Hello toustes !
Il m'arrive parfois (juste parfois, hein, je sais faire des choix sinon(1)) de suivre aveuglément l'avis de mon libraire. Alors que j'avais dans les mains
Instanciations de
Greg Egan, celui-ci intervint subrepticement pour me glisser à l'oreille(2) « Hey ? sinon t'as lu
Protectorats de
Ray Nayler ? Parce que c'est un des essentiels de SF de ces derniers temps, selon moi ».
Pris d'un accès de folie(3), je reposai donc le
Greg Egan pour me saisir du recueil qui nous intéresse aujourd'hui,
Protectorats de
Ray Nayler.
🕰️ Prenons une base connue : Notre univers(4). Rembobinez à une période de notre Histoire où les perspectives sont très sombres, à l'aulne du pire drame de notre histoire contemporaine(5), et faites y écraser un vaisseau extraterrestre(6). Mélangez un peu tout ça et hop ! Vous obtenez une uchronie dans laquelle la Seconde Guerre mondiale s'est déroulée différemment grâce aux technologies alien déchiffrées(7) par l'Humanité.
👀 Oui, je sais, pour l'instant, on a tout de même une certaine impression de déjà-vu. Mais attendez donc un peu.
🌍 Dépassons un peu ce contexte, et avançons un peu dans le temps. Maintenant que cette guerre commence à rejoindre les mémoires, l'Humanité a quelque peu évolué, et a commencé à faire usage de ces technologies à des fins plus pacifiques. Et c'est là que se positionne
Protectorats : dans une phase où l'Humanité pense à l'avenir, et où les défis sont ceux que nous connaissons de nos jours : Survivre aux enjeux d'un environnement qui change.
🧠 Alors qu'elles sont-elles, ces technologies ? On parlera bien évidemment de voitures volantes et de robots(8), mais aussi et surtout de l'émergence du « connectome », modèle du cerveau et de la pensée permettant de numériser — et de reconstituer, sinon c'est pas drôle — la conscience d'un être humain — mais pas que ! — Que ce soit dans un autre hôte biologique, dans un androïde, où même d'autres éléments plus cocasses(9). C'est une des idées clés dudit recueil, et l'auteur ne se prive pas, au fil de nouvelles pourtant indépendantes, d'en explorer les conséquences, et d'en chercher l'impact sur nos devenirs(10).
🕵️♀️ L'auteur couvre ainsi des thématiques et des genres ma foi fort variés : Lorsqu'il ne nous emmène pas dans une enquête plongé.e.s dans les boucles mémorielles des victimes étudiées – parfois au péril de la santé des enquêteurices -, l'auteur nous accompagne à l'autre bout de l'univers explorer des planètes inhospitalières par les yeux d'humains transmis par laser dans des hôtes biologiques ou mécaniques envoyés sur place des années auparavant. Ou dans des lieux et environnements plus familiers, comme dans une famille où le papa n'est plus, remplacé par un robot nounou, ancien militaire, ou encore dans le cadre intime d'une relation entre deux personnages libérés et « incorporés » une fois l'année hors des simulations qui les hébergent… Voire, à l'occasion, des contes philosophiques explorant la notion de conscience et de son émergence, de mémoire, d'oubli, et d'identité… C'est riche, très riche, et toujours traité finement via le regard de personnages ayant toustes une sensibilité et une personnalité marquée… Brillant.
🤓
Ray Nayler n'oublie pas non plus les enjeux qui sont les nôtres : Comme dans notre monde, l'on observe des dérèglements climatiques entrainant drames quotidien et intime et catastrophes mondiales, questionnant nos réactions face à ces bouleversements majeurs, et explorant ce qui compte vraiment dans ces conditions…
🏁 Au chapitre des points forts, j'ai été fortement marqué par la capacité qu'a l'auteur à terminer ses histoires de la plus belle des manières : Tantôt avec humour, toujours avec émotion, parfois dans une ambiance douce-amère qui nous laisse là, les bras ballants, ne sachant s'il nous faut rire ou pleurer(11). Rarement, en tout cas, je n'aurais vu venir la fin, même si une fois ou deux, j'ai pu émettre quelques doutes sur ma compréhension(12). Un grand point fort, tant l'exercice apparait difficile dans bien des nouvelles et des recueils.
📚 Un mot pour le travail d'édition : J'ai lu à de nombreux endroits le soin qu'avaient apporté les équipes à sélectionner et à ordonner leurs textes : Je me joins à ce constat. On en vient même à oublier qu'il s'agit de nouvelles indépendantes, et l'on parvient petit à petit à comprendre le lore(13) du monde imaginé : une belle cohérence qui pourrait faire passer le livre de recueil à celui de roman, avec quelques retouches mineures(14). Et lorsque l'on se pose la question du « pourquoi(15)« , il suffit de continuer sa lecture pour avoir sa réponse, deux ou trois nouvelles plus loin.
😍 Au final, c'est sans conteste mon recueil de nouvelles préféré de l'année (pour l'instant), et je ne peux qu'être en accord avec le jury du Grand Prix de l'Imaginaire, qui lui a décerné le titre de Meilleure Nouvelle Étrangère. Amplement mérité !
😍 Et s'il fallait en douter, c'est encore une preuve — s'il en fallait une ! — que je kiffe mon libraire, et que je n'ai pas fini de suivre ses conseils(16)!
🗒️ Notes de bas de page
1 - C'est complètement faux.
2 - Oui, je suis d'accord, c'est bizarre. Mais vous pouvez continuer à douter de ma fiabilité concernant ces p'tits morceaux de vie.
3- ou de raison, mais je ne sais choisir : J'aurais pu prendre les deux. Je crois que je suis tel un meuble ikéa: un peu monté de travers.
4 - Encore que…
5 - Et je ne parle pas du tout du jour ou
Kendji Girac a un peu trop picolé.
6 - « Oh flûte ! en plein sur l'Académie française ! Mince alors ! »
7 - Ils ont fait du reverse engineering, quoi, comme on dit sur Linkedin.
8 - Mais pas de vaisseaux qui font pioupiou dans l'espace.
9 - Quand je serai grand, je serai grille-pain. J'ai toujours eu des ambitions étranges.
10 - Il fait de la SF, quoi.
11 - Un peu comme quand je vois des photos trop cool des copain.e.s qui font les cons aux imaginales… Je veux y'allllllerrrr :'(
12 - Ou alors, je m'incarne en flèche. Ça me changerait.
13 - J'crois que c'est un mot à la mode. Alors, j'y succombe, comme un gland.
14 - C'est-à-dire, avec une pioche. Ce qui est beaucoup moins précis qu'avec un stylo.
15 - J'entends d'ici mes camarades coachs « naaaan mais faut pas dire pourquoi faut dire pour quoiiiii c'est pas pareiiil l'espace change toooout ». Grille pain, vous disais-je.
16 -L'Atalante à Nantes, vazy, kestuveufaire. Cela dit, je jetterai tout de même un jour sur le
Greg Egan dont je cause au début…
Lien :
https://20c.fr/protectorats-..