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Manchu (Autre)Henry-Luc Planchat (Traducteur)
EAN : 9782381630984
450 pages
Le Bélial' (28/09/2023)
4.12/5   37 notes
Résumé :
Recueil de quatorze nouvelles uchroniques ou dystopiques abordant les sujets du voyage dans le temps, du conflit entre religion et avancées technologiques, des extraterrestres et de la projection de la conscience humaine extracorporelle, entre autres.
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Émouvant, interrogeant, distrayant, un bon moment.

14 nouvelles dont plusieurs se déroulant dans un même univers uchronique ou dystopique, sans pour autant constituer un fix up, passent en revue différents sujets d'actualité comme l'intelligence artificielle, la parentalité, le dérèglement climatique, la différence, le devoir de mémoire, entre autres.

Je ne suis habituellement pas fan des recueils de nouvelles, je redoute souvent le manque de cohérence entre elles, et quand une histoire me plaît, j'enrage trop souvent sur sa brièveté. Cet assemblage (oeuvre française me souffle-t-on sans équivalent anglo saxon) n'échappe pas totalement aux deux défauts sus-cités. Pour autant j'ai réellement apprécié ma lecture et seules trois nouvelles m'ont laissé indifférent.

Une SF assez « littéraire », résolument adulte, plutôt loin de la hard sf ou du space opera auxquels je suis plus habitué mais qui m'a séduit, par son écriture fine et toujours agréable.
Comme l'indique mon titre, la palette des sensations éprouvées à la lecture de cet ouvrage a suffi à mon bonheur de lecteur, même si à une exception notable près, l'humour brille par son absence.

Plutôt que détailler le background et/ou le sujet de chacun des 14 récits, je pense qu'il est préférable de voir l'ensemble comme un tout (malgré la disparité de certaines nouvelles), une oeuvre de SF pour découvrir l'auteur et son écriture, passer un bon moment, se laisser porter et scientifiquement parlant : « traiter les données. C'est sans doute le mieux que nous puissions faire. La certitude, c'est ce que les charlatans proposent aux imbéciles ».
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La science-fiction est un genre bouillonnant, vivier infini d'imaginaires plus ou moins fous. Des imaginaires forgés bien souvent sur un monde pourtant bien réel. Ray Nayler en est l'exemple parfait.
Publié pour la première fois en France par la revue Bifrost et aujourd'hui traduit par Henry-Luc Planchat pour un sommaire conséquent composé par Ellen Herzfeld et Dominique Martel au sein de la Collection Quarante-Deux du Bélial', cet américain né au Québec a traversé le monde deux décennies durant. 
Russie, Kazakhstan, Afghanistan, Vietnam, Kosovo ou encore Tadjikistan, ce polyglotte bardé de diplômes a aussi bien servi au consulat américain d'Ho Chi Minh ville qu'au sein du Corps de la Paix au Turkmenistan. 
Une expérience pour le moins impressionnante qui semble lui avoir fourni un matériel fictionnel à la hauteur de son imagination. 
Au cours de quatorze nouvelles réunies dans ce Protectorats, Ray Nayler vous offre ce que la science-fiction moderne a de meilleur.
Rien que ça.

Le souvenir qui s'efface
Comme le dise si bien Ellen Herzfeld et Dominique Martel dans leur préface, Protectorats pourrait presque être qualifié de roman tant la cohérence thématique des idées de Ray Nayler et la vastitude de son univers partagé donne une impression d'unicité à l'ensemble.
Voilà qui devrait rassurer ceux qui ont d'ordinaire du mal à lire les recueils de nouvelles en se plaignant des trop grandes ruptures de ton qui existent entre les textes. Les autres, eux, goûteront d'autant plus le soin apporté à l'agencement méticuleux des nouvelles au menu. 
C'est avec « Mélopée pour Hazan » que s'ouvre Protectorats, un texte qui va jeter les bases de l'univers imaginé par l'américain dans lequel la technologie vient bouleverser le rapport de l'homme à L Histoire
Ici, c'est une scientifique que l'on qualifiera de « gentiment excentrique » qui devient le centre de l'attention de notre narrateur passif, Baris. 
Nayler imagine qu'un nouveau procédé permet de balancer l'esprit d'une personne dans le passé pour être témoin des évènements de l'Histoire. 
Une chose interdite pour les risques que cela entraîne… et pas seulement d'un point de vue éthique. Grâce au « linceul », Hazan visite certains des évènements historiques les plus sanglants de la Seconde Guerre Mondiale, enchâssée dans la pierre ou le pavé, devenant la témoin privilégiée de l'horreur et de la souffrance. Car Hazan a une obsession : revoir la Seconde Guerre Mondiale du point de vue de ceux qui sont tombés et qui n'ont donc jamais pu raconter leur version de l'Histoire. Les morts peuvent enfin avoir leur vérité. Tout comme Baris sera témoin de l'autodestruction d'Hazan, piégée dans cette spirale infernale autour de l'homme et de sa cruauté. 
Le texte met d'emblée en place ce qui intéresse le plus Nayler dans son oeuvre : la mémoire. Et plus précisément, notre capacité à user du souvenir et en quoi l'altération de celui-ci avec le temps va changer notre perception du présent et du futur. Pour cela, Nayler va investir un genre en parfaite adéquation avec ce pas de côté : l'uchronie. 

