Je me suis décidée à ouvrir ce roman parce que, soyons honnête, je le vois passer tout le temps sur les réseaux. En dehors de ça, c'est écrit par
Marie-Aude Murail, grande figure de la littérature jeunesse devant l'Éternel, et MAM, c'est sacré. Je devais découvrir ce roman, qui, si j'en croyais les retours que j'avais lus/entendus, devait m'apaiser, me redonner foi en l'humanité (oui oui, rien que ça !).
Ma première impression, je l'ai partagée en commentant une chronique sur Instagram. J'étais alors happée par le roman, mais réellement angoissée parce que je voyais le fossé s'élargir entre Sauveur et son fils, j'entendais la colère, le chagrin, la peur dans le discours des patients de Sauveur. La peine de ces adolescents m'a heurtée, peut-être plus que je ne m'y attendais. Donc, au lieu de me sentir à l'aise dans mon pilou-pilou tasse de thé et tout le tralala, j'ai commencé à sérieusement me sentir mal. C'est la réponse de Marie-Aude à ce commentaire qui m'a ouvert les yeux. Elle a écrit : « ça m'a toujours étonnée qu'on parle de doudou ou de feelgood book à propos de mes livres. J'aborde des tonnes de trucs qui n'ont rien de rose bonbon… mais je pense que j'ai une grande aptitude à remonter vers la lumière et à garder une vision tendre et humoristique de notre pauvre humanité. » À ce moment-là, j'ai compris à quel point ce que j'avais pu lire autour de Sauveur & Fils m'avait induite en erreur. J'étais partie d'un très mauvais pied, et j'avais oublié une de mes règles premières : faire confiance à l'auteur. J'ai donc appréhendé la seconde partie du roman de la manière la plus neutre possible, et je l'ai laissé me raconter son histoire.
Et Bibidi Babidi Boo, la magie a opéré. J'ai aimé la maladresse et la fragilité de Sauveur, j'ai (un peu) jugé les adolescents, sur qui j'avoue avoir posé un regard condescendant avant de me reprendre et de rappeler à mon bon souvenir que j'avais, moi aussi, pensé vivre la fin du monde plus d'une fois. J'ai cessé d'avoir peur pour Lazare, ce gosse intelligent, drôle, et franc dans ses rapports. J'ai aimé ses questions, ses façons de les poser. Et
Marie-Aude Murail a, encore une fois, exercé sur moi sa magie. Elle a su, dans un style que je qualifierais de muraillesque, me faire accepter l'imperfection du monde, et même apaiser les angoisses qui avaient pu naître sur les premières pages. Comme les romans de
Cécile Alix, graves dans leur sujet,
Marie-Aude Murail m'a mis un coup de coude dans les côtes, en me disant : « eh, écarte les doigts, jette un oeil autour de toi, c'est pas joli-joli, mais qu'est-ce que c'est beau, quand même, de vivre… » Et pour ça, un grand merci.