Citations sur Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée - Un caprice (22)
Vous me trouvez jolie, je suppose, et cela vous amuse de m'en faire part. Eh bien, après ? Qu'est-ce que cela prouve ? Est-ce une raison pour que je vous aime ? J'imagine que si quelqu'un me plaît, ce n'est pas parce que je suis jolie. Qu'y gagne-t-il, à ces compliments ? La belle manière de se faire aimer que de venir se planter devant une femme avec un lorgnon, de la regarder des pieds à la tête, comme une poupée dans un étalage, et de lui dire bien agréablement : Madame, je vous trouve charmante ! Joignez à cela quelques phrases bien fades, un tour de valse et un bouquet, voilà pourtant ce qu'on appelle faire sa cour. Fi donc ! comment un homme d'esprit peut-il prendre goût à ces niaiseries-là ? Cela me met en colère, quand j'y pense.
LA MARQUISE : Mais qu'est-ce donc que ce bruit que j'entends ?
LE COMTE : C'est le temps qui vient de changer. Il pleut et il grêle à faire plaisir. On vous apporte un troisième bonnet, et je crains bien qu'il n'y ait un rhume dedans.
Si l'amour est une comédie, cette comédie vieille comme le monde, sifflée ou non, est, au bout du compte, ce qu'on a encore trouvé de moins mauvais. Les rôles sont rebattus, j'y consens, mais, si la pièce ne valait rien, tout l'univers le saurait par cœur ; — et je me trompe en disant qu'elle est vieille. Est-ce être vieux que d'être immortel ?
Qu'il arrive ici une visite, vous allez peut-être avoir de l'esprit ; mais je suis seule, vous voilà plus banal qu'un vieux couplet de vaudeville ; et vite, vous abordez votre thème, et, si je voulais vous écouter, vous m'exhiberiez une déclaration, vous me réciteriez votre amour. Savez-vous de quoi les hommes ont l'air en pareil cas ?
LE COMTE. Expliquez-vous, je vous en prie.
LA MARQUISE. Ah ! pas du tout ; ce sont vos affaires.
LE COMTE, se rasseyant. Je vous en supplie, marquise, je vous le demande en grâce. Vous êtes la personne du monde dont l'opinion a le plus de prix pour moi.
LA MARQUISE. L'une des personnes, vous voulez dire.
LE COMTE. Non, madame, je dis : la personne, celle dont l'estime, le sentiment, la...
LA MARQUISE. Ah ! Ciel ! vous allez faire une phrase.
l’amour est immortellement jeune, et que les façons de l’exprimer sont et demeureront éternellement vieilles
LA MARQUISE : (...) Je commence à avoir trente ans, et je perds le talent de vivre.
LE COMTE : Je n'ai jamais eu ce talent-là, et ce qui m'épouvante, c'est que je le gagne.
Non, madame ; je veux dire ceci : que l'amour est immortellement jeune, et que les façons de l'exprimer sont et demeureront éternellement vieilles.
LA MARQUISE : D'ailleurs, j'y mène M. Camus.
LE COMTE : M. Camus, votre voisin de campagne ?
LA MARQUISE : Oui ; il m'a vendu des pommes et du foin avec beaucoup de galanterie.
LA MARQUISE : (...) Est-ce une déclaration ou un compliment de bonne année ?
LE COMTE : Et si c'était une déclaration ?
LA MARQUISE : Oh ! c'est que je n'en veux pas ce matin. Je vous ai dit que j'allais au bal, je suis exposée à en entendre ce soir ; ma santé ne me permet pas ces choses-là deux fois par jour.