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Critique de Darkcook


Je me suis régalé, dans cette période de retour au théâtre, en revenant encore à ce sacro-saint XIXe siècle, et avec un auteur que j'oublie beaucoup trop souvent, dans ma foi aveugle et obsessionnelle pour Hugo, Baudelaire et Rostand (et à l'étranger, Pouchkine, Goethe...). J'avais adoré On ne badine pas avec l'amour, bien apprécié Lorenzaccio, mais Musset tend à s'effacer souvent dans mon esprit parmi mes références, et j'ai pris une leçon et piqûre de rappel dont j'avais besoin.

Le principe est très simple : Coelio est amoureux fou de Marianne mais ne fait qu'essuyer refus et indifférence, puisqu'elle est de toute façon mariée à Claudio. Coelio dépêche Octave pour porter à Marianne le message de l'amour, mais Octave, débauché et fou shakespearien, sans le vouloir, provoquera l'amour de Marianne pour sa propre personne, et les aléas multiples du coeur de Marianne causeront la fin funeste de Coelio, d'où le titre. Ce triangle improbable avait un peu des allures du Cyrano de Rostand soixante ans avant, à quelques différences près. La quatrième de couverture qui explique cela m'a instantanément rappelé le badinage fatal d'On ne badine pas avec l'amour, avec cette simplicité du dispositif théâtral autour de trois personnages, ce début dans la comédie et cette fin dans la tragédie. Je trouve que les deux pièces peuvent se rapprocher pour cette raison, mais beaucoup d'autres choses m'ont frappé avec Les Caprices de Marianne. Musset est un fan de Shakespeare, comme Hugo l'était, mais l'oeuvre De Musset rend beaucoup plus hommage au grand William par une parenté de leurs théâtres, de leurs univers, et un hommage constant, appuyé, de la part De Musset.

La pièce est qualifiée de "comédie" en première page, mais elle est comédie au sens qu'elle est jeu théâtral, bien plus qu'elle ne serait farce ou vaudeville, même si l'on s'amuse au départ. Lorenzaccio permettait les comparaisons avec Hamlet ou Jules César, cette fois, ça va encore plus loin : Il y a des mentions d'une Rosalinde (Comme il vous plaira) d'un Malvolio (en contraste avec Benvolio de Roméo et Juliette) et même le style De Musset, poétique, fou, parfois même un peu vague, notamment dans les répliques d'Octave, rappelait bien souvent celui que nous prêtons au grand William, via les traductions. L'obsession du double chez Musset est ici extrêmement présente. Tous les personnages peuvent être des doubles ou des miroirs inversés de l'un et l'autre, pas seulement Octave et Coelio, c'est fascinant. Il y a même mention d'une réversibilité des genres pour Octave, ce qui est très shakespearien.

On trouve des allusions et métaphores salaces osées, dont une fut censurée à l'époque. le personnage secondaire d'Hermia est très intéressant et à mon sens sous-utilisé. C'est la mère de Coelio, et le récit de son passé préfigure ce qu'il va arriver à son fils, comme pour rappeler la présence du Destin qui veille, le sort et le temps qui se répètent, mais surtout, la relation Hermia/Coelio est des plus ambigues et malsaines. Je ne peux pas ne pas mentionner l'échange savoureux entre Octave et Claudio digne des duels verbaux d'un Cyrano. Marianne, dans certains passages, par ses répliques, satisfera les plus progressistes parmi nous, de par l'indépendance qu'elle proclame, même si ses changements peuvent aussi être lus dans l'autre sens.

En somme, ce fut vraiment un plaisir comme il y avait longtemps. Je suis vraiment fana du XIXe romantique jusqu'à tomber dans l'auto-caricature, et cette pièce m'a rappelé mon enthousiasme perpétuellement renouvelé pour cette période, avec un auteur que j'ai trop tendance à délaisser, au privilège de mes plus grandes idoles.

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