Repenser l'Histoire
En effet, la quasi-totalité des nouvelles de Protectorats se déroule dans un futur plus ou moins lointain où l'uchronie débute en 1938 quand les États-Unis découvrent une soucoupe volante. Dis ainsi, on pourrait penser que le procédé a de quoi saper le sérieux de l'entreprise. Mais il n'en est rien car la question n'est pas celle des Petits Gris mais de la technologie qu'ils ont laissé au passage, comme les visiteurs maladroits de Stalker. 
Grâce à ce pique-nique au bord du chemin, les autorités américaines profite d'une occasion en or pour effectuer un bon technologique impressionnant avec des armes à rayons, des terraplanes et autres dispositifs de mappage neuronal. 
Le résultat ? Une histoire complètement altérée que l'on découvre plus en profondeur dès la troisième nouvelle, « Père », que les lecteurs du Bifrost avaient déjà pu lire il y a quelques mois de cela. 
Dans ce superbe texte entre Ken Liu et Ray Bradbury, un gosse nous raconte comment un robot a pris la place de son père dans des États-Unis d'après-guerre où l'intolérance et la méfiance règnent à l'encontre de ces boîtes de métal, même quand elles viennent égayer la vie d'une famille d'ancien combattant. C'est la finesse du lien qui se tisse entre l'enfant et le robot, la beauté de cette relation qui consume le récit et la rage qui envahit le lecteur face à la cruauté du destin qui va venir couronner ce texte comme le premier joyau de Protectorats
Et des joyaux…il va y en avoir un tas !
Dans « Les Boucles de désintégration » et « Une fusée pour Dimitrios », on découvre plus avant l'uchronie de Ray Nayler et ses conséquences, de la poursuite de la Seconde Guerre mondiale entre les Alliés et la Russie en passant la l'hégémonie des États-Unis sur le monde. Tout a changé.
Ces deux nouvelles suivent les mésaventures de Sylvia Aldstatt, seule survivante des essais menés sur le dispositif extraterrestre appelé « Boucles » et qui permet de revivre certains instants d'un mort. 
Autant dire que l'OSS a de quoi vouloir garder jalousement cette technologie. Dans une ambiance rétro-futuriste mêlant espionnage, polar et science-fiction, Ray Nayler fait ce qu'il sait faire de mieux : triturer la mémoires et les souvenirs de ses personnages. Revisitant les charniers et les batailles, remettant en cause le bien et le mal, l'américain imagine une paix nouvelle en s'interrogeant sans tabou sur les guerres menées par le passé, envoyant des vrilles glacées dans l'esprit du lecteur. C'est fort, d'une maîtrise impressionnante et, surtout, cela convoque une poésie tout à fait inattendue, notamment avec le personnage de Dimitrios, ce criminel-victime qui rêvait d'Espace. 
Et ça tombe bien, puisque l'Espace sera la prochaine étape du voyage. 

