Il s'agit du deuxième roman de Nekrassov, paru en 1954, juste après la mort de Staline. A la fin de la Seconde guerre mondiale, Nicolas Mitiassov, jeune officier sorti du rang est blessé et mis au repos dans sa ville natale, en Ukraine. Celle-ci a été occupée par les Allemands et largement détruite. le roman décrit la lente réintégration de Nicolas à la vie civile. Tout a changé dans cette ville natale : les habitants se partagent les quelques immeubles encore debout, son épouse vit avec un soldat qu'elle a accueilli pendant sa convalescence, des gens qui ne se seraient pas croisés avant-guerre se rencontrent, la bureaucratie légèrement corrompue veille à la reconstruction... Tout semble possible : essayer de reprendre sa vie d'avant ou d'en changer radicalement. Nicolas hésite : aime-t-il encore sa jeune épouse à laquelle il n'a cessé de penser sur le front ou ne préférerait-il pas vivre avec la fille de sa logeuse, Valia, enseignante à l'université et qui a, elle aussi, combattu en tant que volontaire ? Désire-t-il aider à la reconstruction en travaillant pour l'administration locale ou devenir ingénieur en bâtiment, ce qui implique reprendre les études après quatre années de guerre ?
Au fil de rencontres avec des personnages marquants, il tentera de faire son deuil de son expérience de soldat et de savoir ce qu'il souhaite vraiment faire de sa vie.
Si le style reste relativement simple, comme dans le récit qui avait valu à son auteur un réel succès, intitulé
Dans les tranchées de Stalingrad (1946), Nekrassov a cherché à s'éloigner des canons du réalisme socialiste imposé aux auteurs soviétiques. Il en résulte un portrait assez fin d'un homme face à lui-même, à une époque où l'avenir semble recéler une forme de liberté, mais où celle-ci est menacée par les vieilles structures bureaucratiques soviétiques et l'habitude stalinienne de compter l'être humain pour quantité négligeable. En somme, un roman qui correspond bien à ce qu'une partie de la population soviétique attendait à la fin de la Grande guerre patriotique : ne plus être martyrisée par autrui, en premier lieu par ses dirigeants politiques. Attente vite déçue, mais le roman n'en laisse rien paraître. Témoignage certes daté, mais intéressant, de ce qu'ont pu ressentir des millions de soldats soviétiques une fois la guerre terminée.