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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Force ennemie, premier prix Goncourt De 1903 est mis à l'honneur par la maison d'éditions "L'apprentie" gérée par des étudiants en licence et master, spécialisés aux métiers du livre.
Depuis 2018, les promotions successives présentent leur création éditoriale, comment, alors, ne pas soutenir cette faculté d'autant plus que leur catalogue est plutôt fort attirant.
C'était donc le moment pour moi de lire enfin John Antoine Nau, cet écrivain oublié en commençant par "Force ennemie" considéré comme une oeuvre culte.

" Je prie les amis inconnus qui voudront bien me, ou plutôt nous, lire de ne pas réclamer, d'urgence, mon internement à Saint-Anne ou dans tout autre asile."

Ainsi commence ce livre, ainsi il se poursuit en ne faisant qu'attiser ma curiosité au fil des pages.
Avec une écriture tantôt biscornue, tantôt d'une beauté baudelairienne, un humour ébouriffant, une élaboration littéraire totalement inhabituelle et une stylistique d'une particularité fort étonnante, John Antoine Nau nous donne à lire les exultations, le feu sacré des personnages internés avec cette pointe de malice délirante.
Esprit extravagant , situations prodigieusement renversantes, une force surprenante se dégage de ce livre singulier.

Bienvenue dans le monde de John Antoine Nau !

Philippe Veuly se réveille dans une chambre, enfermé dans un asile, son gardien l'accompagne au quotidien, les âmes qui peuplent cours et couloirs, peu à peu, se livrent à de grandes envolées.
Égarements, absurdités, divagations et délires fantasques emplissent les pages de multiples pathologies non identifiées et plurifactorielles.
Schizophrènie ou démences hallucinatoires , les hôtes affrontent leur force ennemie, cette puissance définie comme surnarturelle, extraterrestre venant de la planète Tchoukra habitant leur cerveau, cependant , ne serait-ce tout simplement pas eux-mêmes ?

-Tchoukra :" le meilleur moyen à employer pour libérer ton esprit est le suivant : vouloir très fortement échapper à ton apparence matérielle. Par exemple, il faut savoir vouloir, vouloir d'une certaine façon que je ne pourrais t'expliquer ; certains êtres découvrent peu à peu ce secret en eux. "

C 'est ainsi que Veuly, empli de cette sensation d' être bien plus incarné sans enveloppe corporelle , ressentant cette énergie spirituelle, court vers ce rêve d' un amour rencontré au sein de l'hospice dont découle un monologue féminin somptueux aux saveurs des mille et une nuits habité par une frénésie hypnotique.
Puis, Nau, avec brio, décrit au travers de la planète Tchoukra l'humanité qui dérive vers la haine et la peur, la souffrance des tortures que l'on s'inflige et des pulsions animales.

Alors, roman SF décalé ou récit sulfureusement anti conventionnel en 1903 ?
Si certains le liront tout en restant en surface, il en restera une lecture loufoque pour les uns, opaque pour les autres.
Si vous creusez pour en saisir le fond, vous y verrez tout un monde représentant l'humain accompagné par son démon à l'image du cauchemar de Fussli, un face à face avec nos propres peurs.

Épris de liberté, c'est, peut-on l'imaginer, celle qu'il décrit au travers de ces personnages enfermés dans cet asile et qui, paradoxalement, ont cette indépendance de pensée , cet affranchissement des conventions qui laisse entrevoir avec lucidité, la complexité de notre condition mise à nue, soumise aux perversions et transgressions et révélant nos identités multiples.

" Oh ! L'univers vrai n'est-il que terreur et horreur !"

Alors est ce une force obscure venue d'ailleurs ou l'esprit à l'état pur, défait de toute annexion idéologique et morale qui se révèle être , loin de l'aliénation extérieure, une "Force ennemie" ?

" La force ennemie !
N'y aurait-il pas, en effet, une puissance occulte, maléfique, hostile à l'espèce humaine, guettant infatiguablement une occasion de tourmenter nos intellects bornés, perdus dans un monde mystérieux dont ils ne connaissent que quelques apparences ?
Et me voici épris de cette absurdité, parce que j'en ai peur ! "

John Antoine Nau met en lumière le mal qui nous habite, met à sac la psychiatrie de l'époque en dénonçant les methodes pratiquées par des médecins chez qui la folie se constate également.
Il met en parallèle tout au long de ce livre de manière sardonique, patients , notables, ecclésiastiques, manants, intellectuels, médecins, et sa virtuosité est de démontrer, sans toutefois jamais les évoquer distinctement, les névroses et psychoses de tout à chacun. L'aveuglement de la condition bourgeoise , chimère d'une cérébralité exemptée du déséquilibre au beau milieu du vice, de la vanité et du mépris.