Que les morts restent morts
Grâce au connectome et à tous les projets fulgurants autour du cortex humain et du transfert de conscience déjà entrevus dans la première nouvelles, les hommes ont ouverts les portes de l'espace lointain. 
Logique donc que Ray Nayler explore d'autres planètes hostiles et inquiétantes dans « Les Yeux de la Forêt » et « Sarcophage », enchaînant la moiteur de la jungle et le froid de la glace. Deux explorateurs, deux survivants, deux façons de concevoir le monde. Rien n'est vraiment ce qu'il paraît au premier abord chez Ray Nayler. Un prédateur peut n'être en réalité qu'un charognard, une bête dans le lointain un allié précieux pour la survie. Si le souvenir n'est pas fiable, la perception ne l'est pas non plus, toute liée qu'elle est aux standards humains et, surtout, Terriens. 
On retrouvera d'ailleurs ce thème central dans un des plus grand textes du recueil, « La Mort de la caserne de pompiers n°10 ». 
Mais n'allons pas trop vite en besogne car aux récits de survie en milieu hostile et de compréhension de l'autre succède un autre versant de l'univers imaginé par Ray Nayler : le transfert de conscience et les androïdes (que l'on avait déjà approché de loin avec « Père »). 
Dans « L'Hiver en Partage », deux agents s'aiment au sein du Protectorat d'Istanbul, l'un des terrain de jeu favori de l'auteur. Regina et Ilkay occupent tous deux des « vacants », des corps humains habités par d'autres esprits, comme un autre type de vaisseau qui n'a rien de spatial (ou presque). Encore une fois, l'histoire croise l'intolérance qui grossit comme une tumeur dans l'ombre de la rancoeur et de l'ignorance, la beauté d'un amour qui se fout des apparences, et puis L Histoire avec un grand H sur les rives du Bosphore. 
La mémoire continuera à jouer des tours pourtant, dans « Retour au Château Rouge »pour un voyageur de l'espace de retour sur une Terre où il semble ne plus connaître personne… sauf ce vieil androïde à la mémoire défaillante.
Mais parfois, l'oubli a du bon. Surtout devant l'horreur.
Reste alors à savoir si des actes indicibles doivent prendre le pas sur les belles choses, comme ces instants fugaces d'humanité partagés entre une petite fille et son tuteur. 
C'est l'heure des androïdes et de ce qui est humain et de ce qui ne l'est pas.

Es-tu humain ?
Le reste des nouvelles, du « Réparateur de moineaux » aux « Enfants d'Evrim » en passant par « La Pluie des jours », font intervenir des androïdes dans les rôles principaux. Des androïdes qui se demandent parfois s'ils rêvent de moutons électriques et s'ils sont uniques ou pas. 
Une copie est-elle une conscience à part entière ? 
Celui qui souffre mille douleurs pour maintenir la vie envers et contre tout est-il vraiment humain ? 
Ces robots qui sauvent des vies et mêmes les plus basiques parmi les leurs sont-ils doués d'humour et d'empathie ? 
Ray Nayler offre certaines des figures artificiels les plus émouvantes depuis longtemps.
« La Mort de la caserne de pompiers n° 10 » en sera l'apothéose. 
Un récit sans prétention à première vue qui imagine que dans ce monde où les intelligences artificielles sont partout, les bâtiments eux-mêmes ont des personnalités pour prendre soin des humains et du monde qui les entoure. 
Mais comment définit-on quelque chose qui est humain et quelque chose qu'il ne l'est pas ? Ou plutôt, comment définir ce qui a le droit de vivre et d'être considéré comme conscient ? Un être humain peut-il vraiment percevoir toutes les finesses des autres espèces ? 
Des corneilles sur les branches d'un arbre en passant par une IA de caserne amatrice de blagues un peu lourdes ? 
Le texte est un chef d'oeuvre, à la fois sur la réflexion qu'il mène et sa façon de présenter les choses, une leçon véritable d'écriture et d'humanité. condensé en une seule nouvelle. 
« Les Hirondelles de Papier » referme finalement ce recueil en dehors de cet univers partagé avec les conclusions d'une enquête à propos de mystérieux morts à travers le globe, animaux ou humains. En miroir de la première nouvelle, Nino et Harlan regardent une autre folie de l'humanité, qui n'est ni la guerre ni le passé mais l'aveuglement face à la destruction de la planète, retrouvant la fibre écologique qui tient tant à coeur à Nayler dans le réel. 
Ainsi, les forêts brûlent.
Que restera-t-il du souvenir de notre vieille Terre ? 
Que garderont en mémoire ceux qui nous regardent nous consumer ? 
C'est peut-être notre plus grand mensonge commun : de croire que L Histoire regarde ailleurs pendant que notre maison brûle. 

