Camilia rêvait. C'était son rêve préféré, celui auquel elle pensait très fort avant de s'endormir en espérant qu'il reviendrait, une fois encore, durant la nuit.
Camilia fila à toute vitesse. Elle craignait d'autres questions. Il lui parut évident que M. Sam s'interrogeait, lui aussi, sur les événements récents. Et qui sait ? Peut-être avait-il vu les Ombres. Il fallait qu'elle trouve Gall pour lui raconter cette histoire de points telluriques. C'était la clé, elle en était persuadée. Mais que se passerait-il à Samain ? Les vacances les éloigneraient de la pension. Ils devaient rester. Camilia aurait eu du mal à expliquer pourquoi, elle avait le sentiment qu'ils devaient attendre l'ouverture de la porte. Peut-être pour renvoyer les Ombres d'où elles venaient. Ou alors... Une idée encore informe, comme une boule de magma en fusion, se mit à tourner dans sa tête. Quelqu'un essayait de lui parler, là, à l'intérieur d'elle-même. Les mots n'étaient pas exprimés, l'idée était inaccessible. Et pourtant... Il lui vint, comme un choc, que seule l'ouverture de la Porte lui rendrait compréhensible cette voix qui cherchait à l'atteindre.
Elle aurait voulu conserver pour toujours cette merveilleuse sensation dans son coeur. La certitude, la compréhension, la connaissance et la lumière. Et garder ce contact avec sa mère qu'elle savait être là, derrière la Porte.
Camilia reconnut la fleur des papiers pliés en accordéon.
- Qu'est-ce que c'est comme fleur ? demanda-t-elle.
- Un coquelicot.
- Pourquoi ?
- Parce que c'est moi. Une fleur qui meurt quand on l'arrache à son champ de blé.
[...]
Si tu es ce coquelicot, tu n'es pas seulement une fleur prête à mourir. Tu es la beauté, l'éclat rouge, la délicatesse, a tendresse et tu fleuris dans u champ qui nourrit. Le coquelicot n'est pas une fleur solitaire il aime la compagnie. Et c'et pour ça qu'n l'aime en retour.
[...]
- Je veux qu'on m'aime !
- Non !
- Je veux aimer comme le coquelicot aime son champ de blé !
Si tu es ce coquelicot, tu n'es pas seulement une fleur fragile prête à mourir. Tu es la beauté, l'éclat rouge, la délicatesse, la tendresse et tu fleuris dans un champ qui nourrit. Le coquelicot n'est pas une fleur solitaire, il aime la compagnie. Et c'est pour ça qu'on l'aime en retour. (page 201)
Depuis qu'elle avait commencé à leur offrir des choses, elle avait beaucoup moins peur. Les Ombres semblaient s'être écartées d'elle. Morgane avait conscience que les Ombres rodaient tout autour mais elles s'attaquaient aux autres. Morgane l'avait compris. Et même s'il lui restait un doute, elle pensait que l'accident de Mlle Dautun n'en était pas un. Les Ombres avaient puni sa tortionnaire. Elles l'avaient fait pour la protéger. Elle n'était plus seule, maintenant.
Les Ombres veillaient.
-Je t'aime... murmura-t-il.
Et la glace devint de l'eau. Camilia ouvrit les yeux et sourit .
Je t'attendais dit-elle.
Il ne fallait pas s'attarder. Elle ne douta pas une seconde que ce souffle ne fût celui d'une Ombre. Elle courut vers l'étude et y entra précipitamment. Longtemps, son coeur cogna fort dans sa poitrine. Mais elle avait réussi.
Je crains bien qu’un jour tout cela ne recommence. J’ai la preuve que ce n’est pas la première fois…
Je sais que tu es née de la haine et que la peur te soutient. Mais, sûrement, tu te souviens d'une époque où le rire remplaçait la terreur et l'amour emplissait ton cœur.