Des dédoublements de personnalité à nos tréfonds psychologiques , c'est bien sous un air de littérature proche du romantisme noir à la Allan Poe associé à l' ubuesque d'un Alfred Jarry que Nau met en exergue La force ennemie extraterrestre qui n'est autre qu'une part de nous même, enfouie dans le tourbillon des vicissitudes humaines.

Vous comprendrez sûrement, du moins une part d'entre vous, la raison pour laquelle "Force ennemie" est méconnu, comme beaucoup d'oeuvres extraordinaires, il demande à l'imaginaire de se connecter à une réalité sous entendue qui elle-meme surfera sur la vague du politiquement incorrect, le tout relevé d'une verve révolutionnaire.
Une double lecture qui en fait un livre précieux hors des sentiers battus que l'on découvre tel un trésor enterré.
Alors pour les plus curieux(ses) lisez-le et suivez la voix de Huysmans qui le considérait comme le meilleur livre qu'il ait couronné en tant que président de l'académie Goncourt.

Un roman d'une ingéniosité remarquable.












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Quelle bonne surprise que cette "Force ennemie" Merci monsieur Géraud qui m'avez fait decouvrir cette pépite écrite il y a 120 ans et qui se trouve être le 1er prix Goncourt.
Cette farce se déroule dans un asile psychiatrique, en France au début du siècle dernier.
Je ne dévoile pas l'histoire, je vous la laisse découvrir...
Ce que je peux vous dire que cela est raconté de façon très humoristique à défaut d'être véridique.
On se demande parfois si les "soignants" ne sont pas plus fous que les malades. le personnage mr Veuly, poète, lettré est parfois sujet à des crises dues à son alcoolisme ; ilest souvent joyeux, toujours lucide et malgré ses frasques il réussit à être attachant; son gardien et ami ne l'est pas moins
Un brin vieillot mais tellement délassant
J ai vraiment passé un bon moment!
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Premier Prix goncourt en 1903.
L'histoire nous est narrée par Philippe Veuly qui se retrouve interné par son cousin. L'univers de l'asile nous y est parfaitement décrit. La population aliénée, les gardiens, le directeur et son adjoint, les méthodes utilisées...
Notre narrateur se trouve habité par un être extra-terrestre (son côté obscur).
Il tombe donc amoureux fou, s'évade. Réussi à rejoindre les îles où se trouve Irène. Il la tue par amour. Retourne à l'asile, son havre de paix.

Mais en fin de livre, une lettre du directeur actuel de l'asile nous révèle qu'il s'agit d'un manuscrit retrouvé dans la cellule d'un patient (d'un autre nom que Veuly). Que tous les personnages cités ne sont que pure invention. Toute cette histoire n'est que la vue d'un esprit dérangé d'un patient...
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Goncourt 1903 - premier lauréat de l'institution devenue célèbre - "Force Ennemie" est un livre qu'il faut replacer dans son contexte pour apprécier sa modernité. Modernité dans le thème : la folie tendance schizophrène alors que Freud vient juste de poser les bases de la psychanalyse et que la psychatrie reste encore très rudimentaire. Modernité dans sa construction : l'action se déroule dans un premier temps dans un asile puis à Paris pour finir aux Antilles - un élargissement de l'horizon du personnage principal - sans oublier un épilogue suprenant et étonnant qui récompense le lecteur arrivé au bout de cette folle trajectoire...
Si tous les "Goncourt" ne sont pas remarquables, celui-ci commence très bien le palmarès !
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John Antoine NAU est un écrivain mal connu, son livre le plus connu premier prix Goncourt "Force Ennemie" est injustement méconnu.
Il est classé comme livre de science-fiction alors qu'il relève plutôt du fantastique.
Force ennemie est un livre original plein de fantaisie. John Antoine NAU joue avec les mots, en invente certains, triture à plaisir la langue française. Dans la postface Jean Baptiste Baronian (écrivain belge de nouvelles fantastiques) écrit : "Les injustices littéraires sont monnaie courante,. Elles sont si nombreuses qu'on se demande si elles ne constituent pas des faits établis".
Force ennemie entre dans ce cas. En première lecture, ce livre peut paraitre difficile à lire car l'auteur fait parler ses personnages avec le parler cauchois. Mais en dehors de cette surprise de lecture, John Antoine NAU a une belle plume. Il pourrait être considéré, à mon avis, comme un précurseur de Celine. « Force ennemie » est un livre qui n'est pas dans l'orthodoxie. Il était novateur en 1900 et il l'est toujours en 2022. John Antoine NAU était un homme libre, original, sans attache. C'est pour cette raison qu'il est incompris. Il n'est pas dans la norme et ne veut surtout ne pas l'être.
C'est un livre plaisant à lire. Une belle découverte. Je l'ai découvert à la suite du livre de Cédric Melleta "le meilleur que nous ayons couronné".
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