Protectorats marque la naissance d'un auteur de science-fiction incontournable. Ray Nayler sonde notre mémoire et nos souvenirs, opère au coeur de ce qui nous semble humain et de ce qui l'est sans que nous le sachions, voyage vers l'espace et l'ailleurs pour jouer avec nos perceptions limitées. C'est grand, redoutablement intelligent et simplement indispensable.
Lien : https://justaword.fr/protect..
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Ray Nayler, auteur canadien anglophone que je découvre avec ce recueil de nouvelles, possède un ton bien à lui. Après avoir été découvert grâce à ses nouvelles depuis la fin des années 1990 il a publié récemment son premier roman, qui sera également traduit et publié par les éditions le Bélial.

Ici c'est d'une vaste randonnée dans ses nouvelles qu'il s'agit. La tonalité générale, à l'image de notre monde, n'est pas toujours très réjouissante. Les catastrophes, climatiques ou autres, sont très présentes. Les problématiques de l'intelligence artificielle, de la robotique et de la science en général sont au premier plan.

Ray Nayler parvient souvent à nous émouvoir et à nous laisser à penser à travers des personnages assemblés de bric et de broc. Mention spéciale à la nouvelle "Père" tout à fait digne d'un Ray Bradbury ou d'un Stephen King.

Les points communs entre ce choix de nouvelles, présentées non chronologiquement, sont assez nombreux pour qu'on puisse parler d'un auteur qui a un univers bien à lui. Qui sait être de son temps sans pour autant céder à des complications formelles destinées à en mettre plein la vue.

Une découverte qui ne restera pas sans suite en ce qui me concerne.
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Après avoir eu les honneurs du Bifrost pour 3 nouvelles, Ray Naler se voit publier dans la collection Quarante-Deux des éditions le Bélial avec le recueil de nouvelles Protectorats. Ce recueil existe uniquement en France et n'a pas d'équivalent dans le monde anglo-saxon, où les nouvelles de l'auteur ont été publiées dans des revues ou des mensuels. Les anthologistes ont choisi l'agencement des 14 textes formant ce livre de manière à faire ressortir la cohérence de leur univers commun. Les textes sont liés entre eux, certains plus que d'autres, et se déroulent dans un univers uchronique. Protectorats est ainsi un fix-up de 14 nouvelles auxquelles s'ajoute une introduction par Ellen Herzfeld et Dominique Martel, et une bibliographie signée Alain Sprauel.

Quelques mots sur l'univers développé par l'auteur avant de parler des textes. le monde a été bouleversé à jamais par le crash en 1938 d'une soucoupe volante. L'étude de la technologie présente sur cette soucoupe a changé le cours de la Seconde Guerre Mondiale, qui a duré plus longtemps, et a continué avec un front russe. Les développements technologiques et scientifiques ont été fortement impactés par ces découvertes. Des androïdes ont été créés, des sauvegardes de personnalité humaine permettent le transfert dans des enveloppes humanoïdes appelées « vacants », elles peuvent même se faire vers d'autres planètes. Ray Naler développe tout ceci à travers ses nouvelles se déroulant à plusieurs époques, proches ou très éloignées de la découverte du vaisseau extraterrestre. Dans cet univers, il existe des protectorats et beaucoup d'histoires se déroulent dans celui d'Istanbul. D'autres auront pour cadre une lointaine planète, et parfois les USA.

Ray Naler a construit un univers solide et cohérent, en détaillant les répercussions premières de la découverte de la soucoupe. Il a développé de nombreux concepts technologiques sans mettre de côté ses personnages et les thématiques. Chaque nouvelle prise seule est un plaisir de lecture, et s'intègre parfaitement avec les autres, emmenant une pierre à l'édifice de l'univers. Protectorats est ainsi un recueil parfaitement bien construit, écrit, où chaque nouvelle a son rythme propre, son ambiance particulière, ses thèmes développés. C'est incontestablement une grande réussite.

Les textes:

Mélopée pour Hazan: le texte se déroule dans le Protectorat d'Istambul, et suit le récit du professeur Baris Burakgazi. Celui-ci était un proche du professeur Hazan avec qui il travailla de nombreuses années au sein d'un institut de recherche. Ils vont travailler sur le connectome, un tissu artificiel où l'on peut momentanément charger la conscience d'un individu. La nouvelle parle de l'exploration du passé par la technologie, de la science et ses possibles dangers. Hazan est un personnage plutôt détestable, mais le narrateur permet de prendre du recul.

