Sois frais, reste toujours alerte pour cette haute voltige qu’est la vie qui t’attend, du grand art, un voyage nouveau. Tu seras un funambule au-dessus des continents, des mondes et du temps. Regard droit, fier, souris et chéris la vie, c’est ton seul trésor. Sois l’artisan de la mutation sans laquelle nous risquons de n’être plus rien demain, puisqu’il s’agit de devenir ce que nous fûmes.
On ne peut l’expliquer plus exactement ni ici ni ailleurs, mais une chose est sûre, l’on retrouva certains d’entre nous dans la brousse et la jungle. D’autres perchés au plus haut d’arbres centenaires, tous nourris à la mamelle de fauves protecteurs, le regard franc et doux, caressés par leurs pattes de velours et de mort. C’est alors qu’a commencé notre histoire, le pays kongo.
Reste modeste. N’oublie pas l’histoire, d’où tu viens, où tu vas, rappelle-toi toujours la brousse, la jungle, les léopards, nos esprits qui appellent et agissent jusqu’au-delà des chaînes de la servilité. Ils sont grands, puisqu’ils ont vaincu la mort.
Serre les dents quand la vie est aride, quand elle taille des entailles profondes au fond de toi. La solitude, tu ne la connaîtras jamais, tu es un maillon de la chaîne éternelle, le trait d’union sans lequel tout se brise. Laisse-toi de temps en temps chavirer, pour rejoindre le temps d’un rêve, l’espace d’un voyage, le monde immatériel des défunts. C’est là que l’on trouve les clés d’hier, d’aujourd’hui et même de demain, la source inépuisable du bon cœur, qui aime, console et guérit. Apprends à canaliser cette force, cette énergie, puisqu’elle peut te bouleverser jusqu’aux abords de la démence. C’est un bain de lumière noire où dansent follement des images et des paroles solennelles.
C’est de ça qu’il aimait parler l’ancêtre, fier et exubérant dans son costume bleu foncé, toujours nu-pieds, car ses orteils déformés ont découragé tous les chausseurs de ce monde. Par les mots et les gestes, il revivait pleinement, il rayonnait, d’ailleurs c’est peut-être lui qui avait avant moi besoin de ces longs monologues, de cette nourriture du cœur.
Marche comme un seigneur parmi les autres, pense constamment au sens de tes actes, tout pas résonne, les tiens étonnent ! Prends garde à ton port de tête, surtout quand la vie fait mal au corps ou au cœur. Crache violemment au sol s’il le faut, sois sourd au souffle mauvais et mesquin, celui-là t’entraîne dans la tanière du regret, de l’envie et du ressentiment.
Il faut toujours y croire. Rester fort. La foi soulève des montagnes. Tu ne regardes pas la vie, non, tu la prends à pleines mains, tu la couches sous toi comme une femme, une vraie, avec la cambrure comme une prière. Tu l’étreins doucement, parfois plus intensément, tu cherches les sources de vie palpitantes, torrides et moites, ici, ailleurs, partout, le monde t’appartient. Apprends à sentir le monde, donne-lui toujours le meilleur de toi-même. Mord sans retenue. La peur, tu la laisses loin derrière toi, elle passe en toi et puis s’en va.