il en serait éternellement de même. (140)