Mutabilité: dans un futur lointain, un homme se rend tous les jours dans un café où il va rencontrer une femme. Celle-ci lui fait part d'un fait étrange, elle a une photo d'eux deux mais à une époque passée. le texte est bien écrit et on se laisse porter par l'histoire.

Père: sans doute la plus belle nouvelle du recueil. Elle a été publiée dans le bifrost n°105 et a obtenu à juste titre le prix des lecteurs Bifrost 2022 catégorie nouvelle étrangère. Aux États-Unis, dans le milieu des années 50, le Bureau des Vétérans organise une loterie pour les enfants dont le père a été tué lors de l'une des guerres. Les gagnants recevront un robot abritant l'esprit de leur défunt père. le texte raconte l'histoire d'un petit garçon de 7 ans qui va ainsi partager 6 mois de sa vie avec ce robot si particulier. le récit est très émouvant, on s'attache à ce petit garçon et au robot. Il y est fait mention de la découverte de la soucoupe en 1938 et de la guerre contre les russes qui a eu lieu après 1945.

Les Boucles de désintégration: dans les années 50, Sylvia Aldstatt fait partie des vétérans de la guerre. Elle a la particularité d'être la seule personne capable d'utiliser une technologie révolutionnaire utilisée par les services de l'OSS, les boucles. Cette technologie (conséquence de la soucoupe) permet d'interroger les derniers souvenirs des victimes de crime lorsqu'elles sont mortes. Cependant, les souvenirs peuvent être amenés à changer et sont de moins en moins fiables et importants au fil du temps. L'interrogatoire d'une victime va entrainer Sylvia dans une affaire d'espionnage international. La dimension enquête et espionnage est vraiment plaisante à découvrir, tout en étant mêlée à une technologie à la fois fascinante et dangereuse.

Une fusée pour Dimitrios : ce texte fait suite au précédent, mais peut-être lu indépendamment. On retrouve les deux mêmes personnages principaux en 1958 quelques mois après l'histoire précédente. Sylvia Aldstatt et Alvin, son supérieur à l'OSS, sont envoyés sur les rives du Bosphore dans le Protectorat d'Istanbul pour enquêter sur le fait qu'un autre vaisseau spatial serait tombé sur Terre en même temps que le premier. le cadavre de Dimitrios Makropoulos, un criminel grec a été retrouvé. Ce dernier voulait vendre l'emplacement du second OVNI, information d'une importance capitale qui pourrait remettre en cause l'ordre du monde et la puissance américaine. Ray Naler continue de développer son univers en mettant au premier plan des personnages féminins dont il change le rôle historiques comme Hedy Lamarr et Eleanor Roosevelt. C'est à nouveau brillamment écrit avec une dimension espionnage fort bien amenée. Un des meilleurs textes du livre.

Les Yeux de la forêt : cette fois direction l'espace et une colonie humaine sur une planète lointaine couverte d'une immense forêt. Les descriptions de la nature sont particulièrement saisissantes. Les humains ont été forcés de vivre enterrés dans des grottes aménagées car la forêt est très dangereuse. Seuls quelques individus formés pour cela peuvent aller dans la nature, grâce notamment à des combinaisons protectrices. le texte suit Sedef, jeune apprentie, ainsi que sa formatrice lors d'une sortie en territoire hostile. le parcours de Sedef est vraiment passionnant à découvrir, l'idée du danger venant de l'environnement qu'on ne comprend pas est très bien exploitée.

Sarcophage :Dans un future lointain, l'humanité est partie explorer l'espace, et est parvenue à créer des copies informatiques des esprits pour les remettre dans un nouveau corps à la mort de celui-ci. le narrateur est le seul survivant d'une expédition sur une planète hostile. Il doit atteindre une base susceptible de lui sauver la vie, mais la batterie de son scaphandre commence à s'épuiser. Sur le chemin, il aperçoit une silhouette particulièrement inquiétante. le texte est très immersif, les paysages glacés sont magnifiquement décrits et Ray Naler a soigné l'ambiance de la planète. La solitude de l'homme accompagnée de ce monde désertique et glacé créent une atmosphère particulièrement prenante et angoissante.

