À l’aéroport, je réalise que je n’ai rien à rapporter comme souvenirs de New York à mes amis et je traîne dans les allées. Je tombe sur des bonnets de Noël d’un mauvais goût délicieux. J’en prends un gris pour Ben avec des bonhommes en pain d’épice marron, un rouge à pompon pour Laure avec des petits flocons de neige et une inscription Let it snow et pour moi, je me défoule avec un magnifique bonnet vert et rouge bien criard affichant la totale : des rennes, des étoiles et des sucres d’orge bariolés.
Dans le Uber qui me ramène à mon entresol, je me dis que je vais devoir me farcir tous les clichés sur les Noëls anglais traditionnels, pudding compris. Et je n’arrive pas à apprécier l’aspect folklorique de la chose.
Ma passion, c’était la photo et il ne voulait pas en entendre parler. Il était exigeant, autoritaire et me rabaissait tout le temps. Le soir du réveillon, il a eu des mots très durs, comme quoi j’étais la grande déception de sa vie, mais que c’était normal après tout je n’étais qu’une fille. Quelle adolescente peut encaisser ces mots ? J’ai eu le cœur brisé. Je me suis enfermée dans ma chambre et je suis partie rejoindre ma mère le lendemain.
D’un, ma mère a quitté mon père un soir de réveillon de Noël et elle m’a ensuite trimballée partout avec elle sans me demander mon avis. Elle est partie en douce alors que mon père avait tout préparé, ça a brisé notre bonheur familial. Jusqu’à ce jour, j’étais très heureuse et j’adorais fêter Noël.
– Chaque année à Noël, nous organisons une grande fête au domaine, pour tous ceux qui sont seuls au village, qui n’ont pas de famille avec qui célébrer le réveillon. Il y a, bien sûr, le traditionnel sapin, la crèche immense remplie de santons de Provence et les treize desserts. Je prépare moi-même nos sablés étoilés à la lavande et à la fleur d’oranger. J’en fais aussi à la cannelle, bien sûr. Pas de Noël sans cannelle, non ? Je fais aussi la bûche au chocolat. Vous aimez le chocolat ?
– Qui n’aime pas le chocolat ?
Pas vraiment pratique d’attacher le carton sur le petit porte-bagages. Heureusement, j’ai une quantité industrielle de sandows élastiques avec crochets de toutes les tailles.
Ce qui ne m’empêche pas de perdre mon chargement en plein dans une flaque. Noooon ! Je m’arrête au milieu de la route, au risque de passer sous les roues des automobilistes. Une nuée de klaxons retentit. Vite, je récupère le carton trempé et repars en sueur. Cerise on the cake, le crachin londonien s’est transformé en pluie torrentielle, version tropicale. En pire, puisqu’on est en hiver.
C’est là que j’ai commencé à m’intéresser à mon apparence. Au style. Aux fringues. Aux marques. Aux mannequins. Et aux photographes qui en font ce qu’elles sont. Et que je me suis fixé cet objectif : je deviendrai, moi la bouseuse, une incontournable dans le monde de la photo de mode.