L'Hiver en partage : Certaines personnes, par le biais d'une technologie nommée « les vacants », peuvent échapper à la mort et revenir posséder d'autres corps. Cette technologie n'est pas possible pour tous, et créé des mécontentements. Deux femmes se retrouvent tous les hivers pour quelques semaines de vacances et retournent ensuite dans leur bloc respectif. L'ambiance est très soignée, et l'histoire émouvante.

Retour au Château Rouge: futur lointain, une jeune femme a participé à une mission sur une planète glaciaire (sans doute la même que dans Sarcophage). Elle revient sur Terre des années après et tous les gens qu'elle connaissait sont morts. Elle est dans un vacant (un corps nouveau occupé par une personne dont on a téléchargé la conscience). Elle va essayer de retrouver l'androïde qui s'est occupée d'elle pendant ses études. Mais la situation sur Terre a changé et les androïdes sont très mal vus. La nouvelle parle de l'importance de la mémoire, du passé et des liens que l'on créé.

Le Réparateur de moineaux: un jeune homme a l'habitude de nourrir les moineaux tous les matins. Un jour il en trouve un blessé et l'amène chez le vétérinaire pour le faire soigner. Mais cette découverte va bouleverser sa vie. L'auteur continue à développer brillament le concept de transfert de conscience.

La Mort de la caserne de pompiers n° 10 : dans un avenir lointain, les intelligences artificielles sont partout et les bâtiments ont des personnalités pour prendre soin des humains et du monde qui les entoure. le texte s'intéresse plus particulièrement à la destruction de la caserne de pompiers n°10. La nouvelle s'intéresse ainsi à la notion du vivant, de l'humain, de la conscience.

Les Enfants d'Evrim : on repart dans l'espace avec une mission pour une planète à coloniser. A bord du vaisseau Fram se trouvent la jeune Mae et le robot Evrim. Ce dernier va expliquer à Mae son passé, et ce qui est arrivé avant sa naissance. En peu de pages, l'auteur nous immerge dans cette histoire, une des plus réussies.

La Pluie des jours: dans le futur, une femme essaye de se remettre du décès de sa concubine à travers une thérapie. le texte parle des souvenirs, des liens et de la guérison.

Les Hirondelles de papier : deux scientifiques s'intéressent à une série de morts mystérieux ( animaux ou humains) à travers le globe. Ils vont tenter en vain de prévenir l'humanité en leur présentant leur théorie concernant la destruction de la planète par les humains. L'auteur aborde l'écologie avec ce texte fort réussi.

Protectorats est un recueil magistral qui permet de découvrir un auteur talentueux qu'on espère lire à nouveau. On ne peut que souligner la qualité éditoriale de cet ouvrage et la manière dont les nouvelles sont agencées, formant ainsi un fix-up. Chacun des textes a un intérêt particulier, une ambiance propre, mais mis ensemble ils offrent un univers passionnant, uchronique et qui évolue sur de nombreuses années.

Lien : https://aupaysdescavetrolls...
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La collection "Quarante-deux du Bélial' c'est un peu la Pléiade des nouvelles de science-fiction. Après Rich Larson il y a trois ans, c'est au tour de Ray Nayler de rejoindre le catalogue, lui aussi après des passages par le laboratoire Bifrost.

Je ne partais pas avec une confiance absolue, parce qu'en vrai je me moque pas mal des statuts. L'illustration de couverture de Manchu est sympa mais le design global fait un peu vieillot (j'ai quand même bien apprécié le logo du Bélial' partiellement masqué par des arbres au premier plan).
En quatrième, il est précisé que "Ray Nayler a vécu et travaillé à l'étranger pendant deux décennies – en Russie, au Turkménistan, au Tadjikistan, au Kazakhstan, au Kirghizistan, en Afghanistan, en Azerbaïdjan, au Viêt Nam et au Kosovo, autant de pays dont il maîtrise la langue." La formule finale sur "la" langue fait un peu tiquer (et quand on compare avec sa bio officielle, c'est partiellement inexact), et surtout je me dis que ça sent l'humanitaire à la sauce US, option #softpower, aka le Peace Corps [spoiler alert : oui, c'est bien en partie ça].
Enfin [mode confession ON], je lis assez peu les nouvelles dans Bifrost (problème pour moi de mise en page - j'ai un livre écrit par des potes dont je suis certain de la qualité du contenu que je n'ai toujours pas lu depuis plus de dix ans à cause de ça...). "Père" avait gagné le "prix des lecteurs de Bifrost" mais ça ne m'avait pas particulièrement poussé à la lire. Je lis principalement celles des gens que je croise, ai croisé ou vais croiser ! [mode confession OFF]

Protectorats, donc.
Un recueil de quatorze nouvelles, onze inédites et trois déjà publiées en Bifrosty. Elles se situent grosso modo à deux larges époques différentes : un XXe siècle uchronique et un futur estimé à plusieurs siècles. Mais toutes dans le même univers, formant un fix-up - sûrement mon format préféré.
Comme le suggère la couverture, une bonne partie des histoires tournent autour d'Istanbul, côté "uchronie" comme côté "SF" (tel que thématiquement découpé dans la préface). Parfois l'action se passe sur une lointaine planète, parfois aux USA (comme dans "Père").

La marche du monde a été bouleversé par le crash en 1938 d'une soucoupe volante dont l'extraction et l'étude de la technologie ont permis, d'abord de changer le cours de la Seconde Guerre Mondiale, puis un développement technologique exponentiel.
On croise des androïdes diversement malmenés selon les époques - métaphore classique mais toujours efficace.
Le transhumanisme se traduit par le transfert par laser de personnalités à travers l'univers à des fins de recherche de nouveaux mondes habitables. Elles atterrissent dans des enveloppes humanoïdes appelées "vacants". En théorie, tout du moins.
Le concept de "nécroterrorisme" est assez génial. Je ne sais pas si l'idée avait déjà été traitée, mais pour moi ce fût une découverte, et des plus plaisantes !

Les nouvelles uchroniques ont ma préférence. L'arc sur les "boucles" est formidable et "Père" est effectivement une superbe nouvelle.
L'expérience et les études dans le champ diplomatique de l'auteur se ressentent dans sa peinture uchronique du XXe siècle. C'est très savoureux et finement mené.
Celles qui se passent sur d'autres planètes remportent moins mon adhésion, mais en même temps quand je relis le sommaire et vois leurs titres, je me dis "c'était bien cool quand même".

Un recueil de grande qualité, riche en thématiques, accessible, maniant tendanciellement plus la géopolitique que la hard-SF.
Un auteur qui méritait de voir son travail ainsi compilé dans ce solide volume, aussi cohérent que polymorphe.

PS : j'aimerais bien entendre les Quarante-Deux sur les choix d'agencements des nouvelles, si l'occasion d'un live du Bélial' se présentait ! Sur ce recueil, comme d'une manière générale d'ailleurs.
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
J’ai peut-être simplement besoin de faire une pause. Est-ce qu’on peut arrêter d’être un humain pendant un moment ?
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Quand vous détenez une puissance irrépressible comme celle qu'a obtenue notre pays, celle qu'ils ont obtenue, vous craignez de la perdre. Vous devenez certain que tous les autres, s'ils en disposaient, s'en serviraient mal -- que vous seul pouvez guider le monde. Et vous commencez à pourrir de l'intérieur.
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L’affaire doit être d’importance : l’agent Lake est terrifié. Et comme la plupart des hommes, comme un petit garçon, il se met en colère quand il a peur.
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Tout le monde sait qu'il n'existe rien de plus dangereux qu'un allié. Vous connaissez vos ennemis, mais vos alliés, c'est une autre paire de manches. La moitié du temps, vous êtes trop proches pour voir clairement ce qu'ils font. Et rester trop proche, c'est donner à l'autre la possibilité de vous planter un poignard dans le ventre.
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Une fillette de onze ans nommée Nino Makhviladze se promenait dans une pinède proche du village. Elle portait une vieille boîte à chaussures cabossée, renforcée avec de l'adhésif bon marché. La boîte contenait une pomme de pin nain, un galet marbré de stries bleues, le cadavre irisé d'un scarabée, deux boulettes régurgitées par une chouette, le crâne d'une musaraigne bien nettoyé par les fourmis, et d'autres trésors qu'elle voulait cacher à sa mère.
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Video de Ray Nayler (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ray Nayler
An Interview with Ray Nayler ( The Mountain In The Sea )
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